Coffret Robbe-Grillet : 9 DVD fantasmagoriques au soufre sensuel intemporel ! (2)

Coffret Robbe-Grillet : 9 DVD fantasmagoriques au soufre sensuel intemporel ! (2)

Alain Robbe-Grillet (1922 / 2008) fut consacré très jeune Pape du nouveau roman. Devenu cinéaste, il fut aussi jeté en pâture par les puritains et autres calotins immatures. Ils vouaient une haine mortifère à ce créateur, qui se proclamait vivre libre la mise en scène de ses fantasmes dans son cinéma de littérateur. Homme qui aimait les humeurs féminines, la peau feutrée de ses jeunes actrices lui inspira des voyages voluptueux à travers l’Europe. Un public cultivé comme lui appréciera cet élan d’allégresse dans ses créations oniriques et charnelles à transgresser les tabous. Ce coffret 9 DVD chez Carlotta Films représente l’œuvre intégrale de Robbe-Grillet, qui a toujours voulu repousser les murs des normes et dire merde à la censure. Quatre de ces films ressortent également au cinéma.

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La Belle Captive (Drame, 1983, 85 minutes, Couleurs) Gabrielle Lazure rayonne littéralement de sa présence envoûtante sous ses tenues en drapés transparents, dont elle nous emprisonne de son charme certain. Catherine Robbe-Grillet souligne d’ailleurs qu’elle en faisait peut-être un peu trop sous ses faux airs d’exhibitionniste. L’autre héros se situe rue Gounod à Saint-Cloud, sous l’effigie d’une villa qui inspira aussi Jacques Rivette à fiche en l’air L’Amour par terre. Villa dévastée, à l’abandon, territoire rêvé pour un cinéaste fantasmagorique.
Daniel Mesguich en Walter, agent d’une police parallèle obéit à sa supérieure hiérarchique Sara Zeitgeist (Cyrielle Claire qui ne craint jamais personne en Harley Davidson la peau moulée à son cuir double peau). Il reçoit l’ordre de remettre un message à un homme qui a un nom comme un trombone surmonté d’une particule. En chemin, il se détourne de sa mission. Tombe raide dingue en coup de cœur très physique pour la belle Gabrielle. Celle-ci disparait de sa vision nocturne pour rééditer sa présence à terre gisante et blessée sur la chaussée. Il lui porte secours. Ils pénètrent dans une étrange demeure…
On retrouve la thématique du fantôme, comme dans Immortelle où un homme succombe à une femme dont un Docteur Mabuse prescrit dans sa logorrhée abrupte : «  La plupart des gens que vous croisez dans la rue sont des morts  ». Et quand en plus la Gabrielle apprécie s’abreuver au cou de ses victimes… C’est un cauchemar vivant qui morfond Walter. Alors gaffe à la gaffe. «  L’ange de la mort, personne ne peut savoir à l’avance quel visage il aura. Et quand il apparait pour la première fois, personne ne peut le reconnaitre. C’est un visage aussi bien doux que tendre. Lorsqu’il découvre soudain ce qui se cache derrière, il est trop tard. »
Robbe-Grillet vénère aussi se perdre dans les labyrinthes de tableaux. Magritte et Manet fondent la pellicule à l’écran dans un sursaut créatif de génie.
« Magritte a peint cinq ou six toiles sous le titre La Belle Captive, avec l’autorisation de sa veuve, j’ai imaginé une septième variante, où l’on retrouve les éléments essentiels de l’original. (…) Derrière le monde visible, il y un autre, qui ressemble exactement au nôtre mais qui est faux ; et tous nos actes ont leur double dans ce monde-là  ».

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C’est Gravida qui vous appelle (Drame, 2006, 116 minutes) John Locke n’est pas le philosophe de l’entendement humain que l’on sait, mais le blaze du personnage principal du film et critique d’art anglais. James Wilby au demeurant charmant garçon qui l’interprète vient s’installer à la périphérie de Marrakech pour se plonger dans la peinture orientaliste et l’œuvre de Delacroix. Il fantasme sur des esquisses du grand maître dans l’aventure de ses recherches. Durant ses déplacements en moto, il croise la présence éthérée et très féminine d’une blonde flamboyante : Arielle Dombasle parfaite pour le rôle en impudique spectre qui hante le présent pour absoudre son passé tragique. Elle lui déride les sens à se plonger dans sa vie tumultueuse. De crime en pire, il remonte la piste jusqu’à un cabaret clandestin où se jouent des scènes turco-sadiques avec la présence fatidique Arielle qui s’illustre encore. « Il y a trop longtemps hélas que mon corps n’éprouve plus le chaud ni le froid. Ce costume est désormais le mien pour l’éternité. Il a été celui de mon dernier supplice  ».
Et la nouvelle Arielle actuelle qui jacte : « Je suis comédienne de rêve. Je joue dans les rêves des gens de façon toute naturelle. Le monde des rêves est aussi réel que celui de la vie éveillée  » (Pince-moi Arielle si je rêve !)
Dans ce film, Robbe-Grillet introduit par des petits flashs ses films antérieurs. Au seuil de sa mort, il s’éclate au paroxysme de son cinéma, à déchainer tous ses fantasmes, toujours dans un extrême souci d’esthétisme troublant, sur des airs à l’écran de Madame Butterfly de Puccini.
Clin d’œil à nouveau également à la peinture et ses couleurs dans le caractère de ses personnages mis à nu et des paysages. «  En 1882, Eugène Delacroix voyage en Afrique du Nord. Là-bas, il produit huit carnets d’esquisses qui sont comme les prémices de ce grand mouvement qu’on appellera ensuite « L’Orientalisme ». Or, de ces huit albums, seuls six sont parvenus jusqu’à nous, deux ont été perdus  ».

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En conclusion, après ma découverte saisissante, je tenais à rendre un hommage appuyé à son œuvre cinématographique qui vaut vraiment le détour. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le cinéma de Robbe-Grillet par Robbe-Grillet lui-même, comme un sursaut de liberté de créer.
« Ce qu’il faut, ce n’est pas fermer les yeux sur ses fantasmes, ni prétendre guérir les gens de leur vie imaginaire – ce serait à la fois illusoire et néfaste – mais leur apprendre à dominer ces images qu’ils créent spontanément et que la société se charge à leur insu d’alimenter. (…) Je vois dans la condamnation dont on m’accable souvent un bel exemple de puritanisme : la censure inconsciente du plaisir est sans aucune doute une des tares bourgeoises, qu’elle se dise ou non révolutionnaire  ».

Coffret Robbe-Grillet, 9 DVD, sortie le 6 novembre 2013, 79,99 euros, distribué par Carlotta Films, nouveaux masters restaurés

Suppléments, 8 préfaces de Catherine Robbe-Grillet, 7 entretiens avec Alain Robbe-Grillet par Frédéric Tadeï, 8 bandes annonces, Le livre Somme de 132 pages « Alain Robbe-Grillet, le voyageur du Nouveau roman » (chronologie illustrée 1922 / 2008, la reproduction du livret « Transes » issu du film « Trans-Europ-Express »

Rétrospective Alain Robbe-Grillet au cinéma, quatre films : Trans-Europ-Express, L’homme qui ment, L’Eden et après, Glissements progressifs du plaisir

http://www.carlottavod.com/film-776-retrospective-alain-robbe-grillet.html