Leila Alaoui par Leila Ghandi

Leila Alaoui par Leila Ghandi

Elles sont deux jeunes et belles marocaines et artistes qui s’appellent Leila. L’une est partie tragiquement et celle qui reste rend un magnifique à l’autre.

"Je n’arrive toujours pas à y croire. Il n’y a pas de mot pour exprimer ma peine. Pas de mot qui puisse consoler tes parents. Si lorsqu’on perd un parent on devient orphelin il n’y a juste pas de mot lorsqu’on perd un enfant. Je suis bouleversée. Choquée. Tétanisée.

Profondément. Et ce n’est pas le fait que tu sois jeune, belle, talentueuse, car nous sommes tous égaux face à ces tragédies. Ce n’est pas non plus parce que tu es photographe, engagée, attachée à l’humain, que nous avons le même âge, le même visage enfantin, le même prénom, une démarche des combats des projets des valeurs qui se ressemblent et que ça aurait pu être moi à Ouagadougou.

Ce n’est pas non plus parce que je te connaissais. C’est juste parce que c’est terrible et terriblement injuste. Parce que c’est violent, irréel. Parce que voir les news en boucle à la télévision qui décomptent les morts anonymes victimes d’attentats terroristes à l’autre bout du monde n’a finalement pas le même impact. Parce que le terrorisme parait loin et que les attentats frappent généralement ailleurs. Finalement non. Ce ne sont plus seulement des news bouleversantes qu’on voit défiler comme on voit un film d’horreur au cinéma. ça devient réel, ça arrive à nos portes, ça arrive à nos proches. On n’est pas à l’abri. De rien. La vie peut s’arrêter sans prévenir, comme dans un accident de voiture, alors qu’on n’y était pas du tout préparé, alors que nous avions encore tellement de choses à vivre.

Je sais cela ne sert à rien mais je ne peux pas m’empêcher de me demander si à la malchance de t’être trouvée là le jour des attentats s’ajoute la malchance d’avoir à être soignée par des équipes déterminées mais qui n’avaient peut-être pas les moyens de te réanimer lorsque ton cœur a lâché. La dure réalité nous ramène à notre fragile condition humaine, nous n’avons pas les mêmes chances de survie en fonction du pays où on est, du pays où on naît. Nous sommes bien peu de chose. L’hommage national et les témoignages affectueux par centaines réchauffent le coeur. Pourquoi toujours attendre que les gens soient morts pour témoigner de leur valeur, je me le demande. Je pleure de voir que notre monde engendre des monstres prêts à tuer des innocents, pour leurs idéaux pour leur folie pour leurs croyances pour leur Dieu. Dieu Est Grand en effet et ne tolère pas ces crimes.

Il pleure certainement en ces moments de les voir commis en son nom. Je ne peux pas me résoudre à écrire des ”tu seras toujours parmi nous”, ”on ne t’abattra jamais” car la vie t’a arrachée à nous, on t’a abattue. Lâchement. J’ai envie de vomir. Ma seule consolation est de me dire que, peut-être, ce drame réveillera nos consciences et nous aidera à être nous-mêmes chaque jour un peu meilleurs. Que nous fassions tous front uni contre les violences, contre les extrémismes, contre les radicalismes, contre les régressions, contre l’intolérance, contre l’ignorance. Faire en sorte que l’obscurantisme recule. Que la lumière prenne le dessus. Que la vie prenne le dessus.
Alors seulement nous cesserons peut-être de te pleurer, et de pleurer tous les autres tombés injustement au Bataclan, à Jakarta et ailleurs.

Merci Leila Alaoui pour ta simplicité, ta générosité, ta passion, ton sourire rayonnant. C’est cette image que je garderai de toi." Leila Ghandi