Sade, le vide et la bêtise

Sade, le vide et la bêtise

Alors qu’ils se persuadent d’avoir des préférences élitistes, les apôtres de la fange Sadienne ont en fait peu d’esprit.

Il a toujours été de bon ton, afin de bien montrer qu’on se place très au-dessus du commun des lettrés, de trouver des séductions intellectuelles et philosophiques aux auteurs les plus infréquentables, des charmes aux esprits les plus noirs.

Au nom d’un impérieux -et incompréhensible- souci de protection, de sacralisation, de glorification de ce genre de pensée, l’idée de mépriser, critiquer, rejeter l’enfer des bibliothèques est insupportable à ces adeptes de l’ordure ! Surtout si cette “pensée” est en réalité du vent déguisé en souffle, c’est à dire une non-pensée parée des atours de la vérité.

Plus les oeuvres sont sombres, plus les sots admirateurs en sont éblouis.

Ces “fins lecteurs” se croient supérieurs, au-dessus de la mêlée, profonds et avisés sous prétexte qu’ils sont plus prompts à trouver du sens, de la réflexion, de l’ivresse dans le néant, les ténèbres, la laideur et le mal que du pain chaud et de l’eau fraiche dans le sillon sage et droit de la plume salubre.

L’honnêteté les fait rire et fuir. La corruption leur donne des ailes, de la flamme, de l’envergure. Incapables de respirer l’air pur, ces dragons nourris des écrits sadiens ne peuvent plus cracher que du soufre. Le feu du Diable, c’est leur lumière à eux.

Encenser la féconde beauté du jour, se réjouir de la clarté du Soleil, chanter la vie simple, saine, sainte des êtres sans malice sont autant d‘offenses à leur “finesse”, à leurs vues “sophistiquées”, à leur rapport à l’écriture hautement cérébral, conceptualisé, politisé, décomplexé, déstructuré-restructuré... Autrement dit, vicié. Une belle masturbation neuronale en tous cas !

Ils tournent en dérision la littérature des bons sentiments et lustrent les livres les plus infâmes, assimilant l’expression de la vertu à la bêtise et l’étalage du péché à l’intelligence suprême...

Sade a écrit des choses fort sensées. Et chié beaucoup de merde.

En quoi ces déversements d’excrément apporteraient-ils du poids à ses pages les plus claires ? Sade qui ne manquait pas de jugement aurait pu écrire des livres propres. La crasse qu’il y a introduite y est totalement superflue, gratuite, elle n’a pas d’autre justification que les graves dérèglements mentaux de l’écrivain.

Ce qui est déplorable -mais également risible-, c’est que des cerveaux faibles voient une oeuvre, voire un chef-d’oeuvre, dans ces anecdotes psychiatriques, je veux parler des innombrables digressions pathologiques de Sade, et théorisent à l’infini sur ce qui n’est finalement qu’un amas de scories psychiques, le vulgaire cancer mental d’un pauvre malade en proie à ses incontrôlables délires.

Il a toujours été très aisé, à travers la transgression, de passer pour une âme rebelle, complexe et romantique, de jouer les vautours racés, les serpents ailés, les érudits ambigus.

Beaucoup plus louable est de savoir encore, sans peur d’être moqué, sourire avec candeur et émerveillement devant la pureté de la fleur, de l’onde, de l’azur.