Florence Perroux, la femme orchestre du zoo de la Palmyre

 Florence Perroux, la femme orchestre du zoo de la Palmyre

Le gorille qui tire sa langue pour la photo ! C’est dire la complicité qui règne entre lui et Florence Perroux au zoo de la Palmyre. J’avais adoré son bel ouvrage : « Gorilles portraits intimes ». J’ai découvert une femme pédagogue, épanouie, passionnée par toutes les riches facettes de son métier, aux petits soins pour tous les animaux du zoo. Cerise sur le gâteau, elle est très active sur le terrain de la sauvegarde des espèces menacées. En plus, j’ai encore beaucoup appris à propos de mes chers cousins les singes. Je suis ressortie enthousiaste de notre rencontre.

Le Mague : Vous pouvez nous raconter brièvement l’histoire du zoo de la Palmyre ?

Florence Perroux : Il a été créé par Claude Caillé natif de la région. C’était un autodidacte qui n’avait pas de connaissances précises sur les animaux. Quand il a rencontré sa future femme, le frère de cette dernière avait un petit zoo. Et c’est en côtoyant ses premiers animaux sauvages qu’il a voulu en apprendre d’avantage et ensuite avoir son propre zoo. Ce qu’il a réussi à monter en juin 1966 en acquérant au départ 3 hectares pour déjà un beau succès, avec 160 000 visiteurs à la fin de l’été. Puis d’années en années le parc a évolué, s’est agrandi, de nouvelles espèces sont arrivées. C’est un parc privé familial. Le fondateur est décédé il y a deux ans et c’est son fils qui a repris la direction.

Le Mague : Quelle évolution depuis votre arrivée avez-vous constaté ?

Florence Perroux : Ça fait une dizaine d’année que j’exerce ici. L’évolution est importante au niveau des grands singes, notamment où l’on a ouvert cet espace de 3 hectares en 2009. Il héberge les gorilles, les orang-outangs et les chimpanzés. C’est vrai aussi que la particularité de la Palmyre, c’est un parc qui est extrêmement entretenu au quotidien. Une très grosse attention est apportée à la propreté. On ne laisse pas s’installer la moisissure. C’est un parc qui malgré ses 46 ans d’existence, on n’a pas vraiment l’impression qu’il vieillit parce qu’en fait, il y a un tel souci de l’entretien au quotidien.

Le Mague : Vous avez comme atout plusieurs casquettes, en quoi consiste celle de responsable conservation ?

Florence Perroux : L’aspect conservation, je suis en charge de tous les programmes de protection des espèces menacées dans la nature que le zoo finance. Au total une quinzaine en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique, et la plupart concernent les primates. D’abord parce que les primates font partie des espèces les plus menacées. Ils vivent dans les forêts tropicales et on sait aujourd’hui que c’est un habitat les plus touché par les problématiques environnementales avec la déforestation, la chasse et le braconnage, l’exploitation minière... Mais aussi par ce qu’à la Palmyre on a une collection de primates très importante, du plus petit singe, ouistiti pygmée au plus gros le gorille. On a 31 espèces de primates. Dont un programme de conservation des gorilles des plaines de l’Ouest au Gabon qui évoluent dans une concession forestière. La forêt est exploitée et on essaie d’organiser une sensibilisation locale contre le braconnage et voir comment les gorilles cohabitent avec l’homme. On soutient un programme de protection des orang-outangs à Bornéo, un autre des chimpanzés en Sierra Leone, et aussi des manchots en Afrique du Sud. La deuxième étape consiste à diffuser de l’information autour de ces programmes en tant que financeur et sponsor. En retour, nous avons la possibilité de communiquer sur notre site internet, sur des panneaux présents dans le parc cet avec des journalistes.

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Le Mague : Et au niveau pédagogique, comment fonctionnez-vous ?

Florence Perroux : Mon rôle est d’accueillir les scolaires et de leur proposer des ateliers pédagogiques que je conçois et ensuite je les réalise avec les enfants. C’est moi qui réceptionne les groupes. Cette année j’ai animé une soixantaine d’ateliers depuis le mois d’avril, étalés sur trois mois. Je propose 9 ateliers différents que les écoles choisissent en fonction du niveau scolaire. On touche en moyenne environ 1000 enfants chaque saison. C’est aussi faire de la pédagogie avec les visiteurs du parc. La rédaction des fiches signalétiques devant les enclos, des panneaux qui parlent de la conservation, l’entretien du site internet, la rédaction d’articles sur le blog du zoo, les réseaux sociaux…. Tous les supports écrits du parc, les dépliants, les guides. Il y a une partie consacrée aux images, je réalise les photos et les vidéos qui me servent pour communiquer. Il y a aussi un rôle de communication pure, accueil presse, responsable publicité, marketing.

Le Mague : Etant donné tout le volet de vos capacités humaines que vous développez au sein du zoo, vous devez avoir une vie trépidante et je suppose que pour vous chaque jour est différent et vous ne vous ennuyez jamais.

Florence Perroux : Le Matin par exemple, je peux me retrouver dans mon bureau avec quelqu’un qui va me proposer une insertion publicitaire dans un magazine et l’après-midi animer un atelier sur les gorilles avec les enfants. Deux heures plus tard, prendre mon appareil photo et me retrouver dans une cage avec des ouistitis et parfois même revenir le soir à 21 h parce qu’une naissance est en train de se produire. C’est ce qui fait l’intérêt de ce métier, c’est d’exercer des tâches très différentes. C’est un enrichissement personnel, on apprend tous les jours. Il faut se documenter beaucoup, se tenir au courant.

Le Mague : Comment les enfants perçoivent les singes au zoo ?

Florence Perroux : J’ai un atelier pédagogique qui s’intitule « sympa pas sympa ». Il cherche à combattre les aprioris. Je mets en parallèle le gorille et le chimpanzé. Puisque souvent les gens et les enfants ont une perception du chimpanzé comme le singe très sympa parce qu’ils l’ont vu dans des publicités, dans des films. C’est le singe qui mange des bananes, qui fait l’idiot, qui fait des facéties. Le gorille par contre, c’est le singe qui fait peur, qui est méchant, qui mord, qui mange de la viande et qui est très dangereux. Mon rôle est d’essayer d’inverser ces aprioris qu’ils ont et leur expliquer que le chimpanzé est un singe très intéressant du fait de sa grande proximité avec l’homme mais qu’il est moins sympa que ce qu’il parait. En réalité, pour le coup il est extrêmement agressif et il peut même être violent. Alors que le gorille, sous son aspect de grosse brute épaisse, est un animal paisible. Et puis souvent je parle de l’orang-outang au milieu, par ce que les enfant ne le connaissent pas. J’essaie de leur faire découvrir.

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Le Mague : Comment est apparue votre empathie bien naturelle pour les singes ?

Florence Perroux : C’est ce que je raconte dans le livre à propos de ma rencontre avec Ybana qui est arrivée au zoo de la Palmyre en 2005. C’est aussi ma rencontre avec sa soigneuse suisse de Zurich. On a sympathisé. En plus, Ybana avait une personnalité intéressante, elle n’était pas très perturbée de son transfert. Elle n’était pas très stressée, mais au contraire très joueuse, détendue, ouverte, facétieuse. Elle était très futée et c’était très intéressant de la suivre. Forcément à partir de ce moment-là j’ai passé plus de temps à m’intéresser aux gorilles. J’ai appris à les connaitre à me documenter sur eux. Ensuite j’ai rencontré mon compagnon qui est photographe et lui aussi s’est pris de passion pour ces animaux. Jusqu’au jour il a eu tellement de photos qu’on a décidé de publier le livre que vous connaissez. C’est avec Ybana que tout a commencé.

Le Mague : De quelle manière avez-vous travaillé avec Sébastien Meys pour qu’il réussisse à tirer de tels portraits, qui nous paraissent si proches, qu’en tournant les pages de votre ouvrage, on a vraiment l’impression d’entendre le cœur battre des gorilles et on s’attendrait presque à ressentir leur souffle ?

Florence Perroux : Sourire. Si c’est l’impression qu’on réussit à faire ressortir, nous sommes ravis ! Comment on a réussi à faire passer de telles sensations…. Je ne sais pas ! C’est la passion qu’on a pour ces animaux-là. Et avant tout le respect, le grand respect. Mon rêve n’est pas de vivre au milieu des gorilles dans la forêt. Simplement encore une fois, j’ai beaucoup de respect pour eux. Ce ne sont pas mes animaux, je n’éprouve aucune propriété sur eux. Simplement beaucoup de respect et de tendresse pour eux. Et puis en plus, on est deux grands sensibles tous les deux.

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Le Mague : Vous avez creusé entre autre avec Chris Herzfeld la question cruciale du développement des grands singes en captivité qui représentait une certaine problématique il y a n’y a pas si longtemps. Où en êtes-vous dans votre réflexion à ce sujet ?

Florence Perroux : On a régulièrement des étudiants en éthologie qui viennent étudier le comportement. Notamment pour les gorilles des plaines de l’Ouest qui représentent la seule sous-espèce présente en parc zoologique. Le problème c’est la sous-espèce la moins connue et la moins étudiée dans leur milieu naturel. Heureusement quelque part qu’il y a eu la captivité pour étudier ces animaux, voir les rapports entre les mères, les jeunes, le développement du jeune gorille. En sachant que la captivité encore une fois, ce n’est pas parce que les animaux sont en captivité qu’ils n’ont pas le comportement naturel. Et comme l’expliquait Chris Herzfeld pendant l’émission de France Culture*, en effet ils ont cette capacité d’adaptabilité, de flexibilité, qui fait qu’ils ont le comportement naturel. Mais en plus ils sont capables de montrer des aptitudes qu’on n’aurait peut-être jamais constatées dans la nature. Après, on est d’accord, la captivité reste la captivité. Leur espace de vie est limitée forcément. Mais notre travail c’est de permettre que malgré cet espace restreint ils soient bien. Qu’ils soient dans des conditions identiques au milieu naturel. C’est-à-dire qu’on calque la structure sociale, qu’on les mette en condition de se reproduire, d’élever des jeunes et de les garder aussi longtemps que cela se pratique dans le milieu naturel. La captivité permet d’en apprendre encore d’avantage sur ces animaux.

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Le Mague : Quel message voulez-vous faire passer auprès du grand public, que ce soit par vos ouvrages ou votre travail au quotidien au zoo de la Palmyre ?

Florence Perroux : A propos des gorilles comme je disais tout à l’heure, essayer de combattre cet apriori de singe agressif ou violent, de monstre sorti de je ne sais pas quel film ou dessin animé. Sensibiliser aujourd’hui à son statut dans le milieu naturel qui est compliqué parce que ce sont des animaux en voie de disparition. Les gorilles des plaines de l’Ouest subissent la déforestation, le braconnage. Les gorilles des montages, la destruction de l’habitat bien sûr, mais il y a quand même en République démocratique du Congo des parcs où ils sont protégés. Des gardes se font agresser et meurent parce qu’ils cherchent à protéger les gorilles ! On peut être dans des situations extrêmement critiques avec des Africains qui donnent leur vie aujourd’hui pour les gorilles. Essayer donc de montrer qu’il y a des gens qui travaillent dur pour la conservation des gorilles. Essayer d’inculquer aux gens qui visitent les parc zoologiques à mieux les connaitre, qu’ils transmettent une autre image du gorille à leurs enfants. Et finalement qu’ils découvrent des choses qu’ils ne soupçonnaient pas chez les gorilles et se rendent compte de notre grande proximité. Et qu’il découle de leur part un nouveau regard.

Le Mague : Et pour finir, avez-vous des projets d’ouvrages et de voyages aux pays des singes ?

Florence Perroux : Projets d’ouvrages, actuellement non. On a des idées… Par contre on a des projets de voyage. On a l’intention de retourner au Rwanda dès que possible. Sans doute aussi un voyage à Madagascar, pour aller voir un lémurien particulier très menacé. Avec des photos dans l’optique d’une exposition, avec un ami photographe et Sébastien, ainsi que la personne qui est en charge du programme européen de l’élevage de cette espèce et qui travaille à Madagascar et a fondé cette association de protection de cette espèce. Peut-être à l’automne, on va partir. Et puis continuer sur les gorilles, peut-être organiser une autre exposition. Peut-être aussi la création d’un autre ouvrage plus général sur les grands singes. Ce sont des idées à creuser et on n’en manque pas !

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Gorilles portraits intimes de Florence Perroux et Sébastien Meys, avec une postface de Delphine Roullet, éditions Le Pommier, 143 page, septembre 2012, 29 euros  : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article8427

* France Culture : La marche des sciences par Aurélie Luneau : « les grands singes et nous » avec Chris Herzfeld et Florence Perroux le 27/12/ 2012 sur France Culture http://www.franceculture.fr/emission-la-marche-des-sciences-les-grands-singes-et-nous-2012-12-27