L’Europe s’emploie à masquer ses résultats

L'Europe s'emploie à masquer ses résultats

L’Europe est certes une belle idée, mais quels sont ses résultats ? Dans la communication que les institutions font des actions qu’elles mènent, on a plus souvent droit à l’exposé des mesures prises, des moyens déployés (et ils sont gros), qu’à celui des résultats. Or ces résultats sont assez difficiles à trouver, et quand on les consulte, l’absence d’efficacité des moyens mis en œuvre apparaît au grand jour…

Soyons franc : c’est par des moyens détournés que le rapport d’évaluation du programme opérationnel pour le Fonds social européen est tombé sous mes yeux. Il est public, mais son accès est protégé sur Internet. Il rapporte les résultats que l’Union européenne obtient dans sa politique de l’emploi et présente une analyse effarante de l’efficacité des actions entreprises sur le territoire français, ce qui revêt un intérêt tout particulier à la veille d’un scrutin risquant de ne pas être suivi par grand monde, en particulier parmi les publics bénéficiaires de ce programme. C’est donc une occasion pour se demander si l’argent de l’Europe est utilisé à bon ou mauvais escient et s’il aurait pu être utilisé d’une meilleure façon sans l’intermédiation de ce programme européen. Parce que l’argent de l’Europe, c’est une partie des impôts qui sert de contribution pour le fonctionnement des institutions, et des politiques mises en œuvre en Europe. Cet argent a-t-il été dépensé ou investi de manière à améliorer la situation des gens ? De l’aveu même des rédacteurs du rapport, c’est loin d’être avéré.

Le Fonds social européen est un des moyens d’action les plus anciens des institutions européennes pour mettre en œuvre des politiques d’emploi. Il a investi 4,314 milliards d’euros en France entre 2007 et 2013 dans le but
d’adapter les travailleurs et les entreprises aux évolutions économiques ;
de favoriser le retour et le maintien dans l’emploi ;
d’intégrer les personnes défavorisées et lutter contre les discriminations ;
d’améliorer le système d’éducation et de formation ;
de promouvoir l’accès au marché du travail.

On pourrait légitimement se demander pourquoi les moyens déployés ont des résultats en deçà des objectifs fixés par les programmes. "Les acteurs de programme ont pour certains, beaucoup de difficultés à répondre aux objectifs qui avaient été fixés en début de programmation", rapportent les auteurs du document (page 9)… Sur 24 indicateurs de programme, 8 vont répondre aux objectifs fixés, tandis que les 16 autres sont en dessous des cibles initialement prévues. Le problème, c’est que les projets portés sont aussi évalués et choisis dans le cadre de ce programme, et les subventions sont distribuées après une série de démarches et un dossier en béton.
Les résultats en matière de retour dans l’emploi :

La situation est certainement très difficile, et la crise économique n’offre pas un contexte propice à la réussite des initiatives d’insertion. Mais si le Fonds social européen n’existait pas, les choses seraient-elles pires ? Son existence ne se caractérise pas par des exploits retentissants, et c’est peut-être pour cette raison qu’il n’est pas opportun de les diffuser : "Le taux de reclassement des salariés licenciés accompagnés dans le cadre d’un dispositif individuel ou collectif demeure éloigné de la cible avec une part de 24% depuis le début de la programmation, sans distinction entre les hommes et les femmes, constatent les rédacteurs du rapport d’évaluation. Après avoir progressé entre 2011 et 2012, il marque un recul de près de 13 points entre 2012 et 2013" (page 45). Souvenez-vous, les années 2011 et 2012 ont été marquées par une amélioration de la conjoncture, après la crise de 2009…

Les résultats dans l’aide aux publics défavorisés :

Si la situation économique est responsable du manque de résultats, on les trouvera certainement dans des actions plus ciblées. Pas vraiment en fait ! Puisque "Le nombre de personnes en situation de fragilité est en constante augmentation, et les opérateurs peinent à définir de nouvelles modalités de priorisation des publics" (page 18). On notera au passage la délicieuse logorrhée qui imprègne ce document au caractère parfaitement bureaucratique, et la volonté d’alléger le style pour faciliter sa lecture est tout aussi absente de l’esprit de ses rédacteurs. Alors qu’on connaît assez bien les publics prioritaires grâce aux différentes statistiques du chômage publiées par les instances nationales ou européennes (jeunes, seniors, non qualifiés…), les responsables des programmes n’arrivent plus à identifier les personnes en difficulté : "tous les publics se révélant potentiellement éligibles aux actions conduites dans le cadre du FSE".

Les résultats en matière de formation professionnelle :

Tant pis pour les générations perdues, on fera une Europe nouvelle avec les nouvelles générations. Mais "L’élévation du niveau de formation des participants, notamment en faveur des niveaux IV, ne s’est pas confirmé cette année" (page 14). Sauf dans une catégorie, les taux de participation aux programmes du Fonds social européen ont baissé par rapport à 2012 quel que soit le niveau de qualification :
- 0,3% pour les participants n’ayant pas dépassé le collège ;
+1% pour les participants au niveau du CAP/BEP ;
- 0,3% pour les participants au niveau du baccalauréat ;
- 0,1% pour les participants avec un niveau supérieur.

De meilleurs résultats en matière de trucage des chiffres :

Là, les données se révèlent un peu plus positives, et les actions financées par le Fonds social européen permettent une meilleure situation des gens à la sortie des programmes, mais pas nécessairement vers l’emploi ou la formation : "Si l’on constate une baisse des sorties positives par rapport à l’an passé, cet écart s’explique par les efforts consentis par les acteurs du programme pour limiter le recours à la catégorie Autres sorties positives" (page 23). On a au moins un résultat positif, mais avec la bureaucratie, on commence à être habitué à ce type de performances.

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