La mort terrestre de l’artiste permettra encore plus à son œuvre immense de vivre, de rendre heureux, de soutenir et d’enchanter les amateurs de génie sensible et créatif, forcément déstabilisant, dérangeant et marquant. Poésie noire, élégante, magnétique et fébrile, émotions à fleur de peau. Je connais ses chansons par cœur ou presque, elles me hantent. Je n’ai rencontré Christophe qu’une seule fois dans la vie, mais quelle fois ! Je me suis retrouvé seul il y a dix ans avec lui dans les loges du palais des sports pendant plus d’une heure pendant un spectacle de Franck Dubost.

A l’époque j’étais ami avec Nathalie Cardone qui m’aimait bien car je ressemblais à son Che fétiche, et il était arrivé dans les coulisses avec sa dégaine inimitable, sorti d’un taxi, lunaire, hors du temps, terriblement vintage et incroyablement charismatique. Nathalie me l’a aussitôt présenté, ils étaient proches. Christophe ne jouait pas à être différent, il était un ovni, un ultra sensible, un inadapté au réel. Je me souviens que mon ami le chanteur Edouardo m’avait raconté que lui aussi l’avait rencontré un jour à la Poste et du dialogue complètement décalé et surréaliste qui était né entre les italiens chelou et qu’Edouardo avait retranscris pour un projet de livre. Christophe était là aussi complètement inattendu, foutraque, incapable de vivre normalement dans un monde normal, il vivait une existence parallèle avec son élégance sophistiquée qui plaisait aux bobo et au populaire. Pendant cette heure passée ensemble, il m’a traité d’égal à égal et m’a posé beaucoup de questions sur moi, il était très attentif et curieux de l’autre. C’était une interview à l’envers. Look de star des années 60 mais avec une vraie gentillesse douceur et très très accessible. Une rock star dans toute sa splendeur, touchant, different, hors norme et mal à l’aise avec le banal et le jour, il préférait tellement la nuit. Au bout de l’heure passée ensemble, il a fait dire à Nathalie Cardone qu’il voulait que je réalise son prochain clip. Je n’ai plus jamais eu de nouvelles mais qu’importe, d’avoir côtoyé ce court et long temps à la fois cet individu unique, sombre et lumineux, flegmatique, caricatural, too much, fébrile, angoissé et fascinant a été pour moi comme l’écoute de ses chansons, une expérience quasi mystique.

J’écoute Christophe et Bashung en boucles. Les derniers albums de Christophe sont des chef d’œuvres hypnotiques, magnifiques, grandioses. On n’a pas fini de redécouvrir quel immense artiste il a été et sera pour toujours. Putain de virus, putain de nouveau monde qui perd son dandy fabuleux et va devoir vivre avec ce manque terrible.

Nous sommes tous orphelins de Christophe. Les vestiges du chaos est un album époustouflant. La chanson E Justo me fait venir les larmes à chaque écoute et tous les titres sont sublimes, uniques et beaux .

Quand tu penses que Les vestiges du chaos s’est vendu à moins de 100 000 exemplaires alors que c’est un disque exceptionnel tu te dis que les français sont sourds, cons, nuls et sans goût. C’est désespérant. Combien de disques vend Jul ???

http://lemague.net/dyn/spip.php?article3775. @richarddumas