John Capone, le "boss" de l’affiche fantastique

John Capone, le "boss" de l'affiche fantastique

John Capone n’habite pas Chicago mais Angoulème, c’est pourtant un caïd dans son genre, le boss du visuel qui impressionne et de l’affiche qui fait mouche, dans le petit milieu français du cinéma de genre, fantastique ou SF. Nous avons rencontré ce graphiste hors du commun lors de la dédicace du 400eme numéro de la revue l’Ecran Fantastique, au magasin Metaluna Store.




John, la première question qui nous taraude : es-tu réellement le fils de Al ?

Contre toute attente... Non !
En fait, durant des années je signais mes œuvres sous le pseudonyme de L’Hérétique, en hommage à L’exorciste 2 – L’Hérétique. J’aimais ce pseudonyme ... Outre le fait que je ne suis pas croyant, j’aimais l’idée d’être celui qui marche à l’envers du troupeau, une sorte de Mouton noir. De plus, phonétiquement, L’Hérétique sonne un peu comme "érotique"... et ça me plaisait.
En 2009 j’ai vécu un enfer personnel assez terrible... une part de moi y est morte... Quand j’ai recommencé à faire des images, je ne me voyais plus les signer du même nom... L’Hérétique s’était éteint. J’ai cherché un nouveau pseudonyme reprenant mes véritables initiales, et j’ai donc choisi John Capone. D’aucuns y ont vu moult références et raisons... Je laisse les gens l’interpréter comme bon leur semble.

On connait tes travaux pour le magazine L’Écran Fantastique... mais avant, quel a été ton parcours ?

Artistiquement, j’ai eu un parcours pour le moins particulier... La première "chose" qui a été éditée de moi est un livre pour enfant que j’ai illustré. Puis j’ai écris un roman : Le complexe du petit chaperon rouge, auto-biographie de l’âge de 7 à 8 ans, qui raconte la naissance de mes démons...
Ce livre explique mieux que n’importe quoi d’autre "ma Base", celle qui fait que je suis ce que je suis aujourd’hui encore... L’origine de mes névroses et de mes désirs. Ce livre explique en quoi une part de moi est restée statufiée à l’âge de 8 ans...
Ensuite, j’ai écris en 2007 Plâtres : un recueil de poésies illustré par Si.Clark. (des chansons que j’ai écrites durant des années et rassemblées en un recueil).

En 2008, j’ai sorti le premier Sac à cadavres, un ‘‘Mook-Fanzino-Punk‘‘ de 200 pages. Mon modèle "Luc" le présentait entièrement à poil et ce, de manière la plus gratuite possible... J’y ai été accompagné par Les Nanaz Prod, Sin’Art et La Pétroleuse, qui m’ont soutenu au maximum.

En 2009, j’éditais un Portfolio de mes photomontages intitulé Raconte moi des images. En 2010 sortait Sac à cadavres 2, en grande partie illustrée par Vincent Sauvion. Les Sac à cadavres sont, à partir du second, devenus une sorte d‘oeuvre collective. Entre 2011 et 2013 sont sortis les n°3 à 5 de, tous plus à poil, plus cons, plus drôles, plus bizarres... En 2013, paraissait METALUNA -le magazine- dont je suis tombé amoureux dès le 1er numéro. Celui-ci ressemblait à un "Sac à Cadavres" (les gens tout nus en moins). Et j’ai donc décidé de leur envoyer des images pour leur montrer combien je les aimais... ça a marché, les images furent vite retranscrites dans leurs pages et dès le n°2, on m’a demandé une Metalugirl (le journal demandait à ses lectrices de devenir des sortes de Pin-up pour le mag). J’ai donc pris des photos de Gally que j’ai incluses dans mes photomontages par la suite, et j’ai offert au 2ème Metaluna ce qui restera sa plus jolie Metalugirl, la plus Pop, la moins vulgaire aussi...
Au fur et à mesure que les numéros avançaient, j’ai fait quelques affiches pour Distorsion -qui était l’émission Web qui accompagnait le mag à l’époque... De fil en aiguille, j’ai travaillé et réalisé les montages avec Jean-Pierre Putters sur le livre Posters Rieurs. En 2013 toujours, sortait finalement un livre-couleurs reprenant des peintures, illustrations et photomontages intitulé Récapitulation.

Comment en es-tu arrivé à collaborer régulièrement au magazine l’Écran Fantastique, l’une des deux principales revues consacrées au cinéma fantastique et S.F. (avec Mad Movies) ?

Adolescent, j’ai commencé par lire Mad Movies puis Vendredi 13. L’Écran Fantastique est venu un poil plus tard vers mes 16 ans ...
En 2002 est parue la deuxième édition du magazine TOXIC (j’avais raté la 1ère salve parue dans les années 80, mais je me suis rattrapé après). J’ai fait de TOXIC ma "bible“... En 2014, un de mes amis a partagé sur Facebook le logo TOXIC accompagné de la phrase " Le retour de TOXIC" : j’ai foncé liker la page du projet, là j’ai vu que ce serait un "intra-mag", intégré à L‘écran Fantastique.

Puis, sur la page de TOXIC un individu à demandé à Alain Schlockoff (rédac-chef et créateur de L‘écran Fantastique et de TOXIC) :

- Ca sera quoi la première couv’ de TOXIC ?

Ce à quoi Alain à répondu :

- Je ne sais pas, je demanderai à un graphiste"...

Et c’est ma "Fan-attitude" qui m’a permis de surpasser mon manque naturel de confiance en moi et de répondre :

- Moi !!! choisissez-moi !!!
- Bien, envoyez-moi une couv‘ et on verra...

Pour cette première couv, je suis parti d’une image de Nancy Contreras maquillée et prise en photo par Olivier Strecker. J’ai bidouillé l’image et j’en ai fait une couv‘ qui a plu à Alain. Celui-ci m’a proposé par la suite de faire les couv‘s de Fantastyka (autre “intra-mag“ de l’E.F.) puis celle du magazine lui-même... Et voilà... depuis quatre ans déjà ! J’ai rencontré Alain par la suite, pour qui j’ai une immense estime doublée d’une amitié sincère. Je vois en lui un peu l’image d’un père, en tous cas un "père" sur le plan éditorial... plus que nul autre il a montré du respect pour mon travail et m’a donné des conseils.

En matière d’illustrations et d’affiches de films, as-tu des modèles, des maîtres que tu vénères ou qui t’inspirent ?

Des modèles, oui... Mais que je n’égale pas d’un cheveu.
Il y a tout d’abord eu H.R Giger qui a été une réelle inspiration et qui m’a donné envie de peindre mes visions. Puis il y a eu (et il y a toujours) Melki. Lui, c’est carrément une idole pour moi ! Cet Artiste m’a littéralement donné envie de faire mon métier ! Je ne lui arrive pas à la cheville, sur mes oeuvres je “triche" en utilisant ce que me permets le logiciel Photoshop. Je suis un As du "Multi-techniques", je suis capable d’utiliser plusieurs logiciels puis de peindre sur un résultat, le re-scanner et le re-bidouiller au besoin.
Le 8 Septembre 2018, lors de la Dédicace du N°400 de L’Écran Fantastique au Metaluna Store, j’ai eu la chance de rencontrer enfin Melki. Malgré la peur d’être face à mon idole c’est - bizarrement - grâce à sa délicieuse épouse que j’ai osé lui adresser la parole. J’ai trouvé que c’était quelqu’un de charmant.

Tu as souvent signé des visuels et des affiches pour notre ami le cinéaste Julien Richard-Thomson, encore récemment avec deux livres consacrées à ses "séries Z" parodiques tournées dans les années 90... Peux-tu nous parler de cette collaboration ?

Je ne sais même plus comment cela a commencé ! (rires) je crois qu’une des premières choses que j’ai réalisé pour Julien fut la jaquette de Zombie Club Spécial Cocktail. J’ai aussi réalisé par la suite la pré-affiche de Korruption. Récemment, Julien m’a demandé de faire les couvertures de deux livres portant sur les films Time Demon et Jurassic Trash en ré-inventant leurs affiches... Je l’ai fait avec plaisir, car l’idée m’amusait beaucoup, et j’ai l’audace de prétendre que je lui ai fait les deux plus belles affiches pour ces deux films. (rires)
J’aime bien Julien Richard Thomson car il représente “l’Outsider“ à mes yeux, celui qui a osé et qui ose encore créer comme il l’entend, à contre-vents des canons de l’époque. Il en paye souvent le prix... mais la liberté, ça n’a pas de prix !

Tu as réalisé des clips et composé des chansons. Comptes-tu délaisser l’illustration et le graphisme pour devenir réalisateur ou musicien ?

À l’instar de mon idole Melki qui chante également, j’ai moi-même mis quelques chansons sur le Web. Ce n’est pas mon métier, mais j’écris des chansons depuis longtemps et je chante depuis toujours... J’ai toujours "rêvé" d’être chanteur...
J’ai eu la chance d’avoir dans mes amis Yacine Synapsas qui s’est essayé à des compositions de Pop ; Sylviepouetpouet qui a magistralement dessiné en musique derrière ma voix ; Pierre Feyfant qui a eu l’extrême gentillesse d‘arranger un morceau... J’ai eu la chance que ces derniers soient masterisés par Arnaud Roy.
Du coup, quatre chansons que j’interprète trainent sur YouTube. Deux clips ont été réalisés. (https://youtu.be/Wcjdcr2Qmpw https://youtu.be/Pw0JQDwnDxw) Là aussi, une petite frustration sur l’envie de "réaliser" à été contentée. N’ayant pas les moyens de payer les gens, ce ne sont que des échanges bénévoles et je suis extrêmement reconnaissant à tous ceux qui m’auront permis de caresser du doigt ce rêve. Je ne voudrais pas abuser de la gentillesse de ceux qui ont accepté de me donner de leur temps. Je continue donc de rêver que d’autres, peut-être, accepteront de m’accompagner en musique ou en image sur un bout de chemin...

Tu résides à Angoulème et tu ne dessines pas de BD, peux-tu nous expliquer cette incongruité invraisemblable ?

Je réside à Angoulême et j’y suis même né. J’ai, dans ma jeunesse dessiné beaucoup de petites planches de bandes dessinées... J’avais même créé un personnage qui s’appelait B.B, un bébé doué de paroles et particulièrement grossier, méchant et pathétique. J’ai participé à deux ouvrages BD. J’ai mis en couleurs une des Histoires d’Angoulême 2 (éditions Le troisième Homme). Et j’ai colorisé de nombreux dessins de Walthery (Natacha hôtesse de l’air) et Bruno Gilson pour l’album De Toutes Manières (où j’ai d’ailleurs réalisé deux dessins moi-même dans les bonus).

As-tu de beaux projets ? A défaut, as-tu de vilains projets ? (nous voulons tout savoir !)

J’en ai plein...! Je travaille depuis un an et demi avec Bach Films pour qui j’ai déjà créé plein plein de jaquettes et qui sont des gens que j’aime vraiment beaucoup... J’ai d’ailleurs eu la chance de travailler sur le Mediabook d’Elvira dont j’ai réalisé tout l’intérieur : du bout du livret jusqu’à la pointe des rondelles. J’apparais même en interview dans le documentaire Le Diable au Gore dans les bonus.
Nous renouvelons d’ailleurs l’expérience du Mediabook - illustré par Jérémy Pailler - avec la Tétralogie de Toxic Avenger...
Je travaille aussi depuis peu avec Uncut Movies. J’ai déjà réalisé pour eux le graphisme de l’édition Mediabook de Bloodshock et d’autres suivront...
Les 29 et 30 Septembre, je serai au Fantastikcon-2ème édition (près de Toulon) pour lequel j’ai réalisé l’affiche... Après, si je ne meurs pas écrasé par un Airbus ou autre, j’espère profiter encore un peu de cette chance que la vie m’amène en réalisant d’autres affiches, posters, pochettes de disque etc.
J’espère aussi rencontrer Dieu (Dieu, pour moi, c’est Lloyd Kaufman de Troma...)
Je voudrais terminer en remerciant, du fond du cœur, tous ceux qui se sont penchés sur mon berceau bancal en me donnant la chance de vivre une vie à part !

Le travail de JohnCapone est visible sur sa page pro : https://www.facebook.com/thejohncapone/