Naturisme : Patrick de Marseille issu d’une famille pionnière et humaniste

Second portrait : Patrick de Marseille propulse ses propres analyses et propositions concrètes à apporter au sein même de la fédération française de naturisme (FFN) à laquelle il est très attaché du point de vue de son histoire humaniste. Il revendique l’application pure et simple de la définition du naturisme édictée par la FFN dans les centres, clubs et associations. En effet à force de brader son éthique au nom de certains intérêts mercantiles peu avouables où le mélange des genres entre naturistes et textiles n’est pas du tout concevable, le naturisme risque de crever de son trop grand succès et aller se rhabiller ! Un comble !

Le Mague : Qu’est-ce que ça signifie selon toi être naturiste en 2013 du côté de Marseille ?

Patrick : Etre naturiste aujourd’hui, n’est pas une question de situation géographique, même si la région PACA est effectivement privilégiée en matière de climat, c’est un état d’esprit sans frontière où se retrouvent des personnes de tous horizons partageant ce souci de communication franche et conviviale en dehors de tout clivage sociétal.

Le Mague : Comment en es-tu venu au naturisme ?

Patrick : J’ai la grande chance d’être né dans une famille pionnière du naturisme et mes premiers souvenirs datent d’un séjour à l’Ile du Levant en 1957…Depuis, je suis resté fidèle à ce mode de vie dans lequel, ma femme et moi avons élevé nos trois enfants.

Le Mague : Quelle est ta manière de pratiquer le naturisme ?

Patrick : Habitant dans une région avec un climat privilégié, j’ai la chance de pouvoir aller soit sur les plages naturistes de Cassis, d’Hyères, de La Seyne/Mer en famille accompagné d’amis qui partagent les joies de ce mode de vie. Les vacances d’été se passent depuis de nombreuses années dans un village naturiste des bords de la Méditerranée.

Le Mague : Tu fréquentes les forums naturistes, quelles visions donnent-ils selon toi du naturisme ?

Patrick : Il est très difficile de parler de manière générale des forums naturistes. En premier lieu, il y a le site de la FFN (fédération française de naturisme) qui devrait être le premier vecteur de communication du mode de vie naturiste. Ce site, certainement par manque de moyens financiers, n’est pas vraiment à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre de la Fédération. Il semblerait qu’il y ait un projet de refonte suite au dernier congrès, j’attendrai un peu pour donner mon avis. Le forum qui se trouve sur ce site est, malheureusement, trop peu fréquenté, mais cela tient certainement à la qualité globale du site. En dehors, de ce Forum qui, pour moi, est le seul qui représente véritablement l’esprit du mode de vie naturiste ou tout au moins le devrait, il y a d’autres forums. Deux sont à caractère purement commercial et ne comportent qu’une dizaine d’intervenants réguliers. Par contre un troisième, plus ancien et créé à la base sur l’idée de défendre l’idée de la nudité sur les plages et dans les centres, a largement dérivé au cours des deux dernières années. En effet, il devient la tribune de gens qui « militent » pour ce principe à l’américaine du « clothing optional ». Ces personnes arguant du fait que la nudité est une idée dépassée, qu’il faut se mettre au goût du jour et que le « mélange » de gens nus et habillés est complètement tendance et qu’ils ne voient pas à quel titre on les obligerait à être nu dans les centres ou sur les plages naturistes. Je vous laisse juge de la qualité des arguments, mais je trouve navrant qu’un forum soit disant naturiste puisse ouvrir une tribune à ces personnes.

Le Mague : Et comment fonctionne la communication entre colistiers sur ces forums et quelle en est la tonalité des propos ?

Patrick : D’une manière générale, et pas simplement sur les Forums naturistes, la discussion sur les forums est très compliquée. En premier lieu parce qu’on voit rapidement les limites de certains à s’exprimer avec une orthographe et une syntaxe correctes, d’autre part parce que l’affrontement d’arguments est quelque peu banni de notre culture depuis une quarantaine d’années. Donc, le plus souvent, c’est le rassemblement de gens qui énoncent des propos sans grand intérêt et lorsqu’une occasion se présente de « lancer » un sujet un peu difficile et qui donne lieu à des échanges, on voit tout de suite une levée de bouclier de braves gens arguant qu’il faut que chacun s’exprime et qu’il faille faire preuve de tolérance. En foi de quoi, on laisse dire tout et n’importe quoi, ce qui, sur certains sujets n’a que peu d’importance, mais en a beaucoup sur un sujet sensible comme le naturisme. En effet, ces forums peuvent être lus par tout un chacun, et, j’imagine l’idée que peut se faire « un textile » (personne en maillot de bain ou habillée) en lisant que la nudité sur les plages ou les centres naturistes ne revêt pas un caractère obligatoire et que c’est une idée bien dépassée. Bref, tu l’auras compris, je trouve, ces forums dangereux et contraires à l’éthique naturiste et c’est bien dommage. Il faut noter de plus que si vous vous opposez un peu fermement à certains écrits, vous vous retrouvez censuré et banni. Bien entendu, ceci est bien loin de l’idée de tolérance, de convivialité et de respect des autres qui, pour moi, anime le naturisme.

Le Mague : Qu’est-ce que le naturisme peut-il apporter à une personne qui voudrait essayer et quels conseils lui donnerais-tu ?

Patrick : Je vais certainement un peu choquer, mais j’y suis habitué, je dirai simplement que le naturisme n’est pas un bien de consommation dont on peut avoir un échantillon, que l’on peut essayer et adopter ou rejeter. Le naturisme est un mode de vie et correspond à un état d’esprit. Il ne faut pas en déduire que ce puisse être un mouvement sectaire, bien au contraire à travers plus de cinquante ans de naturisme, j’ai rencontré toute sorte de gens, de tous horizons. Je pense que pour venir au naturisme, il faut être bien dans sa vie, bien avec soi-même, être un peu éloigné des préjugés que notre culture judéo-chrétienne véhicule depuis des siècles. Le corps n’est pas un tabou, il est la représentation initiale de ce que nous sommes et de ce que notre mode de vie en fait. Chacun d’entre nous est nu à plusieurs moments de la journée et si cette nudité est vécue en toute liberté, sans arrière pensée, elle permet de se délivrer des barrières sociétales et de retrouver l’esprit initial de l’être humain.
Partant de cela, ce que je puis conseiller à ceux qui veulent faire un premier pas vers le mode de vie naturiste, c’est de le faire si possible en famille et en intégrant un club ou une association locale où ils pourront côtoyer des gens qui ont adopté ce mode de vie et qui savent le partager sans jugement.

Le Mague : Que retiens-tu de l’histoire du naturisme ?

Patrick : Je ne suis pas un grand historien du naturisme. Je dirai simplement que des hommes et des femmes, dès le début du XXème siècle, ont compris les barrières sociales que le vêtement pouvait créer. Ils ont réalisé que de se retrouver en groupe sans autre artifice permettrait de retrouver quelques valeurs essentielles et de renouer avec la nature. Je ne me leurre pas, ceci s’est fait à travers des « prétextes » thérapeutiques ou gymniques pour faire face aux aprioris de la société. Mais, ce mode de vie correspond à une attente car il perdure, même à travers, le recul actuel de notre société. C’est pour cela qu’il faut continuer de « militer » pour ce mode de vie tel qu’il a été défini par ses initiateurs, même si certains veulent laisser croire qu’il s’agit d’une vision dépassée.

Le Mague : Les naturistes actuels, comme les pionniers anarchistes, hygiénistes et spiritualistes de la Belle Epoque, ont-ils encore le sens des luttes sociales pour transformer la société

Patrick : Je ne sais pas vraiment si les initiateurs du naturisme étaient des militants proches des grandes luttes sociales du début du XXème siècle. Je pense plutôt qu’il s’agissait de la bourgeoisie laïque éclairée qui avait réalisé que l’humanisme n’était pas l’apanage des syndicalistes ou des politiques de gauche ou d’extrême gauche ou du clergé. Je pense d’ailleurs que cette tendance humaniste éclairée perdure aujourd’hui et que c’est d’ailleurs pour ça que certains esprits étroits qui voudraient se montrer « réformateurs » ne trouvent écho que sur certains forums et qu’ils ne font pas la loi sur les plages ou dans les centres naturistes.

Le Mague : Quelles peuvent être les principaux défauts et qualités d’un(e) naturiste actuel(le) ?

Patrick : Un naturiste est un être humain normal. Il a donc les défauts et les qualités de tout un chacun. Au regard de mon expérience, je dirai simplement qu’à de rares exceptions, on retrouve le plus souvent des gens cultivés et attentifs aux autres.

Le Mague : Que représente la FFN (fédération française du naturisme) pour toi ?

Patrick : La Fédération Française de Naturisme a plusieurs fonctions. Elle doit en premier lieu veiller à ce que des clubs et des associations naturistes fidèles à l’éthique, continuent de se développer dans tous les départements français, et, que ces clubs et associations disposent de terrains pour réunir leurs adhérents.
Elle doit ensuite être le garant de la définition du naturisme élaborée en 1974, avec une petite révision en 2001. Garant auprès des autorités gouvernementales, régionales, départementales et même locales part l’intermédiaire de ces Comités régionaux, de cette dite définition.

Le Mague : Quelle est donc cette fameuse définition du naturisme proposée de la FFN et comment est-elle appliquée et interprétée ?

Patrick : « Le naturisme est une manière de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par une pratique de la nudité en commun qui a pour conséquence de favoriser le respect de soi-même, le respect des autres et celui de l’environnement ». La FFN se doit, de plus, de vérifier que les entités commerciales qui se réfèrent au naturisme, en garantissent l’application toujours dans le cadre de la définition du naturisme. Comme le ministère du tourisme accorde des étoiles aux hôtels, aux campings, aux chambres d’hôtes, la Fédération devrait accorder des labels plus ou moins nuancés aux campings, centres et villages qui se « disent » naturistes. Ainsi certains endroits, où le naturisme n’est pas respecté ne pourraient recevoir qu’une étoile et d’autres cinq étoiles. Ceci permettrait à chacun d’entre nous de faire le choix de son séjour en fonction de la « labellisation » par la FFN. Pour ce faire, il faudrait que le budget de fonctionnement la Fédération ne dépende pas de la publicité des grands centres ; mais du regain du nombre d’adhésions et de subventions nationales ou régionales. Il y a donc une nouvelle stratégie à mettre en place, mais je ne sais si elle est à l’ordre du jour de la Fédération qui a bien du mal à se remettre de quelques événement douloureux d’un passé récent qui lui a fait perdre beaucoup de crédit auprès des naturistes.

Le Mague : Cela tient-il de la réalité ou du fantasme, le fait que les grands centres naturistes en France sont envahis de plus en plus par des textiles (personnes habillées) et si oui quelles en sont les causes ?

Patrick : Je crois que malheureusement, les centres naturistes sont de plus en plus victimes de leur succès : propreté, convivialité, confort, accueil et que certaines personnes l’ont bien compris. Pourtant, ces mêmes personnes ne sont pas des naturistes dans l’esprit du mode de vie. Si elles consentent à être nues sur la plage où à la piscine, elles sont habillées pour les autres activités. Ceci dénature les centres qui se voudraient naturistes. De plus ce type de comportement fait que si les adultes peuvent vivre « leur naturisme » dans ce cadre, les adolescents plus sensibles au regard des autres éprouvent quelques difficultés à vivre nus au milieu de gens habillés. J’en reviens au rôle de la FFN, il faudrait labéliser les centres et les plages et le »tri » se fera de manière naturelle. Pour ma part, je regrette cela qui, pour moi, ne correspond pas à l’état d’esprit naturiste, mais je constate que notre société de moins en moins éclairée ne peut fonctionner qu’à travers de telles actions.

Le Mague : Quel rapport peut-il exister entre l’écologie politique et le naturisme militant ?

Patrick : Je crois et je constate que les naturistes, sans être des modèles irréprochables, sont plus soucieux de la nature et de l’environnement. Dans l’ensemble, les lieux naturistes sont plus propres et moins bruyants. De là à assimiler l’ensemble des naturistes à des militants écologistes, je crois qu’il y a un grand pas à faire, même si il y en a certainement parmi nous. Mais, les politique écologistes français ne font pas de leur côté, à ma connaissance, un grand pas vers les naturistes…

Le Mague : Quelle est ta conclusion, Patrick, de toutes tes constatations et propositions constructives pour améliorer le fonctionnement de la FFN et du respect de la nudité dans les lieux naturistes, qu’as-tu a rajouter ?

Patrick : Pour conclure, je dirai que je me veux l’héritier des pionniers du mode de vie humaniste que constitue le naturisme. Je souhaite pouvoir assurer la « survie » de ce mode de vie malgré les nombreuses attaques dont il est l’objet de la part de gens qui ne s’assument pas et qui voudraient en modifier le sens. Je pense que nous sommes nombreux à vouloir que le naturisme soit fidèle à la définition qui lui a été donnée. Je regrette donc que pour des raisons bassement mercantiles des Forums ou des centres naturistes veuillent brader cet esprit. Je demande à tous ceux qui sont attachés au naturisme de venir sur les Forums et de s’élever contre certains propos.
J’encourage aussi tous les naturistes qui seront dans des centres au cours de l’été à dialoguer très ouvertement avec ceux qui ne respectent pas l’éthique naturiste et interpeller les directions pour leur faire part de leur désaccord. Certes les vacances sont faites pour se détendre ou se reposer, mais si nous laissons ce mouvement de « textilisation » des centres se développer, nous allons nous retrouver comme les derniers des mohicans dans des réserves. Certains suggèrent déjà cela sur des forums. Là encore je m’y oppose fermement. Nous devrions plutôt conseiller aux militants du « clothing optional » d’aller créer leurs propres centres comme l’ont fait en son temps les pionniers du naturisme. Je souhaite de très bonnes vacances naturistes à toutes et à tous.

A suivre : Florent skipper de Marseille, Jean-Charles de Tahiti et Francine du collectif de réflexion sur la nudité à Euronat.