Interview : Stephan Eicher sans compromis !

Interview : Stephan Eicher sans compromis !

Quand on rencontre Stephan Eicher pour la sortie de son CD et DVD Live ‘Taxi Tour Europa’, on comprend automatiquement qu’il est en agitation permanente. Assis, le regard porté vers le lointain, il est là mais tellement ailleurs. A la recherche de sa place dans le monde, il voyage de villes en villes et d’espaces créatifs à la réalité musicale. Perdu dans ses songes, il s’illumine pour d’improbables réponses toujours transformées en aventures extraordinaires.

N’ayant pas l’intention de le cloisonner dans un certain format de questions, je l’ai laissé prendre le volant au hasard d’enveloppes indexées : « Questions qui Fâchent », « Questions Promo » et « Questions d’enfants ». Comme par enchantement dehors, il neigeait.

Stephan Eicher : « On va prendre toutes les questions qui fâchent ! je souhaite faire uniquement l’interview sur ces questions là ! »

C’est toi qui choisis, Alors ma première question consiste à te demander si le duo Djian-Eicher ne serait pas arrivé à échéance sur le personnage que vous mettez en scène ?

Stephan Eicher : (il réfléchit) « C’est vrai que c’est beaucoup plus difficile. Le premier texte que j’ai reçu était sûrement plus frais que ce que nous faisons actuellement, mais n’est ce pas là que cela devient intéressant de persister et de commencer vraiment à creuser ? Pas dans le sens de creuser une tombe (rire) mais plutôt de quérir les petits morceaux d’or qu’on cherche dans la vie. Il écrit beaucoup plus qu’avant alors que moi je continue de chanter la même « taille ». »

C’est à dire ?

Stephan Eicher : « Il y a beaucoup de choses qui ne se concrétisent pas et de temps en temps je n’ai pas du tout raison ! Par exemple avant hier j’ai écouté une maquette qu’il avait nommé ‘Confettis’ et là je me suis dis « putain déjà le titre ça va pas du tout » mais en entendant le texte j’ai pris aussitôt une guitare pour essayer de trouver la forme. A la réflexion, si j’avais mis ce titre sur le CD ‘Taxi-Europa’ le disque aurait été certainement plus personnel. »

Vos rapports sont toujours axés sur un jeu ?

Stephan Eicher : « Oui, cela devient plus dur... comme le jeu d’échec qui est plus compliqué que le Monopoly mais si tu maîtrises bien le jeu, les échecs donnent un plaisir plus profond. On est un peu dans ce stade là tous les deux. »
Etais ce une bonne idée à la réflexion de prendre des producteurs aussi différents que Biolay et Jaconelli pour ton dernier disque ?

N’était-ce pas trop vouloir arriver au gris moyen : cette couleur qui annule la tension entre deux oppositions ?

Stephan Eicher : « C’était ça le but ! Après étais-ce une bonne idée ? je ne sais pas. Tu sais je ne suis jamais certains de mes choix. Je suis le genre de mec à ne pas oser draguer une jolie fille ou aller dans un bar m’imposer pour me faire servir. Je crois que Woody Allen l’a aussi (rire). Je pense que l’album n’est pas aboutie comme il aurait pu l’être du fait de l’absence de ces deux prod’ dans le mixage. En fait, ils voulaient tous les deux travailler avec moi mais n’avaient pas assez de temps ni le courage de me dire qu’ils étaient attendus sur d’autres projets. »

Ce qui fait que tu t’es retrouvé seul à la fin pour le mixage ?

Stephan Eicher : « Par exemple Jaconelli a une façon de dire « Ok maintenant on enregistre un bongo », mais moi je ne sais pas me servir de cette piste, à la fin j’avais une boucle de ce truc ‘bongo’ sans savoir ou il voulait la placer. Je n’ai pas été assez froid pour lui dire que le bongo cela m’emmerdait... alors je l’ai placé dans un pont pour faire plaisir(rire). Avec Benjamin ce qui était excellent c’est qu’à la première piste de corde tu te dis que cela ne sonnera jamais bien, puis il enchaîne la piste 2 et 3 pour finalement avoir une orchestration de génie ce qui ne l’a pas empêché de disparaître pour travailler sur un autre disque.... Je me suis retrouvé avec une cinquantaine de pistes en me demandant « Et maintenant qu’est ce qu’on fait avec ça » (rire). »


En définitif l’album a plu aux gens et ce disque de scène fonctionne ?

Stephan Eicher : « Je ne sais pas si c’est correct de dire ça, mais je voulais plaire. Voir ce que donnait mon univers avec ces deux personnalités. Ce qui est marrant, si tu es chercheur et que tu mets le live qui sort ces jours-ci et le disque studio, les cinq premières chansons c’est la même suite mais je préfère la suite du Live car je trouve cela plus proche de ce que je voulais exprimer. »

Pourquoi avoir modifié la track-list entre ton DVD et ton CD Live ? Pourquoi le DVD sur quelques chansons donne des titres plus longs ?

Stephan Eicher : « La nouvelle politique des maisons de disques c’est de sortir deux semaines avant le CD pour que les fans achètent d’abord l’un puis reviennent après pour l’autre objet. Je m’y suis opposé mais c’est plus aussi simple que dans le temps de s’opposer (rire). Comme je ne pouvais pas lutter contre cette politique j’ai au moins essayé d’avoir des choses différentes sur l’un et l’autre. Je voulais densifier le DVD, mettre des choses en plus sur l’un et l’autre. J’ai cherché à ce que les auditeurs restent dans le souffle du disque afin que les images ne leurs manquent pas à l’écoute. Même les mix ont été travaillés différemment. Les gens sont parfois à la maison et écoutent l’album en ayant des envies de bouger, de pisser alors qu’avec l’image ils doivent s’assoire et regarder, le travail est vraiment dissemblable. »

Il manque deux titres forts de ton tour, l’une c’est ton mix Europe-Vanessa Paradis sur une version de ‘Joe le Taxi’ ?

Stephan Eicher : « C’est pourquoi il est noté dans le livret « No Thanks To Europe » ce n’est pas une attaque contre la communauté européenne mais contre ce putain de groupe de merde. »

En plus, cela t’es déjà arrivé au début de ta carrière de ne pas pouvoir utiliser certaines chansons que tu utilisais ?

Stephan Eicher : « Par exemple ! j’ai été emmerdé par Bruce « Fucking » Springsteen. J’ai voulu faire Elvis aussi et là j’ai réussit à utiliser sa musique car une fille parisienne qui détient les droit français du King m’a donné l’autorisation. Mais pour revenir à Springsteen, il n’avait rien contre moi mais ne voulait plus qu’on touche à ‘Born on The USA’ car les républicains avaient repris sa chanson, j’ai biaisé pour chanter ‘Born on The Limmatquai’. Et la deuxième chanson que tu me dis que je n’ai pas mis ?

C’est ‘La Danse des Canards’ mixé avec ‘Born To Be Alive’ ?

Stephan Eicher : « J’étais à Mons en Belgique et c’était prévue pour faire le bonus malheureusement on n’a pas pu le filmer. Tu connais l’histoire qu’il m’est arrivé après ? »

Non mais je connais Marcel !

Stephan Eicher : « Une superstar ! Mons c’est le Nashville de l’Europe ! mais après le concert on m’a proposé une interview dans la maison de Marcel. Donc j’arrive là-bas au Discobox et je demande à son fils la chaise ou Marcel s’asseyait pour trouver toutes ces inspirations et là je suis tombé sur les fesses ! »

Pourquoi ?

Stephan Eicher : « Tu avais un disque d’un coté ou il était noté 20 millions de ‘La Danse des Canards’ vendues, de l’autre coté tu avais 18 millions de ‘Born To Be Alive’ mais tu sais ce qu’il y avait entre les deux ?

Non ?

Stephan Eicher : « Eisbar de Grauzone ! je te jure que c’est vrai ! Là j’ai compris que je faisais peut être un peu partis des très grands (rire). En réalité son fils a reprit la chanson dans une version horrible. J’ai d’ailleurs raconté l’histoire à Cali qui jouait avec moi à Spa dans les jours suivant et nous étions stupéfait de savoir que parfois on se retrouve dans des endroits insolites sans le savoir. »

En parlant de Cali, peux tu me dire ce que tu penses de cette nouvelle génération qui monte ?

Stephan Eicher : « Je connais Delerm qui a un humour incroyable, il y a Benabar qui fait ça aussi très bien, Sanseverino qui joue de la guitare beaucoup mieux que moi et cela m’emmerde mais peut être que mon préféré c’est Cali ! »

Tes rapports avec Virgin sont comment ?

Stephan Eicher : « J’ai signé chez Virgin avec un mec qui s’appelle Emmanuel de Burtel. C’était lui qui avait produit mon premier vrai grand concert à Paris au Palace. Dans la salle il devait y avoir 8 personnes qui avaient payées dont 7 qui étaient des suisses en vacance (rire). Madonna est resté au bar, Keith Ridchards était dans les toilettes pendant que je jouais. Ce n’était pas un succès pour lui mais il m’a donné ma chance. Pendant 15 ans nous avons continués nos chemins chacun de nos cotés.

Emmanuel a crée Delabel, Labels, fait pleins de choses. Lorsque mon contrat fut terminé avec Barclay et que j’ai entrepris une tournée ‘Backstage Concerto’ sans maison de disque derrière moi, Emmanuel venait régulièrement avec une limousine, il se mettait dans les coulisses pour voir le concert et au bout de quelques dates il m’a simplement dit qu’il avait autre chose à foutre que de venir me voir à Troyes et m’a demandé de signer avec lui. »

C’était une décision facile à prendre ?

Stephan Eicher : « Moi je serais resté avec Pascal Nègre et Caillard car ce sont des mecs assez violent dans ce métier. Le fait qu’ils bougent des trucs, des meubles alors que moi j’ai tendance à dire qu’il y a trop de poussières pour déplacer quoi que ce soit c’est positif. De plus ils sont très clair et franc. Mais avec ‘1000 Vies’ qui était un disque volontiers anti-commercial il y a eu une de grosses tension entre mon manager et eux. Ils souhaitaient que je fasse encore du ‘Carcassonne’ pour traire encore plus la vache à lait. »

Mais maintenant Emmanuel de Burtel n’est plus chez Virgin ?

Stephan Eicher : « Lorsque EMI a chassé Emmanuel j’ai perdu beaucoup de mes libertés. Il y a maintenant toujours une ombre sur la photo. C’est une autre vision, un autre langage. Mais c’est aussi de ma faute, je n’ai toujours pas trouvé le moyen de traduire leur dialecte. »

Et ton nom figure sur les artistes remerciés lors de la restructuration puis disparaît pour finalement rester chez Virgin ?

Stephan Eicher : « C’est une drôle d’histoire, j’apprends par les journaux que je ne suis plus chez eux mais le lendemain je reçois un appel alors que j’étais en train de mixer le ‘Taxi Europa Tour’ pour déjeuner avec le chef de Virgin afin de résigner. »

Tu ne te sens pas prisonnier artistiquement de toutes ces obligations contractuelles ?

Stephan Eicher : « Je te le dis officiellement, il y a des choses qui m’emmerdent. Si je veux faire une belle pochette après ils te mettent ce qu’ils appellent des amandes mais ça je m’en fous, si j’ai envie d’investir dans un truc particulier je m’en fous je le demande. Après tu te retrouves parfois dans un bureau ou un mec te dis cette fois ce sera juste un livret de 4 pages et il te coupe l’herbe sous les pieds. »

Pattie Smith avait Mapplethorpe pour son image alors que toi tu sembles encore chercher quelqu’un qui pourrait traduire au mieux ta personnalité en photo ?

Stephan Eicher : « J’ai eu Martin Hess mon ex-manager qui est peintre et qui trouvait toujours le bon visuel pour moi. On sentait bien toute cette anarchie, cette folie. Thierry Rajic fut longtemps le photographe qui m’a suivis. Mais après je suis très têtu et peut être faudrait il que je visualise moi même ce que je veux donner aux gens mais j’ai un peu peur qu’ils ne comprennent plus ! »

Est-ce qu’être un chanteur vieillissant te fait peur ?

Stephan Eicher : « Ha voilà la vraie question qui fâche ! ! Disons que vieillir, et c’est pour tout le monde la même chose : c’est un peu chiant. Avant je pouvais faire des nuits blanches en studio et en dehors du soutiens de la nicotine et de la caféine être chouette sur une photo. Aujourd’hui c’est plus possible. Avant je pouvais rester 6 heures avec une bougie et un livre mais maintenant je ne tiens plus que trois heures en me rassurant que les lunettes ce n’est pas encore pour tout de suite. Avant je pouvais séduire avec moins de mots maintenant je dois parler plus (rire). Ca c’est pas facile.

Pour la musique, quand je sortais mon deuxième ou troisième disque tout le monde trouvait ça frais et incroyable maintenant si je chante en chinois je n’aurais pas grand monde derrière moi. Si tu regardes l’histoire de la musique, des musiciens vieillissant ce n’est pas très commun. Soit ils meurent jeunes, soient ils meurent vieux mais on les oublie pour s’en rappeler à leur mort comme Johnny Cash. Quand tu vois des mecs comme Souchon tu te dis : en France il y a une possibilité. »

Ailleurs aussi ?

Stephan Eicher : « Certainement. La semaine dernière j’étais au Pays-Bas et la bas dans leur top 10, ils avaient Tom Waits alors je leur demande si c’est un top underground mais ils me répondent que non que c’est leur top courant ! Hé je vais peut être aller vivre en Hollande ! (rire). Honnêtement je ne sais pas si j’ai cette capacité à rester le temps que je voudrais rester... parce que je continue d’avoir envie de chanter. »

C’est toujours le même plaisir ?

Stephan Eicher : « Cette après-midi j’ai chanté une chanson acoustique sur Oui FM. Tu sais de prendre l’oxygène pour le ressortir avec des mots, que ce soit mes propres mélodies, pour moi c’est une vraie satisfaction. »

Quand on voit ton parcours on se dit que tu es mure pour faire un album comme ‘Ghost Of The Tom Joad’ de Springsteen à son époque ?

Stephan Eicher : « Ha non ! je l’ai trouvé chiant ! j’ai d’ailleurs un peu peur de faire la même chose. J’ai attendu tellement longtemps cet album, idem pour le nouveau Prince, je l’ai attendu pendant 10 ans et je suis déçu. En regardant l’histoire de la musique, mes cartes ne sont pas géniales, maintenant en regardant comme je me lève et je me couche dans ma vie je trouve que je n’ai pas encore joué tous mes as. Mais qui va gagner le jeu de poker ça je ne sais pas ! J’ai juste de moins en moins envie de tricher.

Si j’avais voulu j’aurais pu te dire « Aucun problème tout va bien » mais c’aurait été mentir à moi même et aux autres. Avec mon age qui avance tu as souvent des musiciens qui finissent dans des Galas. Mais ça, entre nous je n’en ai pas envies (rire). »

Où sont les clefs ?

Stephan Eicher : « Dans ma poche ! »

Non je veux parler de cette chanson inédite que j’ai eu la chance d’entendre et qui ne figure nul part ?

Stephan Eicher : « C’est une chanson qui je crois ne va jamais sortir car là tu vois je l’ai re maquetté, je l’ai donné à mes musiciens et ils ne la comprennent pas ! Comme le CD et le DVD sont sortis je dois retrouver d’autres chansons tu comprends ? (rire) Parce que mon public attends des choses nouvelles et mon parc est vide. A coté de ça il y a peut être 50 chansons qui ne sortiront jamais et c’est aussi bien que celle là reste uniquement dans ta tête à toi. »

Quand, après avoir tracé une route du Nord au Sud, vas tu oser faire le même de l’Ouest à l’Est ?

Stephan Eicher : « C’est en projet. Attends je vais te montrer quelque chose... »
Il sort de sa poche, un petit carnet et l’ouvre sur une page ou il y a une grande ligne droite entre Istanbul et Kaboul. Donc tu vois c’est prévu !... mais avec quel moyen de locomotion ça je ne sais pas encore. Nager, le train, en stop... je ne sais pas encore. Mais tu me connais, il me faut encore le faire ce voyage ! même si c’est chiant et que cela ne donne rien du tout il faut que je le fasse. (rire) »

Tu avais demandé à tes fans d’écrire des chroniques pour le DVD ?

Stephan Eicher : « C’est moi à travers mon site internet. Mais même moi qui voulait le lire je n’y suis jamais arrivé parce que c’était interdit d’entrer ! Je crois que les fans se fâchent gravement à cause de ça... j’avais prévu aussi qu’on prenne les noms des personnes qui étaient au concert enregistré pour le DVD afin de les faire défiler dans le générique. Mais la personne qui devait s’en occuper l’a perdu. »

Qu’est-ce que tu fais dans ces cas là ?

Stephan Eicher : « Tu ferais quoi toi ? Tu vires le mec ?

Ben c’est ce que j’ai fait. »