Le Mague : On ne nait pas skipper, on le devient, pas vrai Florent ? Et pour toi, comment tout a commencé cet amour immodéré pour la mer Méditerranée ? Tu sais comme dans la chanson de Tino le Roussi et quelle est ta formation ?

Florent : Je ne commencerai pas par la mer Méditerranée mais par la mer simplement. Je suis tombé dedans il y a quelques années quand je partais en vacances en Bretagne. Moi le petit parigot, c’est venu comme ça. C’est viscéral pour moi. J’ai dû aller retravailler deux ans à Paris loin de la mer et ça été une horreur. J’avais besoin de cette mer. Je me suis retrouvé par hasard à Marseille, une ville où je ne voulais pas aller et je me suis régalé. J’ai découvert la mer Méditerranée. J’y suis et j’ai bien l’attention d’y rester. Quand on voit des paysages à vous couper le souffle… ! Sinon, j’ai une formation d’officier de marine marchande. Depuis que j’ai commencé à travailler en 1993, mon premier job, c’était déjà sur un bateau.

Le Mague : Tu es naturiste, quelle compatibilité existe-t-il entre le métier de skipper et le fait de voguer nu sur son bateau ?

Florent : La compatibilité, c’est un lien avec la nature. On peut naviguer nu jusqu’à certaines conditions météos. Le fait de ressentir, d’être en contact permanent avec la nature, on est obligés d’être en symbiose avec la nature. Quand on est sur l’eau, on prend en compte la nature. On ne doit jamais essayer de dominer, c’est elle qui gagnera. Pour moi être naturiste, c’est ce lien avec la nature qui est représenté par la nudité mais qui ne représente pas le facteur essentiel.

Le Mague : Tu es tombé quand, à quel âge et dans quelles circonstances dans la découverte du naturisme ?

Florent : Je faisais du nudisme avec mes parents. Puis j’ai abandonné ce qui ressemblait de près ou de loin au naturisme. Voir plus, puisque pendant 15 ans je n’ai pas mis les pieds sur une plage. En arrivant sur Marseille, je me suis promené sur les rochers de Cassis. J’ai vu des gens qui prenaient le soleil tout nu et paraissaient assez épanouis. Je me suis dit pourquoi pas moi. Du coup, j’ai découvert la philosophie naturiste. Je l’ai complètement embrassée au point d’en faire un élément essentiel de mon activité professionnelle.

Le Mague : Croisière-Med, ça sonne comme Club Med, mais ça concerne une toute autre pratique. Tu peux nous raconter brièvement en quoi ça consiste ?

Florent : Comme t’as pu le constater chère Singette, ici ce n’est pas le Club Med ! T’es obligée de faire la vaisselle. C’est permettre la découverte des croisières en Méditerranée. Pour se faire, le meilleur moyen c’est de le vivre en tenue de peau. Croisière Med, c’est aussi un moment où mes passagers deviennent mon équipage et partagent ma passion.

Le Mague : Je sais que tu proposes une bibliothèque de bord pour nourrir l’esprit. Tu sais aussi nourrir les corps au naturel de tes passagers. Pourquoi ce choix d’une nourriture bio précisément sur ton bateau ?

Florent : J’ai effectivement une bibliothèque avec notamment des livres qui sont présents en permanence. De grands voyageurs marins, tels Moitessier et Hemingway… Et puis Bernard Morin, il faut que je te le fasse découvrir. C’est fantastique ! C’est une belle histoire d’humilité. Et pourquoi le bio, parce que j’ai la conviction que les pesticides sont nocifs pour la santé. Et moi personnellement, je me nourris de 99 % de bio. Je ne vois pas pourquoi je proposerai autre chose à mes passagers. Ça fait aussi partie de mon engagement en tant qu’éco marin. Si on mange bio, on n’a moins d’impact sur la planète, puisqu’on utilise moins de mécanisation et aussi forcément moins de pesticides.

(A propos de Bernard Morin, en guise de réponse aux personnes qui lui souhaitaient bon courage dans sa démarche) il écrit : « Partir de chez soi dans un petit matin glacé pour affronter sept à huit heures d’un travail pas toujours passionnant, ça c’est du courage. Mais passer comme je l’ai fait quatorze puis vingt-huit jours en mer, le plus souvent tout nu au soleil dans un petit domaine flottant que l’on aime et qui vous rassure puisque l’on en connait le moindre recoin, vivre sans aucune autre contrainte que celle de faire marcher au mieux son bateau, franchement, où est le courage ? Je ne vois pas ». In Bernard Morin : « L’Atlantique en père peinard, éditions L’Ancre de Marine, 2008, page 244.

Le Mague : Je sais pour l’avoir plusieurs fois vécu, qu’il n’est pas toujours aisé de vivre à plusieurs dans l’espace restreint d’un voilier. D’autant pour moi Singette qui apprivoise facilement ce nouveau terrain de jeu pour m’éclater telle Chitah dans le mat et Tarzone la banane avec les cordes…. Quelles sont selon toi les qualités humaines et d’empathie pour son prochain à développer pour exercer le métier de skipper ?

Florent : Je pense qu’il faut de l’humilité, de l’écoute. Il faut être attentif aux autres, en dehors des compétences techniques importantes qui se développent tous les jours.

Le Mague : Tu es basé à Marseille, pourquoi le choix précisément de cette ville ?

Florent : C’est un hasard comme je l’ai déjà dit. En 2007, j’ai débarqué du train Paris Marseille Je n’ai pas eu le courage de remonter (rires). Je suis tombé amoureux de la région. C’est aussi pourquoi j’ai envie de la faire découvrir.

Le Mague : En fonction de la durée des croisières que tu proposes, quel est ton bassin de navigation ?

Florent : En juillet et août, on navigue essentiellement de Marseille et au mieux jusqu’à l’île du Levant, ensuite la Corse et pourquoi pas les Baléares. J’y réfléchis pour l’année prochaine.

Le Mague : Tu peux nous parler de ton voilier, en nous précisant ses qualités et ses défauts ?

Florent : Ses qualités, c’est un bon marin, qui est confortable, facilement manœuvrable et qui est lent (rires). C’est son principal défaut. C’est un très bon voilier.

Le Mague : Tu peux accueillir à la fois un public textile ou naturiste, mais sans jamais opérer le mélange des genres sur ton voilier. Quelle est la spécificité justement de tes passagers naturistes ?

Florent : Oui j’accueille des textiles, mais c’est minoritaire. Je dirai que la différence entre les deux, c’est qu’on rentre plus facilement dans le domaine de l’intimité et de l’amitié lors de croisières naturistes que lors de croisières textiles. L’alchimie qui se crée dans les relations se réalise plus facilement dans le cadre de relations naturistes. C’est assez flagrant.

Le Mague : Je sais que tu es membre d’une association naturiste à Marseille, tu peux nous en parler et nous indiquer vos activités ?

Florent : L’association naturiste phocéenne : http://www.naturistes-phoceens.fr/ qu’on a créé en mars 2011. Nos activités sont très variées puisqu’on organise des sorties plage mais aussi avec Croisière-Med, des randonues, hammam l’hiver, piscine, visite des centres naturistes. On essaie d’organiser des actions militantes pour regagner des plages naturistes. Un gros travail a été effectué en amont par Bruno dans le parc des calanques qu’il a continué au nom de l’association. Ce qui fait qu’aujourd’hui on est devenus une association reconnue. Du coup ça légitime nos activités naturistes dans le domaine du parc national et puis ça montre aussi que les naturistes ne sont pas seulement des gens qui se mettent à poil mais qu’ils ont aussi une conscience et qu’on peut agir sur des axes qui n’ont rien à voir avec le naturisme, même si ça parle de nature et d’environnement.

Le Mague : Qu’est-ce que le naturisme peut apporter et quels conseils donnerais-tu à une personne qui voudrait découvrir cette pratique ?

Florent : Ça peut permettre de s’accepter tel que l’on est. Ça permet de quitter le monde de l’image dans lequel on évolue. Ça permet d’accepter son corps avec ses qualités et ses défauts. On en a tous. Je conseille à une personne qui n’est pas naturiste de tomber le maillot, car son port ne fait qu’entrainer des complexes.

Le Mague : Comment perçois-tu les différentes composantes du naturisme actuel et son avenir ?

Florent : Il existe des clubs ou associations comme l’ANP (association naturiste phocéenne) qui est très active parce qu’on a n’a pas de terrain. Tandis que les clubs établis sur un terrain ou les grosses structures sont devenues fermées et ne militent pas pour le naturisme. Leur devise c’est pour vivre nu, vivons caché. En tout cas, c’est compliqué au sein d’une fédération qui n’a pas de salarié de bien communiquer. Le travail essentiel de la fédération française de naturisme serait de communiquer à propos du naturisme. C’est en progrès je pense. Le travail effectif qu’à abattu Frédéric Chandelier est considérable dans son investissement personnel. Je suis d’un tempérament optimiste.

Le Mague : Quelles sont tes autres passions en dehors de la voile et du naturisme ?

Florent : La mer, ça me prend déjà beaucoup de temps (sourire) et j’ai mes enfants à m’occuper. C’est déjà pas mal.

Le Mague : Je te remercie de ne pas m’avoir jetée à la baille aux requins, car je suis une Singette qui ne sait pas nager et n’aime pas l’eau. A toi le mot de la fin et je te souhaite bon vent dans les voiles et bonne croisières naturistes.

Florent : Merci la Singette, ça c’est un cadeau. Je vais te donner des bananes, tu as été sympa.

*Clin d’œil à peine feint dans le titre de l’article à la chanson « Les cœurs purs » de Jean-Roger Caussimon : http://www.dailymotion.com/video/xrzyss_jean-roger-caussimon-les-coeurs-purs_music

Contact : tel : 06 81 98 91 13

Photomontage Copyright Croisière-Med

A suivre Jean-Charles de Tahiti et Francine d’Euronat….