Portrait de Barbara Bertiaux

Portrait de Barbara Bertiaux

Next (F9) vous propose des portraits de personnalités connues ou inconnues, des poètes ou des vendeurs de boutons, des gauchos ou des gauchers. L’important est de rêver. Chacune des personnalités est contactée personnellement, décide de sa photo à publier et raconte à Patrick Lowie un rêve marquant.

Je lui dis : Oui, vous regardez cette isba et vous dites blizzard, blizzard. Alors je croyais que… Elle me répond : Moi, j’ai dit blizzard, blizzard, comme c’est étrange ! Pourquoi aurais-je dit blizzard, blizzard ? Comme c’est blizzard. On est tous les deux emmitouflés (euphémisme), on est à Norilsk, en Sibérie, il fait -38°, ce sont des grands moments de solitude où nous essayons l’humour pour réchauffer. Le trio que nous formons en cette fin janvier 2017 : Barbara Bertiaux, journaliste à RTL-Tvi (Belgique), Sidor, activiste représentant des communautés locales qui n’a, lui, qu’un simple t-shirt sur le dos, estimant qu’il fait particulièrement chaud cette année, se moquant de nos lèvres devenues bleues ; et moi-même.

La journaliste m’avait téléphoné trois jours plus tôt pour m’inviter dans ce qu’elle désigna comme une enquête de terrain. Pourquoi avait-elle pensé à moi ? Patrick Lowie, vous êtes capable de me faire rire dans les moments les plus dramatiques. J’ai accepté sa proposition, un peu par déraison et pour mettre en pratique la méthode Coué en situation extrême (efficace seulement vingt secondes). Le jour suivant l’appel, nous nous sommes rendus au Zoo d’Anvers pour se familiariser avec les animaux de Sibérie mais nous avons été plus admiratifs devant les Paresseux suspendus à l’envers que devant les Mouflons des neiges. Puis, nous nous sommes procurés le kit indispensable des petits reporters au pays des Soviets, parce que bon, la ville de Norilsk (goulag aux 500.000 prisonniers) créée par Staline est encore une ville interdite, voire secrète.

Je continue à suivre Sidor et Barbara Bertiaux dans ces passages étroits entre les bâtiments de Norilsk en pleine nuit. Barbara se retourne : on n’a pas de fox-terrier, me dit-elle. Les visages définitivement gelés, sourire est impossible, je maudis mon goût pour l’aventure et mon addiction à la curiosité. Déjà que notre arrivée avait été plutôt spectaculaire : en survolant la rivière Doldykane teintée de rouge vif à cause du nickel extrait, on a dû atterrir d’urgence en plein no man’s land qui me rappelait vaguement Seraing, aucune autoroute n’arrive à Norilsk, remonter le fleuve Ienisseï, prendre le train au port de Doudinka.

Sidor doit nous accompagner dans une cabane hantée où les communautés stockent des vivres volés à l’entreprise Norilsk Nickel. Au loin, un néon bleu clignote, comme si une discothèque venait de s’ouvrir. On pouvait lire Mekhanika en alphabet cyrillique. Sidor dit c’est bizarre, cette discothèque ne s’ouvre qu’une fois par mois et c’était avant-hier. Intrigués, on change de direction, plus qu’une discothèque, c’est un hangar, personne à la porte, personne derrière le bar… mais sur la piste, un couple venu d’ailleurs, grâce harmonieuse, légèreté, aisance, dans ce dancing à l’odeur de goulag, on entend la voix de Pibe Carlitos [1], escroc par voie du conte de l’oncle, et médusés, on regarde ce couple danser un tango mémorable. Barbara, c’est quoi ce rêve ? Que font-ils ici ? Plus loin, une autre ouverture dans la discothèque donne sur le lac de Norilsk où les habitants se baignent nus.

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