« A quoi tu joues ? », ouvrage révolutionnaire sur le genre et l’enfance !

« A quoi tu joues ? », ouvrage révolutionnaire sur le genre et l'enfance !

Ce livre pour les enfants grands et petits pose la question du genre et de l’identité lors de l’arrivée de Nao nouvel élève. Il va faire exploser les représentations codifiées qu’on attribue trop souvent à un sexe plutôt qu’un autre. Une BD courageuse et réjouissante par deux auteur(e)s qui savent parler d’un sujet d’actualité sans langue de bois. Un bel ouvrage à mettre entre toutes les mains et recommandé aux parents et enseignants.

Avant de commencer. Vous vous demandez sans doute qui est cette marionnette au chapeau noir et pointu qui pose à mes côtés ? Bonne question, merci de me la poser une fois pour toute. J’explore votre curiosité, car mon aminche Sosso la sorcière m’accompagne sur la photo du visuel de mon article. Il faudra vous y habituer. Elle sera désormais toujours à mes côtés pour tous les articles d’ouvrages que j’aurai reçus en service de presse et qui seront consacrés aux prochaines Estivales de la BD de Monta les 20 et 21 juillet 2019.
De plus, même pas peur de ses crottes de nez farcies qu’elle veut me refiler, concoctées par ses soins, selon le très ancien grimoire de ses ancêtres. Elle sera ma compagne de jeux lors de scénettes où l’on évoquera certaines BD des artistes invité(e)s. Qu’on se le dise au fond des chemises en été à Monta sous le soleil exactement, les Estivales 2019 vont vous refiler la pêche.

Pour entrer dans le vif du sujet qui nous intéresse : « Souvenirs souvenirs », comme dans la chanson débile de Jauni au Lido raclant ses vieux os à Saint Barthe. Vous avez sans doute comme moi des souvenirs plus ou moins agréables des cours de récréation. Je dis surtout ça pour vous, car moi je n’en ai aucun. Et pour cause, je ne vous le répéterai jamais assez, nous les grands singes, on n’a pas inventé l’école ni encore moins le pétrole pour se chauffer les poils.
L’ouvrage par sa qualité intellectuelle et artistique est très actuel. Il s’intitule : « A quoi tu joues ». Il vous ramène à l’enfance où les mouflets n’ont pas leur langue dans leur poche. On leur a bourré le mou de préjugés distillés par leurs darons, leur entourage et même parfois par certains profs cloués au pilori par les programmes chronophages. A les écouter attentivement, on pourrait leur ériger un monument.
C’est à cette fameuse parole dans le trouble des genres, que les deux auteur(e)s, Anormally et Crouch se sont attelé(e)s. Moi qui suis curieuse de nature, j’ai mené ma petite enquête au jeu des devinettes.
Qui sont-elles ? « Nous sommes deux auteurices auto-didactes. Nous nous sommes lancé.e.s, car nous avions envie de partager nos dessins et surtout nos réflexions sur les questions de genre, de discriminations ou autres sujets qui nous tiennent à cœur en tant que militant.e.s ».
Elles ont contacté moult maisons d’éditions pour cet opus, y compris celles associatives. Niet, nada ! Bien obligées alors d’être auto-éditrices si elles voulaient que leur livre paraisse et soit lu.
« Aussitôt dit aussitôt fait. On découvre le travail de maquettage sur le tas. On contacte un imprimeur dans notre région (tant qu’à être auto éditeurices autant ne pas aller faire imprimer notre livre à l’autre bout de l’Europe ou du monde) et nous voilà avec plusieurs centaines d’exemplaires de notre bouquin ».

La question de genre, déjà avant elle, ce cher Boris Vian en tant qu’ingénieux visionnaire l’avait déjà mise en romance, texte et paroles dans « Bourrée de complexe » en 1956. Comme quoi un mariage à cette époque pouvait mener à toutes les échappées belles. En fin de la chanson, ce couple si banal joue les bacchanales à trois. Le mari avec « Un sportif, un mastard, un costaud bien Barraqué » et la femme a tout simplement changé de sexe, « tout est arrangé » conclut ce cher Boris.
Je prends les paris que les tenants de la « Manif pour tous » auraient demandé la censure de cette chanson inventive et si moderne. Eux, qui battaient le pavé et vitupéraient leur haine contre l’homoparentalité considérée ni plus ni moins comme le blasphème suprême, « un danger pour l’humanité ». Leur humanité coincée aux entournures, qu’ils veulent nous imposer par la force !

(L’aminche Ramon Pipin’s Odeurs en concert : “Faut être deux pour faire un enfant »)

Retour à la cour de récréation de « A quoi tu joues » et à la parole sans fard et sans filet de mouflets autour de 8 / 10 ans. Le nouvel élève Nao découvre ce lieu mythique des jeux en liberté loin des salles de classe. Il demande à se divertir avec ses comparses, mais à chaque fois les garçons lui conseillent de jouer avec les filles et les filles, l’élastique c’est pour elles seulement. Incompris, rejeté, lui le nouveau, snobé par le bonjour l’accueil, tel un Munch très en colère, il exhorte son célèbre Cri de désespoir par lequel il interpelle ses camarades.
« Mais quelqu’un va bien vouloir jouer avec moi à la fin ? »
Et c’est là que le basculement s’opère autour du genre de Nao qui devrait déterminer à quels jeux il a droit de s’adonner avec ses camarades filles et ou garçons.
A tel point d’ailleurs en aparté, le très regretté Daevid Allen, homme Gong et tous ses dérivés, s’est demandé avec autodérision, un jour de quel sexe il était.

Je vous pose la question à chacune et chacun de vous. A part la ridicule virgule à ne pas pondre une pendule pour les mâles et une fente sensible au milieu des cuisses pour les femelles, ce n’est pas toujours aussi simple de se définir. Encore moins, quand enfant on subit les prurits de la domination masculine chère au sociologue Bourdieu. Elle s’exprime au quotidien à tous les stades de notre existence, par le feu chef de famille qui a sévit trop longtemps, où les filles n’étaient jamais encouragées à s’émanciper et vivre leur corps plaisir librement en dehors des carcans de la reproduction et trop souvent cataloguées d’hystériques…
A tel point d’ailleurs que Nao est traité de fille, injure suprême qui en dit long sur les représentations que peuvent générer les enfants sur le genre féminin. Sous prétexte d’une barrette rose au niveau de ses chaussures, il est regardé comme la marque de l’infamie féminine !

Je passe sur les religions, une abomination pour les femmes à les rendre en esclaves aux hommes. Le juif orthodoxe remercie Dieu lors de sa prière matinale « de ne pas l’avoir fait femme ». Pour les chrétiens, Augustin, disciple de Paul, l’homme est créé à la gloire de Dieu et la femme à la gloire de l’homme. Quant à l’islam, « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci (…) Quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leur lit et frappez les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne cherchez plus de voies contre elles… (Sourate IV, 34)
En principe, Nao à l’école laïque n’a pas se taper tous ces préceptes peu encourageants pour l’affranchissement des femmes.
Mais les stéréotypes refont surface et labourent les cerveaux lents, à grandes lessiveuses destructrices, contre les rapports humains basés sur l’égalité des sexes, de tous les sexes, femmes, hommes, trans…
Nao a une réplique cinglante et de bon sens du genre : « Vous savez, c’est pas clair vos histoires. Un coup je suis un garçon, mais en fait je suis une fille, mais en fait je suis plutôt un garçon. Ca me casse la tête tout ça. Moi je crois que c’est à personne de décider qui je suis. Il y a que moi qui peux savoir, et je choisis ni l’un ni l’autre. Je veux pouvoir jouer à ce que je veux, un point c’est tout ».
Ce discours encore étranger à la plupart des enfants de la cour de récréation va leur ouvrir de nouveaux horizons.
S’en suit un nouveau jeu, celui des trois canards initié par Nao, qui donne entre parenthèse, le nom à cette micro maisons d’éditions. Drôle de hasard ! Un jeu révolutionnaire qui peut permettre à chaque enfant de choisir d’être une fille, un garçon, aucun des deux ou les deux, parfois l’un parfois l’autre. Ou mieux encore créer son genre bien personnel.

La palette des couleurs est riche à l’aquarelle, les dialogues sont ceux d’enfants. Nos deux auteur(e)s ont mis leurs talents en commun pour nous concocter une BD en petit format à mettre entre toutes les mains. Je la recommande vivement aux darons, aux instits en élémentaire et à toutes les personnes ouvertes d’esprit, histoire de voir de quel genre on se chauffe pour surtout n’avilir aucun être du fait de son sexe.
Un grand remerciement fraternel à Anormally et Crouch pour ce livre. D’autres vont suivre, pour sûr. Vous pourrez les rencontrer lors des prochaines Estivales de Monta, les 21 et 22 juillet 2019 et découvrir leur œuvre singulière et tellement pétillante de vie et de liberté d’être et s’épanouir.

Comme quoi, à côté des grosses pointures de la BD (j’y reviendrai), une telle petite maison d’éditions qui traite des thématiques sociales et vitales par deux jeunes autrices d’aujourd’hui, a toute sa place lors des Estivales.


A quoi tu joues, Arnomally et Crouch, éditions des trois canards, mars 2019, prix 13,52 euros port compris pour un livre, 23,52 pour deux livres à commander à : lestroiscanards@riseup.net

Visuels, copyright tous droits réservés, éditions des trois canards

A suivre bientôt… « La planète des sciences » de Antonio Fischetti et Guillaume Bouzard, « Compte à rebours » tome 1 et 2 de Trévidic et Matz et Liotti, « Erik Satie, cinq nouvelles en forme de poire » de Bastien Loukia, « Lila Oh purée, le collège » de Séverine de la Croix et Pauline Roland, « Cher Corps » de Léa Bordier, « Victor et Clint » de Marion Duclos … invité(e)s des prochaines Estivales de la BD de Monta les 20 et 21 juillet 2019