Le monde de Tchar Scaille

Le monde de Tchar Scaille

Je rêvais d’un autre monde et je l’ai trouvé. Une sorte de monde parallèle d’après la mort, avec une passerelle vers plus de beauté, d’authenticité et de tolérance, où règnent la paix et la sérénité, dans un mélange du temps qui n’est plus illusoire et où le passé, le présent et le futur ne font plus qu’un. Un joli monde dans lequel on peut ripailler et se régaler enfin de produits frais, sains et bien cuisinés. Un monde vous permettant de décider et de prendre le temps des choses, en savourant chaque bouchée comme si vous étiez en train de manger des morceaux de la manne céleste de l’Exode.

Lorsque vous arrivez sur ce plateau qui semble dominer une vallée éphémère, vous tombez nez-à-nez avec un bon gros chien de berger qui n’a rien d’un cerbère, donc, rassurez-vous, vous n’êtes pas aux portes de l’enfer.

Tchar Scaille, en wallon, signifie chariot d’ardoise !

L’endroit est étrange, comme s’il était sorti de vos rêves les plus fous ou les plus flous, après un chemin forestier interminable que vous prenez entre les Hauts-Buttés et Monthermé, dans les Ardennes. L’homme qui m’accueille n’est pas banal et on le croirait tout droit sorti d’un opéra de Verdi, comme s’il était la réincarnation d’un Falstaff beaucoup moins corpulent et autant médiéval que celtique, bien qu’il soit résolument de notre époque. C’est lui le patron, Philippe Boudart, initiateur de ce concept culotté autant que non conventionnel.

C’est un menu unique et pantagruélique - à 28 euros, pensé et concocté avec le jeune Chef Juan Thiry - qui vous est proposé.

Philippe Boudart vous informe que vous êtes le seul maître à bord. Vous décidez du moment des trois services, vous mangez ce que vous voulez et si un met vous plaît particulièrement vous pouvez en redemander. Ici, tout est frais et fait Maison. Les légumes bio viennent des potagers de Chooz. Quant au porc, Philippe propose plus volontiers de la femelle qui, dit-il, sent beaucoup moins le cochon et est plus proche du poulet rôti à la broche, au niveau gustatif, comme c’est ici la tradition.

Une jolie mise en bouche, bien fraîche, qui tourne autour de l’artichaut, arrive dans un bol noir. Elle est succulente car relevée à point avec un poivre en grains qui développe des arômes élégants en rehaussant l’ensemble. Une bière de Chimay Bleue au fût, bien fraîche, sera ma boisson favorite pour ce joli repas.

Arrivent ensuite, sur mon imposante et solide table, les entrées présentées sur une planche à découper. Une vraie palette de légumes goûteux et bien préparés. Chou blanc, cerneaux de noix, lentilles, poire au chèvre, avec du bon pain cuit ici. Pour les petits mangeurs, le repas pourrait s’arrêter ici. Pour ceux, plus adeptes de tables royales où se succèdent des denrées à n’en plus finir, le festival se poursuit.

Philippe vient de revêtir une blouse noire de maquignon, voire de Merlin l’Enchanteur, et entre en scène avec son cochon rôti qu’il présente à tous ses clients. La vue de cette pièce de viande est un ravissement et un agréable fumet s’en dégage pour venir chatouiller vos narines et vous inviter à continuer ce festin.

Un canapé en courgette fait de truite saumonée en tartare, donne un avant-goût de la suite. Une viande magnifique de porc, comme on n’en voit pratiquement plus, avec une saveur exceptionnelle, cuite merveilleusement, à la peau légèrement croquante et à la chair juteuse. Cinq bols de légumes et sauce viennent agrémenter cette belle viande, comme ces pommes de terre, ces carottes, cette croquette, cette sauce onctueuse, ces pois gourmands et cette courgette.

Vous restera-t-il une place pour les desserts, avec le nougat glacé, la figue, la rhubarbe, l’abricot, la sauce caramel au gingembre. Un vrai gourmet gourmand ira volontiers jusque-là !

A découvrir !