Je suis / tous Charlie : « Ils auraient conchié ce genre d’attitude » (Luz)

Je suis / tous Charlie : « Ils auraient conchié ce genre d'attitude » (Luz)

J’ai envie de gerber une telle trahison aux joyeux et généreux artistes de Charlie, qui ont été dézingués mercredi dernier. Dupont la Joie s’appelle désormais Charlie… Sauf que, l’esprit perdure heureusement et résiste chez les survivants de Charlie. J’ai voulu donner la parole à deux des leurs : Luz et Willem, dans un florilège de leurs propos glanés dans la presse locale. Tous deux sont aussi écœurés que moi. Ils constatent que leurs chers compagnons fraternels, morts au combat pour la liberté d’expression ont été récupérés par la société du spectacle des « Tous Charlie / Je suis Charlie ! Avant le retour du bâton liberticide et autres homicides aux libertés d’exister, d’être insolent et irrespectueux au jus de la médiocrité, dans lequel on veut nous faire baigner jusqu’à la noyade.

C’est dingue tout d’un coup, comme sur Face de Bouc, tout le monde est devenu l’ami de tout le monde, suite à cet assassinat de la liberté d’expression à travers les artistes de Charlie. Au point même de les confondre les uns avec les autres. Cette charge symbolique émotionnelle de la société, à toujours vouloir noyer le poisson dans la nasse pour mieux l’assujettir à son profit politique, la mobilisation des tous Charlie / je suis Charlie, manipulée par les politiques va porter ses fruits au royaume de la Tulipe de Hollande et consort. A tel ordre d’idée, que le dessinateur Willem compagnon de route de Charlie (le canard et pas tous ceux qui lui ont piqué son blase, sans rien connaitre de son histoire et de son contenu) s’esclaffe : « Nous avons beaucoup de nouveaux amis, comme le pape, la reine Élisabeth ou Poutine : ça me fait bien rire  ». Comme je le comprends !

Hier, le Bartos a lourdement insisté pour m’emmener au rassemblement qui avait lieu face à la sous-préfecture de Lesparre en Gironde. Plus d’une centaine de personnes avaient répondu à cet appel en soutien aux artistes chroniqueurs et travailleurs de chez Charlie.
Un élu a pris la parole à 16 heures, à la place de tout le monde à lui tout seul. Sous le monument aux morts, il a évoqué la charge symbolique de l’événement en clin d’œil à Charlie. Puis, en bon chef d’orchestre des masses populaires, il a fait entonner la Marseillaise, ce chant patriotique bien connu où rougeoie le sang impur des ennemis de la nation dans les sillons.
Je me suis barré dépitée. La messe était dite pour moi, avec un sentiment d’immense gâchis et de gerbe aux pacifistes de Charlie, le feutre au poing.

Je ressassais ce sentiment diffus mais constant dans mon ressenti des récupérations par les tous Charlie, dont la plupart n’ont jamais ouvert une page de l’hebdomadaire et n’en connaissent pas la teneur libertaire, l’humour mordant et salutaire de ces artistes morts au combat pour la liberté de penser et de rire de tout, sans aucune censure avec la finesse et l’intelligence qui les caractérisaient.
Les bornes de la mascarade diplomatique et cynique ont été dépassées aujourd’hui lors des manifs de dimanche et plus particulièrement celle de Paname avec des tous Charlie vraiment étonnants. Je veux parler entre autres de tous ces fossoyeurs de la liberté de la presse drapés en chef d’état sereins

Entre temps, j’ai lu deux articles dans un canard gauchiste local intitulé Sud OuestLuz et Willem, deux survivants de l’équipe de Charlie expriment les mêmes sentiments que moi. Ce qui me rassure en fait de ne pas être la dernière des Mohicans, pour une fois !
http://www.sudouest.fr/2015/01/11/mobilisations-charlie-hebdo-le-dessinateur-willem-denonce-des-soutiens-opportunistes-1793086-6092.php
http://www.sudouest.fr/2015/01/10/pour-le-dessinateur-luz-ces-manifestations-sont-a-contre-sens-de-charlie-1792749-6092.php

Willem (encore un de ces métèques hollandais ! Elle est belle la France ! Mais que fait la police ?), qui n’a pas la langue de bois vermoulue dans sa poche s’est éructé dans la presse de son pays d’origine : « Vomir sur ceux qui subitement, disent être nos amis  ». Idem chez Luz à sa façon : « C’est formidable que les gens nous soutiennent mais on est dans un contre-sens de ce que sont les dessins de Charlie  » (…) « Charlie se bat contre le symbolisme ».

Dans ce discours unanime médiatique à ranimer la flamme patriotique autour de cet événement et le diffuser à l’aune internationale autour du drapeau national…. Luz répond : « Cet unanimisme est utile à Hollande pour ressouder la nation. Il est utile à Marine Le Pen pour demander la peine de mort. » Mais encore : « A la différence des anglo-saxons ou de Plantu, Charlie se bat contre le symbolisme. Les colombes de la paix et autres métaphores du monde en guerre, ce n’est pas notre truc  ». Bien dit, hardi petit !

Sous le verbiage de Charlie on mélange le style et les genres des artistes défunts, pour les confondre en un seul et même qui se serait appelé Charlie tout court. Luz complète le tableau. « Charlie est la somme de personnes très différentes les unes des autres qui font des petits dessins. La nature du dessin changeait en fonction de la patte de son dessinateur, de son style, de son passé politique pour les uns ou artistiques pour les autres. Mais cette humilité et cette diversité des regards n’existent plus. Chaque dessin est vu comme s’il était fait par chacun d’entre nous. Au final, la charge symbolique actuelle est tout ce contre quoi Charlie a toujours travaillé : détruire les symboles, faire tomber les tabous, mettre à plat les fantasmes ».

A propos de la Marseillaise balaise et fadaise rassembleuse de sang-froid sous le troupeau franchouillard rotant dans sa mangeoire, Luz s’exprime. « Je n’étais pas à la manifestation spontanée du 7 janvier. Des gens ont chanté la Marseillaise. On parle de la mémoire de Charb, Tignous, Cabu, Honoré, Wolinski : ils auraient conchié ce genre d’attitude ».
Il ne manquerait plus, par-dessus le marché, qu’on les empaille au Panthéon !
Merdre merdre Père Ubu….

Ce contre-sens volontaire des âmes du charité business, la grande sauterie médiatique continue à aller cracher sur les cadavres encore fumants des artistes de Charlie. Ils ont été entièrement dépouillés de leur humour et de leur verve d’hommes libres à toujours pourfendre les dogmes et les ordres des bonimenteurs de salon qui nous gouvernent.

Salut Charb, Tignous, Cabu, Honoré, Wolinski…. C’étaient vous, vous les véritables Charlie et seulement vous et pas tous les Charlie d’opérette qui s’improvisent un je suis Charlie. Ceux-là mêmes qui le manifestent bruyamment dans un tempo de contre-sens complet à votre œuvre militante et joyeuse. Merci aux vrais Charlie et fraternité. Encore merci à vous. La lutte continue sur tous les fronts de l’obscurantisme de la pensée inique et méprisante à votre mémoire.