Alexandre Moix et Yann Moix. D’un Moix à l’autre.

Alexandre Moix et Yann Moix. D'un Moix à l'autre.

Les frères Moix se déchirent à travers les Média. Les enjeux sont énormes pour eux. Leur enfance, leur fraternité ou non fraternité, la vérité subjective, leur amour/haine, leurs vies d’hommes adultes, leurs carrières d’écrivains, leur crédibilité, leur avenir.

Pourquoi cette histoire nous touche-t-elle et nous intéresse autant ? Parce que Alexandre et Yann c’est vous c’est moi, c’est leurs parents, ce sont les nôtres, nos frères, nos soeurs. Tout se mêle dans un chaos d’une violence rare. Cette polémique orléanaise touche symboliquement toute l’humanité. Elle est proprement universelle.

Leur intime est abondamment déversé sur la place publique, leur passé cherche un bon hagiographe qui saura faire la nuance et sortir de cette caricature : un gentil, un méchant. Qui est le bourreau, qui est la victime ? Les deux sont en souffrance, les deux sont victimes de leur enfance. Les deux ont été condamnés à vivre ensemble au sein de la même famille et ce jusqu’à la mort, bien longtemps après avoir été séparés physiquement.

Le fratricide est latent dans la plupart des familles mais c’est tabou et ça reste dans la sphère intime. Chez les Moix, il devient un enjeu littéraire, un enjeu de célébrité, de reconnaissance. Une victoire sur le passé.
Les hasards de la vie font que j’ai connu les deux frères à quelques années d’intervalle.
Les deux se ressemblent, les deux ont plus que le même sang, les deux sont, selon moi des jumeaux inversés. L’un est dans la lumière, l’autre est plus dans l’ombre. Yann veut effacer Alexandre, Alexandre veut être aimé par Yann. Les deux veulent être célèbres.
Ce combat fratricide est un combat d’amour perdu, ils veulent la dissociation de leur quasi-gémellité, ils veulent chacun être uniques aux yeux de leurs parents et aujourd’hui aux yeux du monde.
Les deux ont du talent, les deux sont très certainement des artistes majeurs. Il devrait y avoir assez de place pour qu’ils puissent cohabiter dans l’Art sans que l’un tue l’autre plus ou moins métaphoriquement.

On pense aux parents. Ils vivent un drame. Leurs deux seuls enfants se livrent une guerre et eux-mêmes sont accusés de maltraitance. Que ce soit vrai ou pas, il y aura désormais toujours un doute, une suspicion. Les parents sont des monstres, les parents sont coupables, les parents ont enfanté deux malheureux qui se détestent ou s’aiment mal et ne se comprennent pas.

J’ai bien mon idée sur lequel ment plus que l’autre mais ça n’a finalement pas beaucoup d’importance. Ce qui parait essentiel c’est un débat éthique. Peut-on prendre en otage les lecteurs, le public au nom de la littérature, au nom de ses rêves de gloriole, au nom de sa popularité dans les médias mainstream ou sociaux ?
Les réseaux sociaux ont choisi Alexandre et les médias traditionnels ont fait de Yann un Prince puissant et craint.

Quelle drôle de configuration ! A eux deux ils sont une entité parfaite, ils sont brillants, ils sont une perfection. Lorsqu’on les sépare, tout explose, c’est le big bang.
Les frères Moix ont beaucoup à nous apprendre. Ils sont de fabuleux miroirs de nos vies, de nos craintes, de nos peurs immémorielles. L’on se reconnait un peu en eux mais pas assez pour nous éviter de les juger et de prendre partie.

Si l’on sort de la Philosophie, l’on a bien envie de brûler Yann et de diaboliser ce qu’il offre dans ses écrits, ses tribunes et ses interventions télévisuelles, mais si l’on est un tant soit peu Philosophe, l’on a envie de le protéger, de le préserver de lui-même et de son narcissisme.

Yann, Alexandre. Alexandre, Yann… les deux gagnent de la lumière dans cette affaire « Orléans » mais les deux se perdent dans ce match truqué d’avance. La meilleure chose qui puisse ressortir de tout ça c’est qu’ils accouchent de deux grands livres en retournant à leur table d’écriture. Tout le reste est beaucoup trop destructeur.