A l’heure où beaucoup d’écoles de comédiens prennent l’appelation « internationale », pourquoi appeler votre école de théâtre : « interculturelle » ?

Car l’interculturel se différencie de l’international ou du multiculturel par sa réciprocité. Une approche interculturelle est une forme d’ouverture que nous trouvons indispensable dans la formation de jeunes artistes en devenir car elle refuse l’ethnocentrisme. L’idée de notre école est de faire se rencontrer nos élèves et différentes cultures, qu’ils puissent interagir avec des approches radicalement différentes que de celles qui existent en Occident. Je crois que nous sommes toujours les seuls à proposer un programme pédagogique à cent pour cent accès sur des approches traditionnelles et contemporaines des arts scéniques du monde.

D’où vous est venue cette envie ?

De mes voyages, mes rencontres et mes expériences. Du soutien des différents artistes que j’ai pu rencontrer, tels que Yoshi Oïda, Hassane Kouyaté, ou Philippe Caubère, avec lesquels nous avons pu faire travailler nos élèves et qui nous ont encouragé à poursuivre dans ce sens. Ayant pas mal parcouru les cours de théâtre de la capitale, je n’ai jamais compris pourquoi les formations ne s’inspiraient pas d’avantage de techniques venues d’autres parties du monde, comme d’Asie ou d’Afrique par exemple. Les workshops proposés aux acteurs tournent assez souvent sur les mêmes techniques : Actor studio, Mime, Improvisation, Clown, Comédia del’arte … Sans amoindrir les qualités de ces approches, qui sont aussi très riches, nous voulions offrir d’autres possibilités aux acteurs qui souhaitent se former par le biais de nouvelles techniques. Ainsi, nous proposons à nos élèves de travailler le langage corporel par le biais (par le moyen ? pour éviter la répétition ?) de techniques issues d’Asie, comme par exemple d’Inde avec le kathakali ou d’Indonésie avec le masque balinais. De travailler sur la présence du corps en scène par le biais de danse théâtre japonaise comme le Butô ou le Nô. De travailler sur la prise de parole en apprenant les techniques des conteurs griots africains …

C’est donc une formation pluridisciplinaire ?

Oui, en fait là aussi nous essayons de former les acteurs comme ils le sont sur d’autres continents. En fait, en Occident, il semble que l’acteur doivent être un bon orateur, sachant jouer des ses émotions et incarner un personnage de façons crédible et juste. En Asie ou en Afrique les acteurs ne sont des artistes complets que s’ils savent danser, chanter et jouer … Le fait d’être artiste est une sensiblité plus qu’un domaine ou une spécialisation. Ainsi les acteurs ont souvent plusieurs cordes à leur arc. Ils sont parfois poêtes, sculpteurs, peintres … Sans qu’ils rentrent pour autant dans une catégorie, dans une case. Là aussi dans notre formation c’est ce que nous essayons de developper en formant nos élèves tout autant au jeu, qu’à la danse, au chant et à la musique.

(Photographie : Emmanuel Delaloy)

Combien de temps dure votre formation ?

2 ans, ou plutôt 2 saisons. 9 mois pour apprendre à évoluer sur un plateau et 9 mois de mise en pratique par le biais de créations que nous produisons en tournées.

La premiere année est faite pour apprendre les bases : quel corps avoir en scène ? Comment marcher sur un plateau ? Comment parler sur un plateau ? Nous travaillons sur une sorte de rééducation du corps et des habitudes quotidiennes pour préparer nos élèves à l’énergie que suscite le plateau. Pour citer Peter Brook, il s’agit pour le comédien d’apprendre a se déconstruire pour pouvoir s’adapter aux exigences de la scène. Le théâtre est un prisme où tout est plus fort : le corps, la parole, les émotions, il faut donc pouvoir y préparer les artistes que nous coachons. C’est pourquoi nous proposons des trainings denses et réguliers aux éléves que nous formons, en travaillant sur la relaxation, la concentration, des préparations physiques et émotionnelles exigeantes, de façon à ce qu’ils soient prêts à affronter la scène.
Le seconde année est faite, quand à elle, pour mettre en exergue les notions apprises durant la première saison en les testant devant plusieurs publics en France et à l’étranger lors de tournées et lors de plusieurs représentations. Et elle est aussi faite pour que nos élèves puissent vivre ce qu’est la vie d’artiste. Car pour devenir acteur il ne suffit pas de jouer juste. Il faut aussi être confronté à ce qu’est la vie de troupe en tournée, à ce qu’est le fait de vivre différentes représentations devant des publics variés, et dans des conditions diverses. C’est ce que nous essayons d’apporter à nos élèves. De les mettre sur la voie de ce qu’est être un comédien de nos jours.

Votre formation semble proche du théâtre … Et le cinéma ?

Evidemment, nos techniques servent pour le septième art. Les élèves qui sortent de notre formation utilisent leur apprentissage lors de castings ou de tournages. Et d’après leur retour cela s’avère d’ailleurs assez efficace ... Mais notre formation est plutôt faite pour préparer à la scène, au plateau, à l’énergie que demande le spectacle live. Beaucoup d’écoles sur la région parisienne se destinent à la préparation aux castings et au monde de l’image. Comme je vous le disais plus avant, notre idée est de proposer une autre approche du métier d’Acteur.

Comment se passent les auditions pour entrer dans votre école ?

Nous ne faisons pas d’auditions pour l’entrée à l’EVA. Elles ne sont pas pour nous assez révélatrices de certaines choses essentielles comme de savoir comment le postulant evolue en groupe, comment il répond à nos techniques ou quels sont ses réels acquis dans un contexte de création spontanée. Pour s’inscrire à notre école il faut en fait passer deux étapes. Tout d’abord un entretien avec notre équipe, durant lequel nous voyons quelles sont les attentes du candidat et si la formation lui correspond. Puis lors d’un premier cours d’essai qui vient valider définitivement l’inscription.

Faut-il avoir un profil particulier ?

Nous avons pu remarquer que la plupart des postulants sont des comédiens, jeunes ou moins jeunes et avec plus ou moins d’expériences, mais qui souhaitaient tous la même chose : se former autrement. Après, l’essentiel pour nous est le fait que les candidats est aient une bonne condition physique (car le travail corporel est un des axes essentiel de notre approche), qu’ils soient soit disponibles et surtout très motivés, avec la volonté de voyager et de s’enrichir du contact avec l’autre ...

Vos projets ?

Continuez à developper notre discours sur l’impotance de sortir des cloisements artistiques et en poursuivant nos recherche dans le croisement des apprentissages de différentes techniques de l’acteur. La suite de la tournée internationale de notre dernière création « Carmencita » (une adaptation de la nouvelle de Mérimée et de Bizet), que j’ai monté avec la compagnie professionnelle composée d’anciens élèves de la formation et dont les prochaines étapes devraient être l’Algérie et le Brésil. La mise en place d’une résidence pour de création pour 2017 entre l’EVA et le Maroc pour un spectacle en partenariat avec la Cimade autour du thème de la migration. Et de nouveaux stages : des workshops interculturels autour du Griot, du Kathakali, du Nô, du Kyogen … Et les suites d’un travail que j’ai très à c ?ur que nous avons entrepris avec Philippe Caubère qui dirige avec nous une série de stage autour du thème de l’Amour …

Site web : www.ecole-eva.com

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