LE BLEU EST UNE COULEUR CHAUDE : bleu sentimental.

LE BLEU EST UNE COULEUR CHAUDE : bleu sentimental.

Clémentine entre au lycée, elle a 15 ans. Elle commence à avoir des doutes sur sa sexualité depuis qu’elle a croisé en traversant la rue une fille à la chevelure bleue. Cette couleur sera aussi celle de ses journaux intimes, là où il fait plus chaud, où on se sent bien, l’amour est décrit comme immortel. Rien n’est simple même quand une fille aime une fille. Sensibilité, fragilité, et désordre sentimental sont le fond d’une couleur : le bleu.

Prix du public au Festival International d’Angoulême, triple Palme d’Or à Cannes pour son adaptation au cinéma par Abdellatif Kechiche, une nouvelle édition s’imposait suite au succès palmé. Et au moins, Julie Maroh aura moins fait souffrir crayons, pinceaux et plumes pour dessiner l’émotion graphique de cette relation profonde et intense entre Clémentine et Emma.

Le lycée à 15 ans : Clémentine est un petit cercle d’amis encore un peu plus proche par rapport au collège. Le sujet de conversation qui revient le plus ne porte pas sur le dernier cours de maths. Les copines parlent des garçons ! Thomas, un élève de terminale semble plaire à Clémentine. Mais elle croise une fille aux cheveux bleu, une nuit à la fantasmer , Clem’ se sent perturbée. Aucune personne à qui se confier. Être « gouine » n’est pas du goût de ses copines de lycée. Alors comment le dire ?comment le vivre ?
Clémentine rencontre à nouveau la fille aux cheveux bleu, elle lui colle un prénom : Emma. Artiste dans l’âme, lesbienne affirmée. L’amour naît, mais au fil des mois, des années, il va être mis à l’épreuve du doute, de la tromperie, la rupture, la maladie.

C’est l’adolescence en plein doute. « Je suis une fille. « Une fille ça sort avec des garçons » écrit Clémentine l’adolescente de 15 ans, lycéenne. Elle n’est plus à l’aise depuis sa rencontre avec Emma, objet d’un rêve, un fantasme « trop tordu » pour le raconter à ses amies. Elle ne comprend pas ce sentiment, cette attirance pour Emma. Valentin, son ami homosexuel est son nouveau souffle, il l’entraîne dans un bar gay, et d’autres sorties en dehors du carcan de l’école, où les moqueries homophobes inconscientes font la peur de Clémentine. Elle retrouve Emma, le bonheur peut enfin commencer, avec la première relation sexuelle.

Les parents de la jeune étudiante littéraire, sont entre un comportement direct et franc du collier pour le père : colérique, raciste, prêt à lancer les pires injures assassines, il n’y a pas de fleur au bout du fusil. La mère est à la fois effacée, une colère à chaud, mais le recul fait l’acceptation de l’homosexualité de sa fille. La jeune femme sera mise à la rue, son père sera loin de lui adresser à nouveau la parole.

La relation entre les deux femmes est tourmentée. Entre l’ex-copine de Emma, la peur et l’incompréhension de Clémentine sur son homosexualité. L’amour va passer du bonheur au drame, aux pleurs, à la mort.

Le Bleu est une couleur chaude, celle qui amène d’un point de vue « scientifique et astronomique » par rapport au rayon du soleil, le halo. C’est celle de cette vie cachée de Clémentine à travers les pages de ses journaux intimes aux multiples bleus. Ce sont les cheveux et des mains d’Emma. C’est le Bleu d’un froid mis au noir., les mots de la chanson de Christophe ou le rêve de Aladin et Jasmine dans le long métrage animé de Disney, un couple cachés comme celui dessiné par Julie Maroh.

Julie Maroh choisit le noir et blanc, avec ses teintes de noir d’un pinceau lavis plus ou moins mouillé, et nous offre une belle maîtrise de cette technique. Et pour apporter une chaleur plus visible à travers le bleu de la chevelure d’Emma. Un sentiment piège qui n’est pas très éloignée du bleu de Jill Biokops (la Femme Piège - la trilogie Nikopol de Enki Bilal).C’est une démarcation éphémère. Le couple se distingue dans la foule, mais au fil des mois, des années, Emma et Clémentine vont se fondre dans la vie, une vie normale.
Le trait est tremblant, Julie cherche à créer le détail par un coup de plume léger, elle cherche le petit détail dans les émotions de ces personnages, en gros plan dans une case parfois trop petite, Elle ajuste le sombre pour une lumière tout juste présente dans les moments les plus dramatiques, des noirs distincts, de la hachure à la volée sur une page pleine. Julie Maroh laisse le silence s’exprimer, elle n’use pas des onomatopées pour illustrer un bruit violent, une porte qui claque.
La mise en scène est variée sur le découpage, elle n’a pas chercher un code particulier à la Bande dessinée. Elle laisse beaucoup de blanc sur certaines pages, pour finir un chapitre, un instant de relation.

Cette bande dessinée est une forme de réponse à une interrogation un bout de chemin pour comprendre la difficulté face à une sexualité considérée comme « tordue » dans les couloirs d’un lycée. Le hors-norme. C’est l’intention d’une relation amoureuse aussi forte et violente que celle vécue par Roméo et Juliette. Le rideau de fin en est presque identique.
Il existe des moyens de s’épanouir, de trouver la bonne personne pour en parler. C’est un message aux parents, pour qu’ils puissent mieux approcher et accepter les attirances de leurs enfants, sans heurts, sans rejet.

« Le Bleu est une couleur chaude » ne pouvait pas éviter une nouvelle édition pour la sortie du film. Pas vraiment de nouvelle couverture, à part un couvre-livre pour mettre en avant l’adaptation de Kechiche avec l’affiche. Bleu sera aussi la teinte des pages intérieures , celui d’un journal intime de Clémentine.
Dommage de ne pas en avoir plus, une édition plus fournie, avec des croquis, des études de personnages, du scénario... Peut-être dans les bonus d’un DVD-Blue Ray du film , avec une nouvelle édition, avec pourquoi pas plus d’interactivité, la « seconde lecture » numérique ?!
Le froid arrive, prenez du bleu, c’est une couleur chaude.

Ps : pinceaux, crayons, plumes, papier n’ont pas subit de maltraitances pendant la réalisation de ce roman graphique.

Le Bleu est une couleur chaude / Julie Maroh (scénario et dessin ) / Glénat.

La Vie d’Adèle - de Abedllatif Kéchiche - actuellement dans les salles