DESSINATEURS DE PRESSE : entretiens avec des gauchos

DESSINATEURS DE PRESSE : entretiens avec des gauchos

Le dessin de presse est sur quoi on se précipite en premier à la lecture d’un journal : en Une ou à l’intérieur, c’est là que l’œil du lecteur se porte en premier, dans cette espace réduit incrusté dans l’article, tel une synthèse de plusieurs lignes sur une actualité internationale. Mais comment se déroule la création de ce dessin, qui sont ces hommes au crayon impertinents ?!

Numa Sadoul nous fait découvrir par interview, les petits dessous, les sentiments, les interrogations d’un dessinateur de presse. Il fait passer des entretiens à Cabu, Charb, Luz, Pétillon, Siné, le belge Kroll, le grand prix d’angoulême 2013 : le hollandais Willem, et Wolinski. Ceux ci dévoilent quelques coulissent, l’après publication d’un dessin jusqu’à des plaintes en justice.

Au grès des interview de Sadoul, le point commun qui ressort est l’affaire « Siné vs Charlie Hebdo ». On est parti pour un tour d’horizon d’un conflit fini, éloigné dans le temps, Siné a créée son propre mensuel. Cabu balance Siné, Charb et Luz ne se prononcent plus, parfois ils lisent Siné Hebdo ...mais ça n’ira pas plus loin. C’est la partie très inutile de ces interviews. Surtout quand certains n’étaient même pas présents. La question devient inutile.

Le parcours de ces dessinateurs restent un peu similaire, si ce n’est plus pour le plus « ancien » ; Siné a dessiné pour «  VOGUE », et surtout il doit ses débuts à son livre sur les chats ! Ils se sont beaucoup suivit par l’intermédiaire du légendaire Cavanna.

Certains passent par la télévision, comme Cabu ( RécréA2 sur Antenne 2 – France 2 de l’époque), Wolinski l’a fait sur Canal+ avec « Scoupette »( la journaliste avec une petite culotte), et Krolll pour la tv Belge ( mais supprimé depuis, y compris à la radio). Souvenez vous de PIEM, avec sa pipe légendaire et le sous-pull ( légendaire tenue du dessinateur de gauche) dans « Le Petit Rapporteur ». L’ idée de reprendre des dessinateurs de presse en direct dans une émission de TV « politique »n’est plus à l’ordre du jour. La peur du dessin de presse à la télévision s’est installée depuis celui passé dans « Droit de Réponse » de Michel Polac ; une attaque plus ou moins directe à Bouygues et un pont. Vous pouvez toutefois en retrouver dans l’émission satirique « la Revue de Presse » sur Paris Première avec Deligne et Alex ,voir rarement dans une émission où le dessinateur invité pour le croquis d’actualité traditionnel.

Le dessinateur de presse attend par courrier ou e-mail des articles : Pétillon et Willem faxent leurs illustrations, d’autres les font sur place à la rédaction comme Cabu, Charb, Luz . Les réunions de rédactions sont peu fréquenté, il y en a une à deux par semaine au sein de Charlie Hebdo, mais les dessinateurs ne marquent pas particulièrement leurs présences. Pour les tarifs, voyez l’évolution depuis les débuts de Siné et Cabu où le prix du dessin permettait de payer tout juste le loyer, jusqu’à aujourd’hui où le prix peut varier entre 120 et 300 euros (couleur ou noir et blanc)

La presse satirique connaît un nouveau virage. Cabu, Charb et Luz parlent de celui de Charlie Hebdo, sous la direction de Philippe Val, où les dessins étaient un peu plus regardé de près , refusés, refaits même, changer un texte, un mot, afin d’éviter un maximum de procès ( un point qui est soulevé sur l’éviction de Siné du journal satirique fondé par Choron ) Luz a pourtant gagné ses procès suite aux multiples plaintes du couple de Vitrolles : les Megret (les Megrets gèrent la ville ). rentre ! Non, il sors ! Non, il Rentre ! Il Sors ».

La censure, ils s’en moquent pas mal. Ils ne sont jamais présents aux différents procès, laissant faire les avocats des divers journaux : Libération, Charlie Hebdo, ou le Canard Enchaînés. Les plaintes deviennent de plus en plus en absurdes au fil des années,surtout celles déposées par les politiques. Aujourd’hui la pression semble trop forte, la caricature est de plus en plus mal acceptée, il difficile d’échapper à la case Palais de Justice.
Rares son les regrets pour un dessin réussit ou raté.

Point abordé : le passage du dessin dans le journal à celui la bande dessinée. Cabu l’a fait sur une courte période dans Pilote, avec le très grand DUDUCHE (intégrale édité chez Vents d’Ouest , un énorme pavé de 4kg ).L’idée de reprendre ce grand lycéen amoureux de la fille du proviseur, au destin à deux voix : le chômage et l’armée, n’est pas à l’ordre du jour.
Charb a eu un succès avec Maurice et Patapon.
Pétillon y est venu par hasard. Jack Palmer est sorti d’un de ses dessin pour le Canard Enchaîné. Les premiers strips sont passés dans les pages de VSD. L’exercice a plu à l’auteur.Il a développé la série avec des titres aussi reconnus que « L’enquête Corse » adapté au cinéma.

Au fil de ses interviews, Numa Sadoul arrive à relever ce point de la nouvelle censure, le virage du dessin de presse, moins « satirique », éviter le maximum de procès. Charlie Hebdo le fait dans sa rédaction depuis Philippe Val, jusqu’à ce jour avec Charb à la direction du journal. Siné ne s’interdit rien dans Siné Hebdo, et les procès ne semble pas l’effrayer. Les dessinateurs ne sont pas journalistes, ils se basent sur les articles, sur le JT à la télévision, la radio. Le dessin est une synthèse, une idée première. C’est l’œil qui est attiré par cette case noir et blanc, ou couleur au milieu de la page avant d’attaquer la lecture de l’article. Le style aussi évolue, Cabu le remarque très bien : on ne ferme plus les traits, il n’y a plus de décors en arrière plan, ça devient une mise en scène de bistrot, deux gars parlent dans le vide, appuyés sur un trait, même pas le plaisir de dessiner le comptoir du bar.
Ce que je peux reprocher à Sadoul, c’est son côté « copinage » et « pub » à Charlie Hebdo et Siné Hebdo. Il n’a pas poussé plus loin que la France pour ses interviews de « dessinateurs de presse ». Il aurait pu pousser au Danemark avec Ville Ranta dont sa planche sur « Mahomet » avait été retiré d’un site de journal danois : Ville s’était dessiné en demandant, en réclamant en brûlant même le drapeau américain , à Mahomet de bien vouloir le laisser le caricaturer. Ce dessinateur australien qui a eu un procès contre Moulinsart S.A pour un politique local coiffé et habillé du haut comme Tintin. Et à Monaco, où le rédacteur en chef d’un journal satarique a séjourné en prison pour avoir affûté le Prince Albert d’un nez de clown. Aux USA la une du New Yorker signée Barry Blitt a fait l’effet d’une bombe pendant l’élection présidentielle américaine : le couple Obama dans le bureau ovale déguisés en moudjahidin, le drapeau étoilé prenant feu dans le cheminée avec au dessus le portrait de Ben Laden. Aucune allusion au syrien Ali Ferzat : kidnappé par la milice et laissé pour moi après un passage à tabac, les doigts brisés. À ce jour Ali peut à peine tenir un crayon en main.

L’échantillon est trop petit. Si le mot « Dessinateurs » est au pluriel, Sadoul a manqué de voyager dans le monde, en Europe et hors Europe pour interviewer d’autres talents du dessin du presse. On aurait pu voir la différence entre une couverture de Charlie Hebdo et du New Yorker, et confronter la méthode du choix de la Une entre Charb et Françoise Mouly la directrice artistique du journal d’information et de culture états unienne.

Sadoul se contente de tourner autour de la fausse guerre entre Charlie Hebdo vs Siné Hebdo. Il cherche le clash qui n’apparaît nulle-part, juste des points de vues qui varient, des dessinateurs qui ne sont au courant de rien.

Un point essentiel et commun surgit entre tous les dessinateurs de presse, de Cabu à Wolinski : le dessinateur de presse est forcément de Gauche ! Ceux de droites étaient là lors du régime de Vichy avec un panel de dessins « antisémites ». Il faudra remonter à Jacques Faizant pour un dessinateur de « droite ». Aujourd’hui, en 2014, un nouveau dessinateur de « droite » apparaît : inspiré par ce « gaucho » de Joann Sfar via son compte instagram ( et le livre chez Dargaud : NORMAL) : Jean Sarkozy ! ( si ce type n’a pas le Grand Prix d’Angoulême en 2015 … ! ) Depuis sa page Facebook, il a déposé en digne héritier de la satire politique, ses nombreuses caricatures. Il ne lui manque plus qu’un procès, comme ses confrères de « gauche » !

Ce livre méritait de voir plus loin ; C’est une forme de bilan avec une petite vision du dessin de presse de nos jours en 2014. A moins d’être lecteur assidue de ces journaux satirique, rien de très croustillant n’est dévoilé. Quelques anecdotes fourmillent, mais il faut vraiment les chercher au fil des questions.
Ne nous inquiétons pas trop, le dessinateur de presse est toujours aussi libre depuis l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui.

DESSINATEURS DE PRESSE / Entretiens par NUMA SADOUL ( avec Cabu, Charb, Kroll , Luz, Pétillon, Siné, Willem et Wolinski ) / Glénat