Portrait de Ayoub El Omary

Portrait de Ayoub El Omary

Next (F9) vous propose des portraits de personnalités connues ou inconnues, des poètes ou des vendeurs de boutons, des gauchos ou des gauchers. L’important est de rêver. Chacune des personnalités est contactée personnellement, décide de sa photo à publier et raconte à Patrick Lowie un rêve marquant. Précision d’usage : ce portrait est un portrait onirique, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie.

Les mains dans les poches, dans une vie sans fortune, dans ce rêve qui semblait une longue nuit étrange, je pensai en reboutonnant ma chemise, que les choses les plus belles et les plus folles dans la vie commencent souvent par un oubli, une erreur, un abandon. Combien de contes de fées ne débutent-ils pas par un bébé dans un couffin abandonné devant une porte, un orphelinat, une gare, ou envoyé dans une bouteille à la mer pour avertir le monde de la souffrance ? La légende de Rome nous parle de Romulus et Rémus, des frères-jumeaux nouveau-nés abandonnés, puis recueillis par une louve qui les allaite. C’est à cela que je pensais dans le rêve. Hier on m’a dit que j’étais bâtisseur de ponts, motivateur, … le volcan Imyriacht me manque, Mapuetos s’efface dans mon esprit, tout s’évanouit, tout se vend, tout se ment. Ayoub El Omary, je l’ai croisé dans un champ, planté comme un arbre dans le vent, crucifié sur la colline de l’amour, entouré de pièges, de loups, de chiens, de matraques, de pieds puants, d’hommes et de femmes qui n’ont que le nom et qui pondent comme des poules des œufs cassés. Ayoub El Omary, cet enfant de Taroudant, vous ne l’aimez pas, vous le détestez. Et l’arbre reste là, vous aimeriez le déraciner, en faire du bûcher, brûler son âme. Ne pas lui en vouloir, il dit ce qu’il est, ce qu’il a toujours été, ce que nous sommes tous. Je crie aux chiens et aux chiennes : C’est vous qui devriez être jetés dans l’huile d’argan bouillante. Des gouttes de sang rouge éclaboussaient nos visages. Toujours dans ce rêve qui semblait un film, la musique dramatique enveloppait l’atmosphère de l’encens de santal qui agrippait mes sens. Le beau jeune homme, qui s’est réveillé, s’avance et me dit : Monsieur Patrick Lowie, je vous reconnais, on m’a beaucoup parlé de vous, je voulais vous voir alors j’ai fermé les yeux, j’ai demandé de vous rencontrer et vous êtes là. Je vais tout vous dire en quelques secondes. Aidez-moi. Je veux écrire ma vie, aimez-moi à écrire ma vie. Je vous en supplie, emmenez-moi. Son visage d’ange avait pris des coups violents, sa peau balafrée par des chiens à la queue atrophiée et enragés, les lèvres abîmées. Après un long instant de recueillement, j’ai contacté quelques éditeurs, trouvé de l’argent et on a quitté ce pays pour tout se raconter dans un livre. On était à Rome, à Lisbonne, dans un métro ou dans un train. Loin de Taroudant, loin du couffin, loin de l’autre patrie, loin des mondes sans amour, des lits à cauchemar, des maisons à cafards. Loin de tout, il était devenu plus proche encore de lui. Ce moi conscient des êtres qui révolutionnent. Moi aussi je ferme les yeux, je fais un vœu. Il s’exauce. Le roi du monde, vêtu de ses habits de compassion, décréta de cesser la souffrance. Il pleut sur les champs autour de la colline de l’amour. Des millions de fleurs parfument ces terres et ces fleuves saccagées précédemment par l’ignorance. Les soleils surgissent de partout, des parapluies aux couleurs de l’arc-en-ciel protègent nos corps de ces traîtres de la vie.