« Rusconi » c’est la révolution musicale du jazz !

« Rusconi » c'est la révolution musicale du jazz !

Ils m’ont scotchée, ces trois grands suisses ! En dehors de toutes les étiquettes, ils bruissent des sons qui mêlent claviers, instruments à cordes et batterie, aux voix claires Des morceaux tempêtes où souffle un courant de vie extralucide. Un fluide se déverse dans vos artères et vous voyagez à travers ce regard sur leur enfance. « History Sugar Dream » : un album qui va vous électriser et où vous allez puiser une renaissance de tous vos sens. Rusconi, tout le contraire de l’ennui !

Tout d’abord les trois garçons de Rusconi sont issus du label Bee Jazz (http://www.beejazz.com/) comme Magic Malik, André Minvielle, Daniel Humair et même l’ONJ de Daniel Yvinec « Around Robert Wyatt » que j’ai déjà chroniqué. C’est pour vous dire l’entrée des artistes de qualité et l’éclectisme de ce label ! Chloe Charles jeune femme prometteuse avec ses vocalises a signé elle aussi chez eux son premier album « Break the Balance » en janvier 2014.

Le jazz suisse dont est issu Rusconi, alors là vous me posez une colle forte !

Il y a bien le festival de Montreux qui à mon humble avis sonne trop creux le jazz. Il s’est acoquiné avec la musique commerciale et tous ses dérivés navrants avec têtes d’affiche de tous les bords pour racoler le chaland à ne pas se brûler le feu au lac.
Il y a néanmoins Erik Truffaz, natif de la banlieue de Genève qui a toujours su attirer toute mon attention. Il joue de la trompette en trompe l’oreille, tant ses sons ne s’enferment dans aucun carcan. Sa musique voyage en abandons hors des frontières admissibles et son style à lui seul incomparable s’inscrit dans des compositions si disparates qu’il éclot dans tous les registres du jazz vivant. Sa trompette numérique me cloue la chique. En 2012 Erik Truffaz était en phase avec Rusconi, ses homologues suisses, qui fêtèrent la Révolution sous les titres de leurs albums respectifs.

Chiche, je sais que les puristes vont me fiche dans les ratiches : Singette tu délires, tu oublies que l’Helvétie tri culturelle s’abreuve des pays limitrophes. «  Nos musiciens de jazz ont réussi à traverser les frontières intérieures du pays, plus difficiles à franchir que les frontières internationales. Tessinois, Alémaniques et Romands travaillent ainsi en parfaite harmonie  » dixit Arnaud Robert qui s’y connait !

En tout cas Rusconi tourne plus en Suisse allemande et en Allemagne du fait de son origine zurichoise, que par chez nous pays de franchouille. A mon grand désarroi de voir fuir mon rêve d’aller les applaudir un jour et leur serrer la pogne, tant je suis enchantés de les avoir découverts avec ce nouvel album « History Sugar Dream ».

Vous me connaissez je suis difficile. Désolée pour les services de presse qui s’arrachent les toisons pubiennes à vouloir m’envoyer pléthore galettes, que je rejette du fait de mon éthique particulière : je ne chronique que ce que j’aime. Je n’ai pas envie de me faire chier et dire du mal d’artistes qui ont marné pour créer mais qui n’ont pas su me capter les tripes à vouloir les soutenir.

Au départ, avec Rusconi, ce n’était pas gagné d’avance. D’autant qu’à l’écoute du premier titre qui portait bien son nom « Finally », j’ai failli rebrousser chemin, puisque la mélodie gentillette à la guitare et la voix me rappelaient de mauvais souvenirs autour des Pink Floyd dont ils se réclament, mais fort heureusement pour moi pas seulement. Puisque Miles Davis, Can, Richard Strauss, Paul Bley, Sonic Youth, parmi ceux qu’ils citent et qui donnent un écho à mes esgourdes fragiles ont aussi droit au chapitre. Éclectique, ces gars-là, à peine ! Vous en conviendrez. De mon côté je leur ai trouvé encore d’autres similitudes….
Je suis tombée en amour pour « Mediation »

Cette version courte en studio vous donne un aperçu de ce qu’ils sont capables de concocter. Un simple trio, non mais c’est dingue. Comment ils s’arrangent de la mélodie que soutient la rythmique de la batterie carrément désarticulée par la guitare qui sature presque avec le piano revisité dans un toucher bien frappé ! Du grand art !
Rusconi est un trio suisse composé de Stefan Rusconi (Piano, Space Echo, choeurs), Fabian Gisler (Contrebasse, distorsion & feedback, choeurs) et Claudio Strüby (Batterie, tape & glockenspiel, choeurs). Un doux mélange mélodique aux accents d’improvisations, d’électronique… Trois chics types très jeunes en plus, tant mieux, ce qui promet !
Difficile de leur coller une étiquette jazz. Tant ils mélangent les genres et s’en accommodent sans aucun complexe. J’adore leur liberté si rare de nos jours.

Autre exemple frappant : « Change part One »

Franchement ces trois génies (et le mot n’est pas assez fort), m’ont bluffée ! Je n’en croyais pas mes oreilles. J’ai fermé les yeux et je me serais presque crue dans un morceau de ce très cher Robert Wyatt, par les intonations de la voix, mais aussi dans la richesse de la recherche musicale. Admirez le guitariste qui joue de l’archet sur son manche et la mélodie à me déchirer des spasmes de jouissances bien réelles ! Ca faisait un baille que ça ne m’était pas arrivée ! Que des musiciens m’avaient touchée le point sensible au fond de mes tripes avec leurs instruments et de telles compositions. Un grand merci.

Je pourrai continuer encore longtemps à les encenser. J’y ai aussi entendu du Avishai Cohen dans « « The return of the cookies » et ce mariage cosmique entre le punch de la basse qui baise avec le piano et la batterie qui compte les coups.
Et comme si leur arc musical ne leur suffisait pas, ils allient leurs talents dans la composition et le tournage de leurs propres clips. L’art total au même titre que les artistes expressionnistes de « Die Brücke » (Le Pont) qui jetaient des passerelles entre toutes les expressions il y a déjà plus d’un siècle !

Encore plus fou, j’ai remarqué sur leur site qu’ils avaient joué de concert très récemment avec Fred Frith, le guitariste déjanté, chercheur musical et révolté de Henry Cow, groupe de rock progressif inclassable à la marge du jazz, avec la voix de Dagmar Krause frangine teutonne dans les années 70. Quand deux générations de musiciens aux consonances baroques se rencontrent, j’imagine à peine l’effet bombe musicale qu’ils peuvent produire. Je vous livre leur clip maison.

Avec, au compteur plus de 300 concerts depuis qu’ils ont touché du bois la scène zurichoise. Ils célèbrent avec « History Sugar Dream  » un vis-à-vis d’aventure sur leur jeunesse. « Cet album est un regard sur notre enfance. (…) Le temps où les rêves et les espoirs, la fantaisie et l’illusion étaient encore des réalités. L’époque où le jeu était sans contrainte et où l’expérimentation régnait ».

C’est la mise en orbite d’un album maturé avec toutes les composantes de l’enfance pour éclore un ovni du jazz puissant. Ils dégagent une telle énergie et en même temps du sang froid. Ce mélange de caractère explore les arcanes d’une musicalité à fleur de peau. Ils vivent leur musique et aiment à l’offrir en partage. Leur musique c’est des purs moments de plaisirs. Merci encore et vivement qu’enfin les scènes puritaines du jazz franchouillard vous ouvrent leurs horizons à nu !

Ils seront le 31 mai au Festival de l’Histoire de l’Art à Paris, ne les manquez pas sous aucun prétexte.

10 plages musicales hétéroclites et magiques se fondent dans cette galette qui ne peut pas vous laisser de marbre !

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Rusconi : History Sugar Dream, chez Bee Jazz, avril 2014