LA MALADIE DE LA FAMILLE M. de Fausto Paravidino. Mise en scène de Wally Bajeux.

LA MALADIE DE LA FAMILLE M. de Fausto Paravidino. Mise en scène de Wally Bajeux.

Il y a d’abord cette lumière unique pendant toute la pièce. Des filtres particuliers qui pixélisent les visages des comédiens et donnent à la mise en scène de Wally Bajeux, très inspirée, une ambiance mi-théâtre, mi-peinture ou même cinéma. Ce très beau travail original de Rodolphe Hamel donne un côté plastique particulièrement intéressant, il rend aussi chaque mot, chaque monologue ou dialogue universels. Il dessine et invente une autre manière de regarder une scène de théâtre. Il ouvre des champs du possible car nous plonge dans un entre-monde, un entre-lieux très pertinent.

Un étrange médecin à la voix grave fait figure de narrateur dans un décorum minimaliste, fonctionnel et malin. Le ton est donné dès le départ, nous sommes dans une mise en scène particulièrement audacieuse, inventive, ludique et travaillée aux petits oignons. Rien n’est laissé au hasard. Chaque tirade ou phrase des dialogues a été pensée et des dizaines d’idées fortes en jaillissent.

Pourtant malgré cette attention portée au fond et à la mise en place de la dramaturgie, tout est fluide, beau et élégant comme les tissus, des comédiens, comme le texte de Paravidino qui prend vie dans chaque personnage et nous parait foncièrement réel, moderne, en phase avec nos préocupations.

Nous sommes dans la Farce, c’est la grande force de ce texte et de cette pièce, une Farce de vie, de mort, de désir, de jalousie, de corps qui se battent, qui souffrent, s’aiment ou dépérissent avec l’esprit. Tout est exacerbé mais jamais caricatural. Tout est parfaitement plausible mais si on sent bien qu’on est au théâtre.

Ce n’est pas un travail sur la famille mais avec la famille, pour la famille, pour la fratrie . Finalement nous sommes pour la plupart mariés à la famille pour le meilleur et pour le pire. C’est ce que raconte aussi en filigrane « La Maladie… ». Un lien obligé qui rassure ou qui emprisonne, c’est selon, mais un lien de sang qui fait les histoires humaines les plus incroyablement enrichissantes.

Chacun a sa manière de raconter son histoire personnelle et ce passé commun devient dès plus complexe quand la famille compte trois enfants, une fille aînée Marta qui se sacrifie pour tous les autres en s’oubliant elle-même, Gianni un bel ultrasensible et rêveur, Maria une jeune femme amoureuse plurielle et un père dominant Luigi qui perd peu à peu ses facultés et donc son autorité. Un portrait à l’italienne avec ses misères, ses joies, ses amours, ses peurs et ses délires en séries.

Le Docteur Christofolini évoque les désenchantements et les petites joies simples de la famille M, ainsi que les hommes qui l’entourent, orchestrant une tragicomédie où chacun peut exprimer son humanité et sa différence. comme le dit le Pitch, « Cette chronique familiale et touchante de Fausto Paravidino oscille habilement entre humour et drame, entre enfer et paradis ». La Vie quoi mais exprimée avec maestria grâce à cette écriture forte, aux talents des comédiens avec en tête Wally Bajeux (émouvante, magnifique et impressionnante, Darius de Sèvres (prodigieux, ultra crédible et brillant) et Syrus Shahidi (beau, juste, prenant et charismatique). Mention spéciale pour le comédien qui joue Fabrizio, le jeune Islem Sehili dont la jeunesse, la talent, la fraicheur et le dynamisme nous ont séduit.

On passe deux heures haletantes, sans jamais aucun ennui, ni lassitude. On assiste à un spectacle haut de gamme, haut en couleurs, en émotions. Certaines scènes comme celle de Marta et Gianni vous hérissent le poil, le final est lui aussi grandiose et tout du long on vibrent, on rit, on s’exalte, on se reconnait, on devient les spectateurs, les sociologues, les ethnologues d’une merveilleuse comédie humaine. On en ressort nourris, ébouriffés, malmenés dans le bon sens du terme. Wally Bajeux, du haut de son exigence, de son professionnalisme, de sa passion pour le théâtre, de son travail d’une incroyable densité, finesse, érudition et invention nous a scotché. On ne peut que faire une ovation à cette pièce vue en Showcase au théâtre du gymnase. En espérant la voir programmée très longtemps à Paris.
Bavissimo à Fausto et à toute l’équipe.

LA MALADIE DE LA FAMILLE M. de Fausto Paravidino. Mise en scène de Wally Bajeux.

avec Gianni : Syrus Shahidi, Marta : Wally Bajeux, Luigi : Darius De Sèvres, Maria : Charlotte moulin, Docteur Christofolini : René Carton, Fulvio : Nicolas MBaye, Fabrizio : Islem Sehili.
Création lumières : Rodolphe Hamel. Make up : Sara Briquet. Images : Antoine Lhonoré-Piquet. Construction et patine : Denis Surget.