Korruption : une "comédie loufoque", pas un film porno !

Korruption : une "comédie loufoque", pas un film porno !

Le maire (LR) d’Asnières vient d’être condamné en diffamation par le Tribunal Correctionnel de Paris. Il avait lancé la rumeur selon laquelle un film porno avait été tourné dans son Hôtel de Ville...

Retour sur une affaire surprenante que nous évoquions déjà il y a quelques mois. En 2014, un ancien élu de la ville d’Asnières, par ailleurs réalisateur, choisit de tourner deux scènes de son film "Korruption" dans les locaux de la mairie de la ville. Muni d’une autorisation en bonne et due forme, signée par le maire de l’époque, Julien Richard-Thomson reconstitue une salle d’audience et tourne plusieurs scènes de comédie. Ne disposant pas de la totalité du financement pour achever l’oeuvre, il diffuse un "teaser" de 4mn dans lequel on reconnait divers décors, dont l’Hôtel de Ville. Deux plans de quelques secondes montrent aussi une strip-teaseuse partiellement dévêtue (topless), images qui ne sont visiblement pas tournées dans les locaux municipaux.

"Ces images illustrent en effet l’univers du méchant du film, un parrain de la mafia trafiquant de drogues et producteurs de films de charme" explique le réalisateur. "J’ai écrit ce film pour pousser un coup de gueule contre la corruption au sens large, le pouvoir de l’argent et l’exploitation des femmes par les mafias". Sur le ton de la comédie grinçante (qui n’est pas sans évoquer Jean-Pierre Mocky) le réalisateur présente une galerie de personnages caricaturaux et peu reluisants : flic ripou, magistrat peureux, chirurgien esthétique véreux, journaliste corrompu, sans oublier un serial-killer télépathe et une politicienne d’extrême-droite menant campagne électorale à l’aide d’un lance-flamme.

Une manipulation politique

Mais à Asnières, les temps changent et les élections portent au pouvoir un nouveau maire, proche de la Manif pour Tous, qui choisit d’utiliser ce film comme prétexte à un réglement de compte envers son prédécesseur qu’il accuse d’avoir laissé tourner un "film porno" au sein de la mairie. Largement diffusée, la rumeur fait le tour des médias français et étrangers avant d’être démentie.

De leur côté, l’ancien maire PS (aujourd’hui député) Sébastien Pietrasanta et le réalisateur Julien Richard-Thomson portent plainte pour diffamation. C’est la plainte du premier qui a aboutit hier mardi 15 mars à la condamnation de Manuel Aeschlimann maire d’Asnieres (déjà condamné à une peine de 18 mois de prison avec sursis et 1 an d’inéligibilité dans une affaire financière, en 2011). Il devra payer une forte amende et verser à son prédécesseur 5000 euros de dommages. Un adjoint du maire, Alexandre Brugère (par ailleurs directeur de cabinet de Xavier Bertrand) ainsi que le journal Le Point ont été condamnés également. Sur le fond le tribunal a été clair, considérant que le film ne pouvait en aucun cas "entrer dans la catégorie de films pouvant être qualifiés de pornographiques" mais constituait plutôt à une comédie "se proposant de dénoncer de manière loufoque les maux engendrés par la corruption et le proxénétisme".

L’affaire est loin d’être terminée pour autant, les condamnés ayant annoncé leur intention de faire appel. En attendant, le tournage du film Korruption n’a jamais pu reprendre.