Election américaine : l’ampleur d’un désastre

Election américaine : l'ampleur d'un désastre

Le drapeau de l’administration Bush flottera donc quatre ans de plus au-dessus de la tête des Etats-Unis. Bien malheureusement, nous connaissions déjà cette victoire, même si l’on voulait encore croire en la possible éléction du démocrate John Kerry. Mais rien y a fait, le sentiment de peur exacerbé par le gouvernement Bush, et incarné par le plus fin de ses stratèges et bras droit, Karl Rove, a eu raison de tous les scandales liés à cette administration.

En écrasant de plus de trois millions de voix son adversaire démocrate, Georges W.Bush reintègre donc son trône de maître du monde, avec la satisfaction d’avoir été soutenu et réélu loyalement par son peuple. Et pourtant, le paradoxe est total : une guerre en Irak qui s’enlise, 1000 boys morts au combat en un an (sans compter les 100.000 morts civils irakiens), des inégalités croissantes de plus en plus visibles et des Mickaël Moore prêts à tout pour dénoncer les abus de ce gouvernement menteur.

Pourtant, Bush a regagné ce 2 novembre dernier son statut de Président devant les yeux hébétés du monde entier.
Mais quel est donc ce film opaque qui rend aveugle les américains ?

Quoiqu’on en dise, le peuple américain le sait très bien. Il sait que Bush a enterré 400 lois sur l’environnement mises en place par le gouvernement Clinton, il sait qu’au lendemain de sa première éléction, le président avait déclaré en matière de politique internationale : "Vous savez, je n’ai pas passé mes nuits à y réfléchir".
Il sait que Bush a menti 65 fois pour justifier sa guerre en Irak mais au final, ils s’en foutent. Pour preuve, sa réelection le 2 novembre dernier au grand dam de ses plus grands détracteurs. Ce qui intéressent l’americain moyen, c’est de voir en lui un homme qui leur ressemble, un homme prêt à abattre des arbres à la tronçonneuse de son Texas natal. On peut dire que c’était encore le bon vieux temps pour W.

Ne sachant que faire de son nouveau job à Washington, le président passait alors ses journées à faire le beauf chez les fermiers, omettant de préciser à ses élécteurs ses futurs plans d’action politique. On finit par le connaître au lendemain du 11 septembre. Finalement, on aurait préféré qu’il reste dans son ranch. Quatre ans après, le fermier est devenu Chef des armées. Au final, cette victoire n’est dû qu’au soutien de l’Amérique profonde, celle dont Bush répresente si bien les pires bas-fonds.

Mais ce n’est pas tout. Nous parlions de paradoxe et il en est un flagrant : au Etats-Unis, peu importe le prix de la victoire, seul le combat compte.

Effectivement, malgré la situation chaotique qui perdure en Irak, malgré l’enlisement des troupes et le refus de la communauté internationale à leur venir en aide, Bush ne paye visiblement pas les ressorts de son insolente politique guerrière. Pire, en alimentant quotidiennement le stress lié au traumatisme du 11 septembre, Bush a réussi à mettre le doigt sur un sentiment dont aucune richesse matérielle ne peut vous débarasser : la peur. En se proclamant comme le vengeur de la nation, il devient l’homme dont l’Amérique avait besoin, l’homme sans qui l’Amérique périrait à feu et à sang. Lui même l’a bien déclaré « Si je ne suis pas réélu, vous mourrez tous ».

A coté, c’est sûr que John Kerry faisait pâle figure avec comme arme de défense son intelligence. En tout cas, une seule chose comptait aux yeux d’une partie de l’Amérique : sa sécurité et l’homme qui pourrait la leur donner.

Une chose doit être claire à ce moment précis : élit-on un président des Etats-Unis ou un nouveau shériff en Irak ?

Autre paradoxe : 345 tonnes d’explosifs disparaissant en Irak peu avant les éléctions. Avant ce vol, on parle du plus gros stock établi sur place selon la Maison Blanche. Mais suite au délit, un depôt qui n’aurait jamais existé selon elle. On croit rêver. Le problème d’une nation comme les Etats-Unis est simple : premier budget militaire mondial (équivalent à celui des quinze autres), il semble que cette nation ne maîtrise pas pour autant la force que son armement peut établir. Et c’est là où le jeu devient très dangereux : nous le savons tous, sans maîtrise, la puissance n’est rien.

Et c’est exactement le cas de cette Amerique armé jusqu’aux dents qui ne cesse d’effrayer le monde entier. Un militaire ayant officié à la guerre du Golfe me confiait que la connaissance des americains de leur propre matériel était complètement absurde. Alors que les Français changaient de joint pour réparer un char, les américains eux changaient simplement les leurs. Ou bien le nombre d’americains morts sous les balles de leur propre camp était affligeant pendant cette guerre. Malgré une technologie nettement plus avancée que celle des pays présents sur place, ce furent alors les seuls à autant s’entretuer.

Donc aux Etats-Unis, on part en guerre comme à la télé pour que le mot d’ordre soit : la sécurité. Mais bon sang, la sécurité de qui ? de quoi ? Depuis le 11 septembre, seul l’Europe et l’Indonésie fûrent victimes d’attentats terroristes. Et jamais aucun pays dit démocratique n’a eu le culot de partir en guerre comme Bush l’a fait pour que le « Bien » puisse triompher du « Mal ». Jamais une administration politique n’avait eu l’audace de planter sa religion dans ces dogmes politiques. Mais il faut avouer qu’avec 60 millions de catholiques outre atlantique, Bush pouvait bien trouver son chemin de croix. Faudrait-il donc attendre un nouveau président pour que l’IVG soit à l’ordre du jour par exemple ? Car il est bien sur hors de question de l’autoriser dans un pays où le président soutient et part en guerre au nom de la religion, qui elle, l’interdit.

Je ne sais pas dans quelle mesure nous pouvons encore parler d’une démocratie mais toujours est-il que l’une d’entre elle ne se complait jamais dans la peur. Est-ce le cas des Etats-Unis qui restent terrés dans la sienne ? Et jusqu’où ce traumatisme ira-t-il s’implanter dans les esprits patriotiques ? Quand on voit le desastreux bilan de la guerre du Viet-Nam, n’est on pas en droit de se demander si le choc psychologique causé par le 11 septembre MAIS SURTOUT relayé par la peur incessante de la part du gouvernement ne donnera pas d’ici quelques années un nouveau visage à l’Amérique. Le visage d’une Amérique défigurée par l’angoisse et dont elle ne pourrait se défaire.

Un point reste néanmoins positif après ces éléctions : nous avions coutume de toujours mettre les américains dans le même sac. Ces éléctions nous ont enfin montré que l’Amérique était politiquement scindé en deux clans, et que Bush n’était pas le président d’une nation unie comme il se complait souvent à le dire, mais d’une Amérique profonde et honteusement manipulée.

Il nous reste donc à prendre notre mal en patience et à payer des tickets de cinéma pour soupirer une fois de plus aux niaiseries de ce cher Président et de se dire une fois de plus, c’est navrant..navrant..navrant...
Ceci dit, c’est avec impatience qu’il me tarde également de connaître les résultats de nos élections en 2007.

Quand on sait qu’un certain Nicolas Sarkozy serait parti en Irak, la plaisanterie du bon vieux politicien sympathique a tourné court.

Ce qui est sûr, c’est que ces élections n’ébranleront sûrement pas autant le monde politique, mais j’en suis sûre, diviseront autant la France que les Etats-Unis ces dernières semaines.

Collage de Frédéric Vignale, extrait de Wart-Art

Collage de Frédéric Vignale, extrait de Wart-Art