Portrait de Nawfal Jorio

Portrait de Nawfal Jorio

Next (F9) vous propose des portraits de personnalités connues ou inconnues, des poètes ou des vendeurs de boutons, des gauchos ou des gauchers. L’important est de rêver. Chacune des personnalités est contactée personnellement, décide de sa photo à publier et raconte à Patrick Lowie un rêve marquant. Précision d’usage : ce portrait est un portrait onirique, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie.

Je dis : Vous savez qu’il mourut quelques jours après son entrevue ? J’espère que cela ne m’arrivera pas. L’homme, Nawfal Jorio, père de famille, auteur du très beau Schizophrénie Quantique me regarde médusé, arrête de gratter sa minuscule guitare et se met à rire de bon cœur en disant : vraiment ?…je n’ai pas ce pouvoir... je ne vais pas attendre plus longtemps pour vous dire ce que j’ai à dire, cher Patrick Lowie, vous savez que j’aime vous présenter comme le « Alexandro Jodorowsky belge ». Dans le rêve, je lui offre un rire gêné. Et bien, autant vous raconter maintenant les raisons de notre rencontre, poursuit-il. Je fais appel à vos dons miraculeux, car depuis toujours, je me sens possédé par un djinn qui souffle dans les oreilles de mon subconscient des rêves qui me fragilisent. L’un d’eux, celui qui m’a le plus marqué, date de quelques années déjà. C’est un rêve où je me sentais tellement léger que j’ai quitté le sol et que je me suis mis à voler avec aisance dans les airs. À un moment donné, en plein vol, j’ai commencé à entendre une envoûtante mélodie céleste. Chaque note musicale me fait vibrer et onduler. Tout mon être se confond avec la mélodie. En-dessous de moi, un magnifique champs de belles roses s’étend à perte de vue. Je m’abandonne au doux parfum enivrant des fleurs et je deviens moi-même champs de roses. À ce moment là, je ressens un goût de paradis, une merveilleuse saveur d’éternité...

Nous gardons le silence. Il cherche sur mon visage une réaction. Mon ami, pourriez-vous me conseiller ? Je ne peux répondre. J’entends dans mon intérieur ce que j’aimerais lui dire mais les paroles me manquent, ne sortent pas. Je deviens rouge, je panique et je renverse la cruche de vin argentin. Celle-ci se brise et de l’eau en jaillit. Aussitôt, le lion du Cap sagement endormi à mes pieds, se redresse, saute sur moi et me dévore. [1] Nawfal Jorio, zen comme une grenouille, s’adresse désormais au lion, je rugis. Il joue de la guitare tout en me racontant l’histoire du lion et de la vanité. Toujours les mêmes erreurs. Je parle enfin, entre deux rugissements : Nous allons parvenir à déterrer les vérités oubliées de ce monde. J’aimerais retrouver mon corps, nous sommes dans un de ces moments où tout peut arriver. J’observe le ciel qui s’éclaircit après une longue période orageuse qui gronda tout le monde. J’essaye de me défendre de forces obscures, comme si ma seule présence pouvait aimanter toutes les angoisses maléfiques de l’Autre. Le lion et la grenouille entrent dans un jardin de jasmin, comme si nous célébrions un rite ancien de plusieurs siècles. Je m’observe dans un des bassins d’eau, ma crinière épaisse m’empêche de plonger dans mon regard. On sent à l’improviste le monde disparaître à l’entour de nous, le vide s’installe. J’ai l’impression d’être dans un état d’hallucination hypnagogique. On marche vers nulle part. Ces instants intenses d’oublis de soi, de n’être qu’avec soi sans soi. Tout cela aurait pu nous rendre triste, mais aucun sentiment ne s’accroche à nos peaux. La nuit approche, les oiseaux sommeillent, d’un sommeillage irrél. La terre gronde à son tour. On entend des gens marcher puis s’arrêter à notre passage. Mais il n’y a personne. Des oiseaux effrayés s’échappent en pleine nuit qui s’est installée en un instant, notre marche vers l’invisible nous semble si légère.

Puis, nous arrivons enfin à Mapuetos après des journées de cheminements en terrain facile, en terre d’accueil, en mouvements songeurs. La grenouille me dit : j’avais rêvé de champs de roses pas de jasmins. Le lion répond : Vous avez rêvé de la roseraie du roi Childebert Ier, cher ami. Là, nous sommes dans le jasmin, symbole de prospérité et de chance. Le rêve que vous avez fait n’est pas le même que celui que vous avez interprété au réveil. Pour l’instant, nous revivons votre rêve, le vrai, dans quelques minutes vous allez vous transformer en Nawfal Jorio, vous allez vous envoler et vous verrez que ce n’étaient pas des champs de roses. Nous allons bientôt nous réveiller de cette rencontre, comme dans un tableau de Pierre Paul Rubens, je prendrai le lion qui est en moi à bras-le-corps. Je vais enterrer le djinn, il ne vous atteindra plus.. Dès maintenant, à l’instant présent, un miracle va transformer votre vie. Et je le vois s’envoler, libéré, insouciant, heureux, un orchestre joue des mélodies célestes. J’espère ne pas mourir dans deux jours.

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