Portrait d’Anaël Snoek

Portrait d'Anaël Snoek

Next (F9) vous propose des portraits de personnalités connues ou inconnues, des poètes ou des vendeurs de boutons, des gauchos ou des gauchers. L’important est de rêver. Chacune des personnalités est contactée personnellement, décide de sa photo à publier et raconte à Patrick Lowie un rêve marquant. Précision d’usage : ce portrait est un portrait onirique, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie.

Je ferai crier les oiseaux. Je ferai s’envoler les sables ! Les cris arrivaient des champs. Je suis pris par la nuit. Des oiseaux s’agitent encore entre deux arbres coincés sous un pont. Je crus d’abord voir un homme mais c’était l’épouvantail semblant être recouvert de goudron qui bougeait sous l’ampleur du vent et qui ne faisait plus peur qu’aux oisillons de passage, ceux qui, privés des soins maternels, ne passent jamais l’hiver. J’oublie les nuits noires sans doute parce qu’elles ne me font plus du tout peur. Je la chevauche cette campagne, je joue à saute-mouton en m’approchant de l’étable. Plus loin, une vache sacrée couchée sous un arbre, un arbre tordu, en forme de dragon tondu, aux côtés d’un autre arbre avec des bras branlants. Il y a une fissure blanche dans le ciel. Un sens de vide immense. Des ombres en forme de main déplacent des forêts vierges, des chaumières envoûtées, des nids douillets. Puis, le déluge. C’est juste en-dessous d’une de ces ombres que je découvre une jeune femme aux cheveux blancs qui, de loin, aurait pu ressembler au petit prince dans l’attente du renard perdu dans l’espace.

Elle me dit qu’elle est là, assise par habitude, sous l’ombre de ses espoirs, à l’ombre du dernier soleil amer. Qui êtes-vous ? Votre visage m’est familier, me lance-t-elle. Je lui réponds que je suis Patrick Lowie, urgentiste en rêves incompris et je continue : je sais qui vous êtes, Anaël Snoek, comédienne, réalisatrice, brillante auteure, mais n’attendez plus, il est temps de vous réveiller de ce cauchemar, ne restez pas ici sous cette pluie diluvienne, sous ces ombres qui manipulent nos pensées, à ce silence des nuages, terrible aveu de ces moutons du ciel, silences complices, vous êtes là assise dans ce rêve le corps enveloppé par le réveil interdit. Moi, par contre, je suis prêt à être votre complice mais pour toute autre chose : je veux vous aider à vous emparer du monde. Racontez-moi vos rêves. Elle s’obstine, elle me jette un regard digne d’un garçon sauvage, indomptable, fulminant regard, braqué sur mes mains. La pluie cesse, l’herbe est montée jusqu’aux genoux, tous les phénomènes surnaturels sont suspendus à ce qu’elle pourrait affirmer. Puis : un rêve ? Je devrais vous raconter un de mes rêves ? Que puis-je vous servir ? Je ne me souviens de mes rêves que quand ils m’envoient dans les abattoirs. Et dans ce cas, tout y est relativement réaliste. Je suis là - peut-être le seul élément fictionnel - et ne peux rien faire. Je vois ces vaches - ce sont toujours des vaches - se faire tronçonner vivantes. Elles se cabrent pour éviter la lame. Celles qui attendent hurlent en voyant s’ouvrir les gorges de leurs amies - oui les vaches ont des amies. Il y a énormément de sang. Et une sensation de lourdeur et d’infinie absurdité. Puis, le bonheur : je découvre que je deviens vegan. L’épouvantail bouge à nouveau, je sens une présence, une écoute, une oreille tendue.

L’épouvantail hurle de joie : Je ferai crier les oiseaux. Je ferai s’envoler les sables !

Crédit photo : Alcides Navarro

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