Correspondance volée

Correspondance volée

Il y a des jours comme ça ou rien ne va. La température ambiante frise les 19° Celsius, mon engagement envers la vie moderne m’oblige à acheter des dinars jetables pour un voyage en Tunisie, mon portable déconne quand j’appuie sur la touche zéro et ma voiture, porte conducteur, ne s’ouvre plus que lorsque je lui parle gentiment.
Ce matin, Jacques Dérida et Christopher Reeve viennent de mourir. L’un dans l’autre le monde perd un surhomme et un acteur plutôt moyen qui se trémoussait dans un collant bleu et rouge avant de se figer dans un fauteuil grisâtre. J’aime bien les Comic’s et les philosophes.

C’est chouette un penseur quand il s’assoit dans un coin ombragé pour écrire quelques sentences sur son siècle et c’est tout aussi sympa de voir un super héros bodybuildé renverser un tank pour éviter qu’il n’écrase une fleur. Toute cette finesse d’existence ce n’est pas dans Auto Plus qu’on irait la chercher. La déconstruction, le "tu" à la place du "je", la Kryptonite et Wonder-Woman en veuve éplorée, y a vraiment des trucs qui font penser qu’il y a bien un démiurge qui joue à la Dinkitoys au dessus de nos têtes. D’ailleurs je commence à sentir une bonne vieille migraine me tarabuster le crane. L’autoroute A25 est en travaux.

Me reste le plaisir d’écouter de bons albums vinyles qui crachent leurs vieillesses dans des enceintes 10 W, reprendre à la ligne 3 mon énième roman inachevé et pleurer de la misère de mon écriture que d’aucuns disaient flamboyante. Heureusement il m’arrive parfois de m’aimer grâce au talent des autres. En ce moment, mon énergie se dissipe dans une correspondance effrénée avec une jeune femme des plus charmantes. Toutes mes journées, du matin au soir, se déroulent dans le sang de l’imprimante qui crache ses messages. Vive la micro-informatique, les lignes téléphoniques et surtout cette bonne vieille gonzesse qui sait de quoi je parle et qui comprend.

Pourtant cela n’est pas sérieux, je ne vais pas me remettre à boire, lui écrire un roman sur ce qu’elle me donne, je l’ai déjà fait pour une autre. Donc non. Ne doublons pas nos chances. J’ai bien envisagé de lui dire que je suis un méchant, que je ne prends pas de temps avec les autres, que tout doit aller tout de suite vite et dans mes envies. J’ai modifié mon adresse e-mail. Je suis un vieux sportif, mais un jeune écrivain sans reconnaissance donc aigri et pleurnichard.

Rien de plus difficile que de me suivre dans ces passages encombrés de ma psyché, de mes délires totaux et de mon intransigeance envers les gens n’ayant pas aimé ceci ou cela. Jusqu’à présent, elle tient la route. Je l’ai déjà prévenu que tout n’a qu’un temps et que je finirais pas la faire tomber dans l’ornière de mes absences. Je ne suis pas ce qu’elle croit, d’ailleurs je ne souhaite pas la rencontrer, me présenter sur son pallier, devant elle, ferait rompre tout ce charme d’une communication amicale et singulière.
Je ne suis pas sage, je pleure et regarde toujours par terre. A partir de là, il est préférable de garder nos distances Mademoiselle.

Je me trompe sur tout, je mange debout et fume tellement que l’on m’accorde un charme éthéré. Et le pire c’est que je vote encore.

J’aime aussi l’amour des femmes. De celles qui portent des Doc-marten’s sur des robes légères. La fleur au fusil je me châtie dans leurs bras. Rien n’est si bon.
Si vous ne me croyez pas demandez aux autres. A celles et ceux qui m’ont vu mourir dans un passée récent. Eux j’ai oublié jusqu’à leurs prénoms. Je ne garde que le vôtre. Tomber en dépression est une solution qui pourrait me satisfaire. J’ai bien cinq chroniques en retard sur ma table d’écoute. Cinq chroniques qui se sont charmées en réponses sur vos appels au calme. Agressive et négative.
Je suis charmant.

Désolé. Voilà déjà le retour de mon moi profond. Jusqu’à maintenant j’ai essayé de le garder au froid. Qu’il brûle à moins 200. Mais rien n’y fait. Il est tari à la source, pollue mes douces paroles amères et reprend le dessus. Je souhaite choquer. Je crois. Que l’on m’engueule encore et encore pour mes fautes d’orthographe. Je n’aime pas les gens. Je serais capable de lécher vos semelles, mais aussi le marbre d’une tombe. Superman est mort. Je me réfugie dans l’antre noire et lugubre de Batman. Chauve-souris vampirisant mon avenir.

Voilà. Une cave, un caveau et on n’en parle plus.