Griott et Mungo : cerise sur le gâteau d’une bd pour marmots !

Griott et Mungo : cerise sur le gâteau d'une bd pour marmots !

Quand l’excellence est au rendez-vous et quand les auteurs Nena et Witko ne prennent surtout pas les enfants pour des demeurés, ça donne un ouvrage de qualité à mettre entre toutes les mains. Humour garanti à chaque page et préhistoire revisitée, que du bon ! Miam miam pour les yeux, je me suis bien régalée !

Les prochaines 14ème Estivales de la BD de Montalivet, les 21 et 22 juillet 2018 n’ont pas lésiné à s’intéresser à la littérature de jeunesse. Je ne peux que souscrire à cet esprit frappeur dès le plus jeune âge. Avec l’envie de tenir un livre entre ses mains, tourner les pages et en décortiquer l’histoire par tous les bouts pour le plus grand plaisir des bambins. Tintin et Milou peuvent bien se coiffer la banane, ce n’est plus de 7 à 77 ans qu’on prend son fade à lire des BD mais dès qu’on sait bouquiner et même avant quand on est en état de tourner les pages. Youpi !

Franchement, j’ai été un peu désarçonnée au départ avec le nom des deux héros de cette BD. Même mon foutu dico m’a fichue dedans !
Griott la gamine aux cheveux roses de la préhistoire. Et moi qui croyais que les teintures pour les crins avaient été inventées avec l’essor de la l’industrie chimique… Le griot d’où je viens, c’était et c’est toujours celui qui remonte le temps passé dans ses histoires de la littérature orale du continent africain.
Si, à sa noble fonction de mémoire tu ajoutes à son blaze un t et un e, tu obtiens griotte. Fruit acide, cerise douce sur le gâteau pour encore plus m’encombrer le ciboulot. Histoire de piger quelle mouche a piqué les deux auteurs Nena et Witko, d’avoir nommé ainsi l’héroïne ?
Je passe à présent à la bestiole en bleu qui s’appelle Mungo. Espèce encore indéterminée entre le bébé dinosaure et le lézard qui porte des couches.
J’en étais restée au haricot mungo dit soja vert ! Circulez, y’a rien à voir avec l’autre asticot bleu du Mungo de la BD.
Ah ah ah, promis juré, je passerai à la question les deux auteurs lors du weekend end des Estivales et pas de quartier, je leur ferai cracher le morceau. Non mais sans dec !

Les duos contradictoires, en principe ça fonctionne assez bien. Je pense à Laurel et Hardy (pas Françoise et Dutronc). La Singette et Gouigouin (le vrai faux pingouin, si j’en crois le quatrième épisode de mes aventures en ligne) : http://feuilleton-les-aventures-de-la-singette.over-blog.com/ (avec la recherche désespérée d’une illustratrice ou d’un illustrateur, à raison d’un épisode par mois)

Revenons-en à Mungo, qui a du chien à la Rantanplan. Son côté naïf et premier degré me fait souvent craquer. Dès le premier épisode « J’comprends pas », il nous fournit sa liste d’incompréhensions qui tourne à l’absurde de situation et à une certaine forme d’humour de composition. Du style : « Laisse tomber / Laisse tomber quoi ?? Je tiens rien » ou : « Tu mets la table Mungo s’il te plait / Ben pourquoi ? Y’en a déjà une ! » (pages 6 et 7)
Griott, c’est une aventurière un peu casse-cou. Ce sont souvent les petites bêtes qui l’effraie, comme les chenilles, pas trop les grandes. Heureusement pour elle, car dans cet album elle est servie. Il s’inutile justement : « Un monstre !!! ».

Déjà, depuis la préhistoire, les humanos ont voulu vous faire croire qu’ils descendaient du singe, de la première branche de leur généalogie. C’est des conneries. C’est aussi pourquoi j’avais un peu peur de la façon dont les auteurs allaient traiter de la préhistoire imaginaire sans larguer leurs jeunes lectrices et lecteurs. Heureusement, on trouve des incohérences historiques. Les biberons et les couches, l’écharpe, le bonnet, l’aiguille à tricoter ! je pense qu’ils ont été inventés un peu plus tard. Mais ce n’est pas du tout gênant. Au contraire, le môme qui s’immerge dans cet univers loufoque peut y retrouver ses propres repaires. Je trouve que c’est une trouvaille très intelligente de la part des deux auteurs et ça fonctionne parfaitement.
Bon, j’avoue. Je n’avais jamais lu les albums précédents et j’avais peur d’être larguée. Et bien non, bonne nouvelle, on peut lire chaque album (au nombre de trois parus) indépendamment les uns des autres. On peut avoir manqué l’éclosion d’un œuf de dino qui s’égosille un « Maman ?? » à l’endroit de Griott. Comme par un réflexe pavlovien d’expériences autour des oies d’un Konrad Lorenz, qui prétendait qu’à la naissance, un tel zozio était capable d’identifier le premier parent à vue de bec, semblablement le bon et le définitif sans test ADN. Ces mêmes oies en grand nombre, plus tard, serviront de mur du son acoustique pour masquer les cris d’horreurs dans les camps de la mort !
Je préfère les oies sauvages du « Merveilleux voyage de Nils Holgerson à travers la Suède » commandé par le ministère de l’éducation nationale à Selma Lagerlöf, écrivaine institutrice en littérature de très grande qualité.

Quelques sons suspects en images (fortiches les auteurs) peuvent supposer un lâcher-prise de Mungo dans sa couche. Point de toilettes sèches à cette époque, mais des toilettes en plein air avec engrais naturels garantis. Attention aux pets foireux de Mungo, capable de faire fondre la neige ! Retour des choses au stade nasal, pardi !

(« Stade nasal » issu de l’album « Odeurs No Sex 1980 » du Ramon Pipin’s band qui devrait sortir un nouvel opus en 2018, après ses derniers concerts à guichet fermé à Paname).

Beark beark les mômes et les nimaux c’est vraiment très crado.
D’ailleurs, ça me gratte déjà, la tribu de Griott se nomme les « Poudanlatët ». Ca sonne un peu breton, Astérix n’a qu’à bien se tenir les côtes et se marrer avec nous à lire cette BD burlesque.

Le thème qui relie les différents épisodes environ sur deux pages de la BD, c’est la peur du monstre, de l’autre de l’étranger… du réfugié, si l’on retranscrit aux jours d’aujourd’hui.
Tu parles d’un thème pas fastoche à traiter pour des mouflets en principe plus ouverts d’esprit que les grands gavés de préjugés divers et avariés.
Imagine de tomber un jour d’hiver nez à nez avec des monstres poilus qui parlent une langue dont tu ne comprends rien et qui en plus veulent te bouffer ! Mungo y va de son biberon et de ses gâteaux planqués dans sa couche pour sauver Griott.

Je ne vais pas tout vous raconter, sinon à quoi bon. Toujours est-il, un message humaniste circule entre les pages, comme la parole en d’autres lieux propices et ça fait du bien.
Cette BD gorgée d’humour à chaque page prouve encore que les plus « sauvages » ne sont jamais ceux que l’on croit.
Format poche, propice aux petites mains pour s’en emparer, cette BD ravira les bambins en voyage dans le temps.
Witko au graphisme a évité les écueils habituels, de trop travailler les détails qui enlisent le récit virevoltant de sa comparse Nena. Ils vont à l’essentiel. Ca marche du tonnerre. Histoires courtes pour ne pas appesantir l’attention de leur lectorat et les tenir en haleine.
Ecrire, créer pour les enfants, je pense que c’est un exercice de style très difficile et ils s’en sont sortis à merveille.
A suivre comme on dit !

© Nena et Witko, Flammarion pour le texte et l’illustration, 2018

Nena et Witko seront en dédicaces lors des Estivales de Montalivet les 21 et 22 juillet. Ne vous privez du plaisir de les rencontrer.

Nena et Witko : Griott et Mongo : Un monstre !!!, Flammarion Jeunesse, 62 pages, 2018, 9,95 euros