Lettre ouverte de la SRF la Société des Réalisateurs de Films, à François Hollande et Manuel Valls

Lettre ouverte
03/06/2014
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre,

Le dernier accord national interprofessionnel relatif à l’indemnisation du chômage du 22 mars 2014 signé par le MEDEF/CGPME/UPA et la CFDT/CFTC/FO, est le prolongement redouté de celui de 2003. Il n’est donc pas adapté aux pratiques d’emploi discontinu.

Si les annexes 4, 8 et 10 ont été soi-disant maintenues, elles sont en effet vidées de leur sens. Les règles appliquées s’attaquent aux droits des salariés, artistes et techniciens, les plus précaires, et favorisent les plus aisés. La mise en oeuvre de cet accord aurait rapidement de lourdes conséquences sur le quotidien des plus fragiles, tous secteurs d’activités confondus. Nous ne pouvons pas croire qu’en ces temps de crise et de chômage massif, vous puissiez accepter de voir appliquer un système aussi inéquitable.

Comme vous le savez le "comité de suivi de l’intermittence", dont le ministre du Travail, François Rebsamen, a cosigné la tribune le 9 mars dernier, préconise un modèle plus juste et plus réaliste. Composé de syndicats de salariés et d’employeurs des secteurs du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel, d’associations professionnelles, de coordinations d’intermittents et de précaires, de parlementaires de gauche ou de droite, et d’universitaires de renom, ce comité a construit un projet de réforme cohérent et approprié :

- Annexe unique pour les artistes et techniciens
- Date anniversaire rétablie
- Droits ouverts à partir de 507 heures de travail en 12 mois avec indemnisation sur 12 mois
- Plafonnement du cumul salaires plus indemnités
- Prise en compte des congés maternité et maladie
- Prise en compte des heures d’enseignement et d’heures faites au régime général

Aussi extraordinaire que celui puisse paraître, ce projet qui constitue un vrai modèle alternatif de l’indemnisation du chômage des salariés à l’emploi intermittent, ce projet plus solidaire mais aussi plus économe, n’a pas été étudié par les partenaires sociaux.

C’est pourquoi, nous vous demandons solennellement, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, comme nous l’avions demandé à Jacques Chirac le 14 juillet 2003, jour de l’annulation du Festival d’Avignon, de ne pas agréer ce nouvel accord et de diligenter de nouvelles négociations dans des conditions réellement démocratiques, qui reposent sur le sens de l’intérêt général.

Malgré notre colère et notre obstination à nous battre pour une cause que nous savions juste, malgré le soutien de toute l’opposition, dont vous faisiez partie, et même de plusieurs députés UMP, nous n’avons pas été entendus par la droite en 2003 et 2004. Mais nous sommes en droit d’espérer l’être enfin par la gauche aujourd’hui, après dix ans de lutte. Ou sinon, c’est qu’il n’y a plus de gauche, c’est à dire plus d’espoir.

Les arts et la culture sont les meilleures armes contre les extrêmes. Ce sont d’ailleurs toujours eux qui font l’objet des premières attaques lorsque l’extrême-droite conquiert le moindre pouvoir où que ce soit. Affaiblir un peu plus les arts et la culture, en des heures aussi sombres, serait la pire et la plus tragique des erreurs politiques.

Comptant sur votre soutien, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, à l’assurance de notre haute considération.

Premiers signataires : Solveig Anspach, Stéphane Brizé, Laurent Cantet, Malik Chibane, Catherine Corsini, Bruno Dumont, Pascale Ferran, Tony Gatlif, Robert Guédiguian, Agnès Jaoui, Sam Karmann, Cédric Klapisch, Héléna Klotz, Sébastien Lifshitz, Anna Novion, Nicolas Philibert, Bruno Podalydès, Katell Quillévéré, Christophe Ruggia, Pierre Salvadori, Céline Sciamma…