Portrait de Maco Meo

Portrait de Maco Meo

Next (F9) vous propose des portraits de personnalités connues ou inconnues, des poètes ou des vendeurs de boutons, des gauchos ou des gauchers. L’important est de rêver. Chacune des personnalités est contactée personnellement, décide de sa photo à publier et raconte à Patrick Lowie un rêve marquant. Précision d’usage : ce portrait est un portrait onirique, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie.

Et si le volcan Imyriacht n’était autre que le Stromboli ? Et si ce volcan, que je pensais situé à Mapuetos, cet immense terre de nulle part, était simplement celui de la Sicile ? Cela changerait-il quelque chose ? N’a-t-on pas tous un rôle dans notre pays natal, ici dans l’Italie brutale, ne sommes-nous pas toutes des femmes perdues, désorientées, avec d’autres êtres qui n’ont jamais vécu, ne nous sentons-nous pas toutes particulièrement sales, salies aussi, prisonnières, s’échapper d’une vie et trouver, à la fin, à l’ultime seconde la grâce, la rédemption ? Nos vies ne sont pas faites sur mesure et encore moins dans un gabarit commun. Dans ce nouveau rêve, j’observe de haut (et pourquoi de si haut ?) j’observe une jeune femme, lumineuse, un foulard sur la tête, entourée d’hommes, de femmes et d’enfants, des êtres vivants. Je les sens vagabonder dans un monde nouveau, interdit, sans repères, avec la mémoire comme seul chemin intérieur. L’île de Ginostra, le volcan qui menace, terrible volcan, silencieux, captivant. Le ferry jusqu’à Milazzo, s’éloigner de la torpeur, du silence de l’animal, de ses non-réponses. Je ne me souviens pas de la mer à Mapuetos, je me souviens de déserts infinis, de squelettes le long de dunes invisibles, je me souviens de plusieurs soleils, de larmes, de laves,… en quittant l’île avec elle, avec eux, on a vu un garçon de onze ans, prénommé Ettore, d’abord rescapé d’une vendetta puis le revolver le long du corps, mort avant de s’être vengé. Cette image me poursuit dans le rêve, celle d’un chat aussi, à peine né, oublié. L’eau de la Méditerranée à perte de vue, des corps flottent, migrants d’un autre monde, trop de corps à sauver. Le ferry se fraie un chemin de corps qui débordent de n’être pas nés du bon côté. Maco Meo nous dit : nous irons à pied jusqu’à Agrigento. Deux cents dix-neufs kilomètres à travers monts loin des triangles, loin des symboles, des corps tombent encore le long d’une route fondue dans l’âme antifasciste, ils participent à la résistance. On traverse Randazzo, Enna, Canicatti,… arrivés à Agrigente, on s’assied sur les marches de la cathédrale San Gerlando. Maco Meo m’observe, s’avance et me dit : vous êtes qui ? Pas sûr que vous soyez des nôtres. Vous nous suivez depuis le Stromboli. Je lui explique que je farfouille dans les rêves des autres, remettre tout en désordre, mélanger les cartes encore et encore, entre l’irréel et la folie, la vie a été celle qui a été, l’énigme du consensus ébranlé par le savoir nouveau, …. je dis : voilà, mon nom est Patrick Lowie, je cherchais Mapuetos, puis la maison de Franco Battiato, puis les cendres du volcan, puis l’amour insensé perdu ici ou là plus loin, puis à gauche puis à droite, et je suis tombé sur votre groupe de migrants d’une terre inconnue vers une autre terre inconnue. J’aimerais me joindre à vous. Maco Meo hésite puis : je rentre chez moi, on rentre chez nous. Je suis originaire de Sicile. Mes grands-parents y vivent toujours, dans une maison entourée de collines ocres dans une campagne brûlée par le soleil, là-bas, vous voyez ? Pourtant, depuis ma plus tendre enfance, je fais le rêve angoissant que ce lieu, qui m’habite où que je sois, est le théâtre d’une catastrophe. J’assiste en spectatrice à la destruction de cet univers qui, inexorablement, finit englouti par la Méditerranée. Ça a dû arriver une dizaine de fois. La vague immonde est impitoyable. Je la laisse parfois me lécher les pieds avant de me décider à fuir. De toute façon, elle a bouffé toutes les âmes, celle des hommes et des oliviers séculaires. Rester, c’est mourir. En me réveillant, mes yeux, mes cheveux et mon oreiller sont trempés de larmes. J’ai toujours voulu confronter ce rêve à la réalité. L’affronter. Me voici donc, nous voici, mais ne me demandez pas qui sont ces gens, des amis peut-être, les fantômes de ma vie, mes énergies,… regardez comme ils sont beaux, une beauté qu’on ne trouve plus nulle part. Nous sommes sur la terre des dieux. On observe au loin la vague qui s’avance, se laisse aller, doucement, doucement, puis s’arrête et repart n’engloutissant rien. Rester, n’est pas toujours mourir. Le soleil s’absente derrière des nuages de cendres, le volcan éructe. Aussitôt après le parvis, elle hésita entre deux routes : soit la via Duomo soit la via Garufo et crut se rappeler qu’il fallait tourner à droite pour aller chez elle. Elle me dit : ne me demandez pas où va cette route, prenez ce chemin intérieur, marchez, et c’est tout.

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