Nicole, revue annuelle des éditions Cornélius, atteint le septième ciel !

Nicole, revue annuelle des éditions Cornélius, atteint le septième ciel !

Les éditions Cornélius basées à Bordeaux proposent Nicole 7, sa revue annuelle éclectique internationale et intemporelle de 304 pages. A vous régaler les méninges et les quinquets avec ce que la BD a de plus innovante, subversive et joyeuse. Retour aux sources en plus, avec quelques auteur(e) incontournables tel Willem, Le couple Crumb, Nicole Claveloux et la nouvelle génération qui dépote. Raison de plus de ne pas bouder sa curiosité et se mettre à la colle avec Nicole.

Il existe encore en 218 quelques revues de BD libres donc sans publicité. Les vieux de la vieille se repaissent de « Fluide Glacial » dans la lignée d’un Gotlib en roue libre à l’humour dévastateur et salvateur. Revue remarquable qui associe textes images et BD. Je pense aussi et plus récemment à « La revue dessinée », qui elle distille des enquêtes journalistiques très poussées sur des thématiques d’actualité et subversives sous un format BD, avec en sus l’octroi de références de bouquins, dans la veine des émissions de France Culture qui ouvrent toujours de nouvelles portes pour creuser un sujet.
Forcément, je ne peux que me réjouir de leurs existences et vous les conseiller de les lire ou les découvrir.

Dans un état d’esprit assez proche quoique très personnel, Nicole et son numéro 7, revue annuelle se revendique d’un esprit de collectif. Déjà et bon point d’encrage, elle conchie l’ambiance germanopratine et galantine des bobos de la capitale des gaules, en marche, pour installer ses pénates à Bordeaux. C’est bath et c’est par chez moi, youpi ! Une revue de 304 pages pour un coût modique de 14,50 euros à se régaler durant douze mois un bon appétit d’extraits d’inédits ou d’introuvables aujourd’hui. Car derrière cette Nicole qui caracole ses airs de fêtes, il y forcément un éditeur : les éditions Cornélius, découvreuses de pépites internationales actuelles ou défricheuses d’œuvres anciennes.
En voiture décapotable Nicole, si j’en crois la couverture en couleur. Invitation à partir en vacances sous le signe du double menton. Avec en toile de fond une thématique autour de l’amour saisonnier qui se décline en maintes images. Et, ce que j’apprécie particulièrement dans cette revue, c’est qu’elle ouvre la BD à des textes zarbis tout plein en mode dérision et compagnie.
Sur l’air d’une comptine, vous l’aurez compris, les esprits chagrins, Nicole, ce n’est pas pour vous. Yooooooooooooooooooouh !

J’ai compté pas loin de 25 intervenant(e)s pour ce numéro cosmopolite et international avec quelques artistes de renoms qui me sifflèrent à l’oreille à la revoyure ravie, un Willem à l’image d’un Dick Annegarn, il a quitté sa Hollande natale, pays trop plat, pour réinventer notre langue avec virulence et sans complaisance. Robert Crumb flanqué de sa compagne Aline Kominsky à la vie commune et à la BD depuis plus de quatre décennies, s’interpellent au quotidien graphiquement et tiennent la route grâce à leurs facéties. Je n’ai pas dit Félicie de Fernandel ni encore moins la célèbre diatribe chaud du poireau : « Quand je pense à Fernande, je bande je bande. Quand je pense à Félicie je bande aussi » du père Brassens. Bon, vous l’aurez compris, on ne s’éloigne pas de l’univers du couple Crumb et c’est tant mieux.

Retour aux années 70 / 80 et les souvenirs du Bartos ado boutonneux à la queue leuleu qui adorait déjà se plonger dans les tremblements oniriques de Nicole Claveloux entre les pages de la revue « Ha ! Nana ». Oh joie de la redécouvrir quelques décennies après toujours intacte d’émotions à filer un Trafalgar aux vegans qui me tapent sur le système pileux, avec son « Petit légume qui rêvait d’être une panthère » (1980) mais aussi encore d’autres de ses histoires entre les pages de Nicole. Un grand merci Nicole tout court et Nicole Claveloux ! Mais oui, c’est bien sûr, les deux supers nanas portent le même gentil blaze. Je n’avais pas tilter au départ !

Comme quoi, c’est bon d’avoir une revue annuelle entre les doigts et s’en régaler de quelques pages par mois. La digestion n’en sera que meilleure de découvrir ou se replonger dans certaines perles de la BD, qui en plus n’ont pas pris une ride !

Bill Franco écrivain de romans policiers sous pseudo, m’a littéralement scotchée les amygdales à me casser la dalle sans coup férir. Surprenant, le zigue, encyclopédie vivante de la BD, décortique à lui tout seul l’année 2017 de la BD avec esprit. Admirez sa verve, au mois de mars 2017 : « On se demande pourquoi on se rend à Livre Paris qui est à l’édition ce que le Salon de l’Agriculture est à la Nature. Tiens ça ferait un bon texte pour Nicole s’enthousiasme l’autrice mal peignée. Les auteurs et les vaches laitières, la surproduction, les moissonneuses batteuses, les stratégies de licence, les OGM, tout ça !…. ». 15 pages de ce style et toujours très argumentées pour les 12 mois de l’année par Bill qui sait de quoi il parle et est vraiment à la page de l’actualité de la BD. Chapeau !

Blush considéré par Nicole comme « probablement l’auteur le plus influent de sa génération » nous a concoctés une déclinaison en sept tableaux des saisons d’une jeune femme. J’apprécie.

Benoit Presteseille vous propose une « Mue et remue », remugle existentiel à ciel ouvert.

JL Capron, avis à la population et pas de quartier invite à se pencher sur le berceau du ou de la futur(e) éventuel(le) auteur(e) de BD sous forme de tests questions réponses en deux actes avec lancé de dé et magie noire comprise.
« Le grand Mage Zalamuth t’invite à t’assoir à la petite table. C’est lui qui va décider de ton destin. Devant toi, un dé. A chaque étape tu le lanceras. Et les conclusions s’imposeront à toi ».

L’humour belge versus flamand se devait d’habiter à plusieurs reprises le cœur de Nicole. Herr Seele et Kamagurka mettent en relief depuis plus de trois décennies les tribulations excentriques du cow boy Henk. Plus dure sera la chute. Hilarant !

Vous aurez droit à une adaptation d’une fable de Jean de la Fontaine sous un éclairage actuel avec le renard cadre costume cravate aux dents longues.
Le retour d’un certain Charles Baudelaire en Italie en chanteur de ses poèmes au sein d’un jeune groupe de rock à ses risques et périls….
Avez-vous envisagé un jour que l’humour peut tuer dans « On peut pleurer de tout mais pas avec n’importe qui ».
L’interview de Simon Roussin et ses illustrations de « Rio Grande » nous explique sa démarche. Ses peintures délayées nous en fichent plein les mirettes.

Y. Tatsumi analysé dans son âme humaine suivi de « L’anguille » relate la vie d’un égoutier au Japon et son couple qui bat de l’aile, à dessein dépouillé en noir et blanc a de quoi inviter à notre curiosité bienveillante.

Jérôme Dubois évoque le « CHM », pas celui de Montalivet, mais le centre hospitalier et métallurgique, avec quelques traits de ressemblance avec les sous-entendus du film « Soleil vert » n’a pas son pareil. Tout se recycle !

Giacomo Nanni revisite un texte de Jack London avec son « Avant Adam ». J’ai adoré en tant que Singette, les rêves du héros en bébé singe sur le dos de sa mère qui se lance dans le vide tel Tarzone et la liane casse. Mélange des destinées et retour en noir et blanc dans le sens de la vie en réalité je vous le dis et gare au cauchemar toujours recommencé à tous les âges de l’existence.

Lionel Koechlin et son « Chien et chat au zoo » me rappelle par son style enfantin le graphisme les BD jeunesses de Witko et Nena rencontrés aux 14èmes Estivales de la BD à Monta 2018. Par de courts dialogues entre les animaux enfermés et ceux plus libres domptés par les humanos, leurs discours sont ceux d’adultes sur leur conditions et ça dépote le tumulte.

Nicole une nouvelle fois relève le gant de toutes les cultures internationales. Marko Turunen, chantre de la BD finlandaise dans la verve du cinoche enlevé et frappadingue de son pays d’origine nous relate, un extrait de la vie d’un agent secret qu’il a rencontré et qu’il met en scène. « Le sheik-TDAH » n’a rien à envier su « Sheik Yerbouti » du père et regretté Frank Zappa dans ses intentions.

Delphine Panique avec un blaze pareil, on aurait pu penser qu’elle serait inspirée du mouvement Panique de la bande du feu Roland Topor. Il n’en est rien. Sa « b.d noire » au trait fin ciselé nous est proposée sur un ton minimaliste aux accents géométriques pointus qui bientôt prennent leurs aises et arrondissent les angles pour donner naissance à des personnages imaginaires. Où le super héros maltraite la planche de travail de l’artiste et lui savonne sa bd en noir.

La comédie en BD, vous connaissez ? Non ! Alors à table avec Pierre Schilling et son univers déjanté et absurde avec son « Cas Bertin », cas pathos logique ou logique…. !

Forcément j’ai oublié quelques artistes dans mon escarcelle en jetant mes filets, car je n’aime pas tout et je ne suis pas à la colle avec Nicole.
J’ai juste voulu vous montrer l’éclectisme si rare de cette revue de BD. Avec aux manettes, un éditeur qui ne se laisse pas compter les modes de racolage actif et putatif de nombreux autres éditeurs, qui eux cherchent à se faire mousser et se remplir le bide de biffetons, comme outrage à la qualité. L’humour et aussi la salutaire subversion, voir la satire que prônent les éditions Cornélius de Bordeaux me conviennent et me correspondent. A vous lectrices et lecteurs, l’esprit critique en bandoulière de vous faire votre propre opinion, une fois lue cette revue pour le moins originale et annuelle qui brille par sa rareté.

Même qu’avec la bande de l’association BDM 33, on aimerait bien les inviter à un prochain resto BD avec Nicole pour discuter et ripailler dans le Médoc et porter un toast à la bonne santé de cette maison d’éditions vraiment bath !

Visuels tous droits réservés, copyright Nicole 7, éditions Cornélius

Nicole 7, éditions Cornélius, 304 pages, 14,50 euros, été 2018, en vente dans toutes les bonnes librairies qui fleurent l’indépendance et la joie de vivre