Portrait de Alain Godefroid

Portrait de Alain Godefroid

Next (F9) vous propose des portraits de personnalités connues ou inconnues, des poètes ou des vendeurs de boutons, des gauchos ou des gauchers. L’important est de rêver. Chacune des personnalités est contactée personnellement, décide de sa photo à publier et raconte à Patrick Lowie un rêve marquant. Précision d’usage : ce portrait est un portrait onirique, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie.

Parfois, quand je me lance et que j’écris mes portraits oniriques, j’ai l’impression, pas forcément sincère, d’y voir une tentative pour me frayer un chemin vers Mapuetos. On me reproche de ne pas en dire assez. Mais, comme je l’ai déjà raconté aux amis et aux médias, je m’inspire des milliers de feuilles manuscrites et signées feu Marceau Ivréa, feuilles retrouvées dans un hôtel bruxellois. Mon travail consiste juste à ordonner, assembler, déchiffrer et tenter, tant bien que mal, de créer une œuvre. Je n’ai moi-même que les informations que je découvre au fur et à mesure. Par exemple, je ne sais toujours pas où est Mapuetos. C’est pour cette raison, que j’ai fait appel à un vieil ami, que j’ai connu galeriste, avant de comprendre qu’il était surtout artiste et explorateur des mondes. Très bel artiste, créateur de tableaux, bricoleur d’images, qui ressemblent tant à des montagnes imagées, à des cartes orohydrographiques d’un monde inconnu, invisible. Je l’ai chargé d’une mission spéciale lors d’un vernissage de son exposition au consulat du Qatar à Bruxelles : Alain Godefroid, pourriez-vous partir à la recherche de Mapuetos ? Vous êtes un explorateur digne d’Antonio de Abreu, de Vasco Núñez de Balboa, d’Arthur Rimbaud, de Henry Morton Stanley ou de Francis Younghusband…. Oui, vous auriez pu découvrir le Tibet, l’Abyssinie, le fleuve Congo, Panama ou Timor… partez à la recherche de Mapuetos ! Le verre de champagne en cristal a glissé de ses mains : je décroche toutes mes œuvres et je pars immédiatement. Ce fut sa réponse, et je dois avouer que c’est souvent l’effet que cela provoque lorsque je parle de Mapuetos (que je prononce à l’espagnol, u=ou et le s final très prononcé).

Sans nouvelle du peintre pendant deux ans, puis ce coup de téléphone en pleine nuit : Patrick Lowie, Mon camion affiche 92.526 kilomètres. En trois ans, ce n’est pas mal pour un explorateur, non ? J’ai parcouru de long en large et dans le désordre, la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, le Monténégro, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, la Grèce, la Hongrie, la Bulgarie, la Slovaquie, le Portugal et aujourd’hui l’Espagne... Et je n’ai toujours pas trouvé Mapuetos ! Et ce, sans compter mes voyages en Inde, au Népal, au Togo, à Cuba et l’an passé au Vietnam. Rien, nada, schnol, broquette, niks ! Vous avouerez que c’est frustrant, non ? Mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Et il a raccroché aussi tôt. Ce fut si rapide et je ne suis pas sûr que j’étais bien réveillé, j’ai donc mis cet appel dans le rayon des rêves. Il m’a rappelé hier. Nous nous sommes donné rendez-vous au vernissage de son exposition au consulat de Rawajpoutalah. Sur le chemin, je vois un très vieux monsieur enfoui dans une longue redingote et protégé d’une pluie diluvienne par un chapeau mou, qui longe le mur sans fin d’une église de pierres. Il tient une enveloppe blanche dans la main. Soudain, il plonge dans le vide et s’étale sur le sol, sans aucune raison apparente.

A mon arrivée au consulat, je suis reçu par le Président du Rawajpoutalah qui s’empresse de me décorer de l’Ordre de la Couronne d’Os Rongés. Heureux de revoir Alain Godefroid, je lui raconte les mésaventures du vieux monsieur sur ma route. Il me dit : mais c’est mon rêve ! Vous avez vu mon rêve ! Vous l’avez vécu ! Enfin, une partie de mon rêve, j’ai demandé ensuite à mon amoureuse ce qui aurait bien pu pousser ce vieillard à faire pareil geste, elle m’a répondu qu’il a sans doute eu peur d’être vu par sa femme qui l’espionne derrière les vitraux d’une fenêtre de l’église. À ce moment, le sol s’est mis à chavirer lentement et je me suis retrouvé sur le pont d’un navire en pleine tempête. Un officier, un porte-voix à la main, m’ordonne alors de m’accrocher à une poulie de secours, mais je n’en trouve aucune. Comme je panique et reste tétanisé en m’accrochant à la balustrade, j’aperçois le vieux monsieur au chapeau courir vers moi. J’espère qu’il va me sauver, mais il me contourne tout en déposant sa lettre dans ma main. Je reconnais immédiatement l’écriture de maman, mais je ne comprends rien à son charabia. De plus, au fur et à mesure que j’essaie de lire sa lettre, le texte s’efface, les lettres s’envolent. Je me réveille au côté de mon amoureuse, la larme à l’œil et cependant envahi d’une énorme vague de bonheur.

Nous sommes restés silencieux plusieurs dizaines de minutes, ne sachant plus quoi dire, cherchant une transition possible avec le résultat de ses recherches sur Mapuetos. Puis, avec cette ironie qui me caractérise, je lui dis : et donc, la terre est plate ?

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Illustration : autoportrait Alain Godefroid