Le Magazine littéraire se mue en Nouveau Magazine littéraire !

Le Magazine littéraire se mue en Nouveau Magazine littéraire !

La nouveauté a toujours du bon pour un titre de la presse qui a déjà touché plusieurs générations. C’est une révolution qui s’opère au niveau des débats d’idées. C’est la renaissance pour le Nouveau Magazine littéraire, puisque comme il l’annonce : « tout reste à écrire » !

Fondé en 1966, le Magazine littéraire avait pour vocation, l’analyse littéraire sous forme de dossiers et l’actualité des livres. Des philosophes, gens de plumes, cinéastes, artistes ont été moulinés pendant plus de cinquante ans entre ses pages. La plupart du temps, des universitaires drapaient leurs propos d’oripeaux académiques, voir pédants. Comme si cette revue de qualité s’adressait à une certaine élite intellectuelle qui ronronnait dans le marigot parigot.
Cette époque est définitivement révolue. Le Magazine littéraire est mort, vive le Nouveau Magazine littéraire sous presse depuis le 18 décembre 2017, avec aux commandes l’essayiste Raphaël Glucksmann. Pour notre plus grand plaisir également, puisqu’il révolutionne l’ancienne ligne éditoriale.
Dans son manifeste, il annonce la couleur. « Pendant de trop longues années, nous avons abandonné des mots, délaissé des causes, sacrifié des idées. A force de les répéter pour ne rien dire, nous avons vidé de leur substance les notions qui éveillaient jadis les désirs les plus forts et les rêves les plus fous. On vibre encore à l’évocation de ces noms : « cosmopolitisme », « fraternité », « égalité », « solidarité », « universalisme », « humanisme » ou « progressisme » ».
Comment ne pas être insensible à cette diatribe qui rue dans les brancards de la presse réac et rétrograde ? Il y un relent de démarche proche des « Temps moderne » à quelques décennies près ! Raphaël Glucksmann ne s’en cache pas. Il s’est mis à table sur France Culture et a évoqué sans une certaine nostalgie cette « pierre posée dans le jardin des idées qui fabriquent les nations. C’est une pierre posée dans le jardin de Jean-Paul Sartre ».
Autres temps autres humeurs et renaissance enfin d’un courant humaniste à fleur de clavier, qui trouvera un écho favorable entre les pages de la nouvelle formule du Magazine littéraire.
Les sujets évoqués dans le premier numéro confirment, affirment et ouvrent les frontières entre genres littéraires et philosophiques en s’inscrivant dans la réalité de la société, telle qu’elle, actuelle.
Première invitée de la rubrique « les idées », Najat Vallaud Belkacem, ex ministre de l’éducation. Elle exprime sa vision de la social-démocratie, qui selon elle ne serait pas morte !!!! Dans une langue de bois vermoulue aux échos de son vécu de la politique aux affaires, elle invoque et tend la main à « la génération qui inventera le socialisme de demain ». Après, elle-même avoir sévi et affrété les charrettes pour brûler en place publique Vive la Sociale, depuis Mitterrand ; au nom du sacro-saint néo-libéralisme à tout crin ! Les sinistres, comme disaient ce cher et regretté Coluche, ne sont jamais au chomdu. Ils savent pertinemment se recycler. A commencer par elle, qui dirige désormais une collection chez un grand éditeur (sources : France Culture).
Cécile Alduy quant à elle analyse ce qu’elle appelle « La droite tautologique » à droite de la droite, à travers entre autre la fameuse figure et les discours de Wauquiez, dignes de la facho sphère.
Denis Robert, en tant que lanceur d’alerte nous relate les « Paradis prospères », un système bien huilé.
Marc Weitzmann, en journaliste d’investigation de l’excellence, nous expose « les Merah, une famille française » dans un article très fouillé et argumenté.
Leila Slimani, en jeune écrivaine de talent se met dans la peau d’un violeur lors d’un récit très poignant intitulé « La confession ».
Le grand dossier s’articule autour des notions d’ « Utopies le grand réveil » En clin d’œil au fameux slogan de 1968 : « Soyons réaliste, demandons l’impossible » en regard aussi peut-être à Elisée Reclus persuadé que « L’utopie est la seule réalité » ! En tout cas dossier touffu où écrivains et philosophes s’en donnent à cœur joie.
Nous avons aussi droit à une conversation entre Raphaël Glucksmann et Edgar Morin, qui représentent deux générations de l’intelligentsia. Autour du thème de « Tout reprendre à zéro » sont discutés la gauche en berne, l’écologie, l’humanisme et la question fondamentale de la nécessité de transformer le monde.
Ouf ouf la touffe, ce n’est pas trop tôt pour une revue qui se réclame de littérature. Il faut attendre la page 69 pour qu’apparaissent les chroniques de livres. Les fictions sont à l’honneur. L’une givrée nous parle de la ruée sur les pôles.
Je suis très heureuse d’y retrouver une critique enthousiaste, que je ne démentirai pas, du roman « La belle n’a pas sommeil » d’Eric Holder. Il vient juste de le publier. J’y reviendrai forcément dans mon prochain article ; y apposant ma touche sauvage et médocaine.
Les non-fictions qui se rapprochent des sciences humaines ne sont pas oubliées, c’est un régal de retrouver le philosophe Anselm Jappe plus audible que lisible, autour du capitalisme qui se nourrit de pulsion de mort sous la férule du fétichisme de la consommation.
Les arts et la musique ne sont pas absents.
La revue se clôt sur un dossier mémorable autour d’un auteur du Sud-Ouest qui est particulièrement cher à mes tripes sensibles : le père la Boétie. Qualifié de « véritable insoumis » sous la plume inspirée de Michel Onfray, qui nous explicite de façon magistrale et claire les ressorts de ce philosophe. « Soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres », ce conseil éclairé de La Boétie a inspiré moult émules de la gauche libertaire et révolutionnaire en actes.
L’exemple tunisien illustre aussi ce dossier, ainsi que l’amitié fraternelle entre La Boétie et Montaigne et leurs descendants jusque chez les Indiens d’Amérique…

Le passage de témoin entre les deux générations des Magazines littéraires tient lieu de révolution copernicienne dans le monde des idées en marche. La mutualisation des connaissances dans tous les domaines donne le ton. Les débats d’idées à la place des conversations de café sont mis à l’honneur entre les pages de la nouvelle formule.
Raphaël Glucksmann s’en est expliqué à a la Grande Table sur France Culture.
« Pendant trop longtemps on a cessé de croire aux idées. On a pensé que la politique pouvait être de la gestion et que les intellectuels pouvaient être résumés à des commentateurs de la vie courante et politique. Hors en réalité, une société sans idées, sans débats d’idées, c’est une société qui stagne, qui régresse et se replie sur elle-même et qui cesse de refaire le monde. Nous ce qu’on veut, sans idéologie absolue, mais en assumant certains principes, c’est de ré explorer des idées qui ont perdu leur sens, leur substance. »
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/la-grande-table-2eme-partie-mardi-2-janvier-2018

Vous en aurez pour votre argent et en pensées constructives. Sur ses 108 pages de lectures, déductions faites des 17 pleines pages et encarts de pubs (dont certaines pour des produits de luxe, macaque bonobo, je m’insurge) vous n’y perdrez pas trop au change, puisque pour son lancement la revue est proposée à 4,90 euros pour passer par la suite à 5,90 euros par mois.

J’exprime à présent mon plus gros grief, qui reprend les travers de porc de l’ancienne formule et remet en question l’esprit frondeur de la présente.
En page 75, vous trouvez un encart publicitaire pour les « éditions Amalthée » qui racole les auteur(e)s à envoyer leur tapuscrit. Tout comme durant trop longtemps, La Pensée Universelle a sévit dans le feu Magazine littéraire pour arnaquer à compte d’auteur, les paumé(e)s de l’écriture. Même si la vigilante et militante association CALCRE ((association d’information et de défense des auteurs) a révélé la supercherie, sans que jamais le Magazine littéraire ne s’émeuve de telles pratiques qui ont trait au racket de l’édition pour gogos désinformés et crédules ! Le nouveau Magazine remet le couvert avec un autre éditeur arnaqueur. Je m’en émeus sévèrement !

Pour finir sur une touche plus optimiste. Si, vous aussi, vous pensez que « Les idées changent le monde », comme le titre en page de couverture du Nouveau Magazine littéraire, alors vous prendrez un certain plaisir à le lire et faire valser vos œillères dans une sarabande joyeuse digne de la Danse à nu de Matisse.
Si en revanche vous pensez que la clique judéo franc-maçonne et métèque s’est emparée de ce média, ignorez ce magazine et retournez, vous enterrez dans votre bunker pour n’en sortir jamais. Bon débarras !

Le Nouveau Magazine littéraire, numéro 1, décembre 2017, 4,90 euros