Les deux tomes de la bio de Johnny réunis !

Les deux tomes de la bio de Johnny réunis !

Tout, tout tout, vous saurez tout, (non pas) sur le zizi comme dans la célèbre chanson de Perret, mais sur la vie de Johnny de sa naissance à Pigalle aux années 80, baladé en enfance saltimbanque et tumultueuse très formatrice. Avec à l’illustration, Jean-Claude Bauer au mieux de sa forme !

Je n’ai jamais participé à ce cas d’école, qui consiste d’occuper l’espace médiatique autour de deux ou trois figures, qui à elles seules terrassent toutes les autres expressions. Le père Nino Ferrer en a parlé bien mieux que moi en chanson dans sa « Télé libre ».
« Il faut que toutes les musiques et toutes les opinions puissent se faire entendre même si l’indice d’écoute est à zéro. Il faut que ce soit nous qui puissions faire le choix, sinon nous ne sommes pas libres. Sinon ce que l’on nous impose n’est qu’un produit quelconque, par des industriels qui font du marketing. Ils n’aiment pas la musique. Ils n’y comprennent rien…
Et ça fait bien vingt ans que c’est eux qu’on entend, Bouvard et Pécuchet, Tartuffe et compagnie »…

Alors pour celles et ceux qui me connaissent et qui me savent une fervente défenseure des musiques éclectiques et pas vraiment commerciales, du style du rock décadent et subversif des Au bonheur des dames, du groupe Odeurs, autour de la figure tutélaire de ce cher Ramon Pipin. Vous devez vous demander à juste titre, qu’allait-elle faire dans cette galère ?

Il existe au moins un éditeur de BD qui dans une collection met l’accent sur les biographies de personnalités aussi diverses que Coluche, Gainsbourg, en passant par Bardot et Jean-Jacques Goldman et à plus forte raison, Johnny. Les éditions Jungle s’y entendent en bio avec brio.
Celle de Johnny que j’ai entre les mains est tirée de l’œuvre originale « Johnny l’incroyable histoire » d’Eric Bourhis journaliste à Télé Loisir. L’album réunit les albums Johnny tome 1 et tome 2, respectivement publiés en 2014 et 2015 aux éditions Jungle et Prisma. Au scénario Francis Dimberton, au dessin Jean-Claude Bauer et aux couleurs Jérôme Alvarez.

Vous l’aurez compris dès le départ, Johnny et moi ça fait deux et ça n’appartient pas du tout à ma culture. Raison de plus de m’y intéresser de plus belle, puisque je suis curieuse de tout.
Pour méziguette, ma connaissance du personnage et de l’œuvre de Johnny, c’est du même tonneau percé. Raison de plus de m’y intéresser sans trop de préjugés.

J’ai d’abord été surprise et j’ai tout de suite accroché au trait de Bauer très réaliste et expressif. Ca commence fort, par l’enterrement de Léon Smet, le père de Johnny en Belgique en 1989, alors que son fils âgé de 46 ans est le seul à l’accompagner à sa dernière demeure, sous une bonne drache du plat pays natal.
En 2004, c’est encore un inconnu, cette fois dans un hosto amerloche, qui a côtoyé la camarde de près. « Johnny Hallyday ? C’est un nom français ça ? Non, c’est un nom de scène, son vrai nom est Jean-Philippe Smet » (page 5).
C’est par un raccourci saisissant qu’on entre en contact avec le héros au blaze riquain, juste et uniquement célèbre de notre côté de l’Atlantique.
Et comme si la bouclé n’était pas encore bouclée, on a droit aussi aux premiers jours de Jean-Philippe à Paname du côté de Pigalle en février 1944, avec une maman Huguette dépassée par les évènements et un père absent. Il apparait pourtant à l’affiche du film Fantomas et sur les planches qu’il brûle ainsi que lors d’apparitions dans des cabarets et la figure du dragueur et du tombeur de ces dames, convolant de mariages en mariages volages. Avec l’occupation des nazis à Paris, c’est la dèche dans le monde du spectacle et le pater s’adonne à la divine boutanche.
Le bébé est confié à des familles d’accueil, et à 18 mois il avale de la soude caustique. Finalement, ce sera Hélène la tante de Johnny qui va devenir sa mère par procuration. Le gosse baigne dans la zizique et découvre l’apprentissage de la musique.
Ballades en moto en Angleterre et premier amour des deux roues motorisées pour Johnny. Une bande familiale agrandie de saltimbanques s’active où l’enfant a toute sa place.
Un jour, une gitane prédit à Hélène un avenir radieux pour Johnny : « Une étoile étincelante va illuminer ta famille » (page 33)

Il aura deux demi-frères… « Petite plaisanterie de la vie, pour Johnny qui aura tant de démêlés avec le fisc, ses demi-frères deviendront tous deux contrôleurs des impôts ». (page 32)
Le jeune Johnny est ému un jour à l’écoute des « Feuilles mortes » du père Prévert et trouve la chanson très belle. A huit ans en Italie, c’est le déclic, il troque son violon dont il ne tirait que des sons approximatifs contre une guitare. A 13 ans il monte sur scène sous l’allure d’un chanteur cow boy et cinq ans plus tard il deviendra une star. Suite au visionnage d’un film où apparait Elvis Presley, il désire devenir un chanteur de rock’n’roll.

A la Trinité, quartier de Paris il côtoie une bande de blousons noirs autour des personnalités de Dutronc et Mitchell qui vont aussi très vite s’affirmer. C’est la découverte du Golf Drouot, de Gene Vincent à l’Olympia, qui bien vite va prendre des rides en s’enfermant dans son personnage.
A 26 piges il signe son premier contrat chez Vogue, chapeauté par sa tante de 70 balais, la belle équipe !
Aznavour le prend sous son aile et le conseille de façon éclairée. « D’abord il faut quitter ce rôle de mauvais garçon qui ne te ressemble pas. Ton public est trop ciblé Blousons Noirs. Dans deux ans ils passeront au suivant et ce sera fini pour toi. Ensuite, tu dois chanter tes propres chansons. Fini les adaptations. A toi de créer ton propre style. Enfin, tu dois cesser de jouer les américains, c’est ridicule. Tu es né à Pigalle pas au Texas » (page 10).
C’est un autre Johnny qui va le maquer au milieu du showbizness, un certain Stark.

Il tombe amoureux et se marie avec Sylvie Vartan, joue dans des nanars et doit partir en 1960 au régiment. Mais pas avant d’avoir marqué un grand coup, la sortie d’un 33 tours de rock’n’roll histoire de ne pas se faire oublier de son public. A Berlin en troufion, il enregistre « Le pénitencier » qui sera un très grand succès d’estime. Son daron se radine sans le rond et le fait tomber dans un traquenard de photos d’Ici Paris vendues à prix d’or.

Il est généreux avec sa famille d’adoption et surtout avec sa vieille tante à qui il offre un bel appartement rupin à Paname.
Il court les fille, engrosse Sylvie et la délaisse se vautrant dans l’alcool. « Noir c’est noir il n’y a plus d’espoir » ! Suite à un mauvais trip de LSD, il décidera de ne plus jamais toucher à ces petites pilules rouges.

Il est attendu en invité vedette à la fête de l’Huma devant 300 000 personnes, il préfèrera trancher dans le lard de ses veines et sera secouru juste à temps. Les requins qui l’entourent sente le filon. « Les gens veulent du Drame. Ils vont en avoir. A nous de faire pleurer dans les chaumières ». (page 99)
Autre époque, autres mœurs, il se lie d’amitié en 1966 avec Jimi Hendrix.

Il enchaine les bagarres, les accidents de voiture de sport et en sort indemne.
Lors des tournées avec ses musiciens, il est le seul à rester debout en soirée bien arrosée. Sylvie craque et s’exile aux States.
Il se rend chez Le King, Elvis et est très déçu par le personnage qui ne tient plus la route. Ca lui donne à réfléchir.
Il divorce à 37 balais
Ainsi s’achève le tome 2, à suivre comme on dit.

Cette BD haletante se lit comme un thriller avec ses rebondissements. On y partage l’importance de l’amitié et de l’entourage du personnage qui parfois n’en mène pas large à la manière du héros de la chanson « Chèque baby chèque » de mon aminche Ramon Pipin.

Cette histoire romancée en BD de Johnny m’a ravie à plus d’un titre. D’abord justement en écho de certains titres de ses chansons inconnues auparavant pour moi, qui s’inscrivaient à une époque donnée où je n’étais pas née. Mais aussi le personnage qui connait la musique et sait jouer de la guitare, pas comme les blancs-becs actuels en trémolos. En plus il savait donner de la voix et il avait du coffre.
Il ne m’a cependant pas convaincu outre mesure d’écouter son répertoire. J’ai encore le droit d’exercer mon esprit critique. Encore heureux, pardi !

Je suis très visuelle et franchement bravo pour le travail de Jean-Claude Bauer qui a su lui redonner vie, sous ses talents d’artiste plasticien. C’est du bel ouvrage.
Bravo également pour le travail en équipe avec l’auteur de la bio, au scénariste, au coloriste et forcément au dessinateur.

Pour information, Jean-Claude Bauer sera présent lors des prochaines Estivales de la BD de Montalivet (33 Gironde, dans le Médoc) qui se dérouleront les 21 et 22 juillet 2018. J’en reparlerai forcément bientôt !

Johnny : Le Bourhis – Bauer – Dimberton, éditons Jungle / Prisma, 127 pages, 2018, 19,95 euros
Copyright, visuels, éditions Jungle.