PIerre Bondu sauvé des eaux par la rédemption musicale

Le deuxième album de Pierre Bondu ‘Quelqu’un Quelque Part’ est une anecdote cinématographique. Un navire anonyme battant écran noir de longues nuits blanches. C’est également un très bon album avec quelques singles accrocheurs même s’il souhaite qu’on prenne d’assaut son embarcation comme une seule pièce. Belle gueule, voix chaude et suave, énumération de référant tous plus connus les uns que les autres, chansons à prétexte d’autodestruction rédemptrice. Voici Bondu sauvé des eaux pour faire couler la variété fantoche.

Pourquoi absolument vouloir débuter et conclure ton album avec des instrumentaux ?

Pierre Bondu : « En fait ‘Caravelle’ le morceau instrumental qui ouvre le disque c’est le premier morceau que j’ai composé après mon premier album. Je pensais en faire une chanson mais voyant que cela ne marchait pas j’ai décidé de garder l’instrumental dans mes cartons après l’avoir terminé. Un an après quand j’ai commencé à voir la tournure que prenait l’album avec cette ambiance cinématographique, avec l’utilisation de cordes et de clavecin, j’ai décidé de le mettre en générique. Idem avec un autre thème pour la fin du disque qui est une sorte de fin de film. »

Ton album se décompose apparemment en 2 parties de 5 chansons assez distinctes ?

Pierre Bondu : « Je suis très attaché à l’idée d’album, quand j’en achète un j’adore l’écouter du début à la fin. J’aime bien me retrouver devant ma chaîne, avec un petit café à la main en train d’écouter le disque. Après à mon avis, ce qui joue, outre les chansons en elles-même, c’est la manière dont on amène les choses, la façon dont on donne du relief et de la cohérence. ‘Mieux que Personne’ est au milieu de la track-list et ce n’est pas un hasard. »

‘Mieux que Personne’ est autobiographique et sans complaisance. Se permettre de poser un regard si dur sur soi même c’est le début de la guérison ?

Pierre Bondu : « Je ne crois pas que ce soit un regard dur. Aborder ce genre de chose, valide l’idée de vérité. Mais en même temps je ne vais pas très loin je n’évoque pas ma sexualité par exemple. »

Savoir parler en chansons d’un personnage qui est toi-même c’est un sujet inépuisable ?

Pierre Bondu : « Dans mon disque je parle beaucoup de rupture parce que je vivais ce genre d’expérience mais cela te permet juste d’être honnête et cohérent. Pour l’avenir je ne sais pas si je grefferais plus de choses venues de l’extérieur ou si je continuerais à exposer ma vie. »

Tu aimes dire que ton album est un tout. Mais certains titres sont de très bonnes chansons qui s’écoutent individuellement très bien ?

Pierre Bondu : « Chaque chanson peut avoir sa propre vie évidemment mais j’ai l’impression que l’ensemble est homogène. Ce qui est difficile lorsque tu réalises un disque c’est de travailler les choses dans le détail tout en même temps, au fur à mesure que tu avances, avoir un recul pour savoir si les chansons peuvent cohabiter les unes avec les autres. »

Sans des albums comme ‘Mélody Nelson’ ou ‘L’homme à la tête de Choux’ est-ce que ton album aurait eu la même saveur ?

Pierre Bondu : « Ho, la la, je suis incapable de te répondre. Bien sur que ces deux albums sont mythiques pour moi. Gainbsourg je pourrais t’en parler pendant des heures. Jamais je n’aurais chanté sans Gainsbourg, il a permis de déniaiser tous ces gens qui ne sont pas de vrais chanteurs comme moi. Quand à ‘Melody Nelson’ c’est mon album préféré français. Il rassemble tout ce que j’aime. Avec un côté très bien écrit, super produit, sans être chanson française pop et d’une modernité incroyable : c’est un chef d’œuvre absolue. »

Tu souhaitais à un moment que ‘Je rêve’ soit un single alors qu’il n’a peut être pas la force de persuasion de ‘Vu d’Ici’, pourquoi vouloir presque toujours pagayer à contre courant ?

Pierre Bondu : « Peut être que cela va se faire plus tard pour ‘Je Rêve’, mais là on a pris un risque en sortant ‘Quitter la Terre’ qui est beaucoup moins évident au premier abord que ‘Vue D’Ici’. En même temps : je n’ai pas de tubes sur cet album ! »

C’est peut-être ce qui fait ta force ?

Pierre Bondu : « Ca dépend, quand j’entends ‘Toxic’ de Britney Spears c’est l’exemple de la chanson très concrète qui est super bien écrite, bien produite et qui est un tube énorme en restant une superbe chanson à la base. »

Cela te plairait d’avoir un succès phénoménal ?

Pierre Bondu : « Ho oui ! je suis un fan absolu de Burt Bacharach qui faisait justement de remarquables chansons tout en touchant un public très large. »

Comme le grand Burt, tu aimes manier les orchestres symphoniques pour tes compositions, j’aimerais savoir comment les musiciens te perçoivent en tant que chanteur ?

Pierre Bondu : « En France les musiciens classiques me prennent pour un naze comme ils prennent tous les gens qui viennent de la chanson ou de la variété. A Sofia tu es respecté ! A Paris, il y a de très bonnes cordes mais ils restent septiques, guindés sur le rapport à avoir avec un mec qui fait de la pop parce que ce n’est pas sérieux ! » »

C’est pour ça que tu es partie en Bulgarie pour enregistrer les parties symphoniques ?

Pierre Bondu : « Non ce n’est pas pour ça, c’est une histoire humaine. Pour ne rien gâcher ils jouent vachement bien. Je m’étais rendu là bas pour la musique du film de Catherine Corsini et tout c’était très bien passé. En plus, les charges sont moins lourdes là-bas, comme je désirais une cinquantaine de musiciens c’aurait été très difficile à réaliser en France car nous n’avions pas un gros budget. »

Tu as enregistré ton album en 5 jours, c’était ta maison de disque qui te faisait moyennement confiance pour t’offrir un bon budget ?

Pierre Bondu : « Pas du tout ! bien au contraire ils sont géniaux avec moi. On ne m’a pas bien compris sur ce point là. Je voulais simplement prouver qu’il est possible d’enregistrer des disques ambitieux en très peu de temps : il suffit que tout soit bien préparé. Moi j’ai eu cinq jours de prises pour faire les batteries, les pianos, les guitares. Les voix on les a fait chez moi donc : sans frais de studio. Les cordes ont les a enregistré en 5 heures et demi par contre le mix on a pris notre temps. Par ces 5 jours je souhaite juste dire qu’il faut arrêter de délirer avec des budgets d’un million de francs. »

D’où la crise du disque ?

Pierre Bondu : « Complètement. J’aime bien aborder ce sujet. Les gros groupes n’ont pas compris qu’ils fallait tout revoir. Arrêter de délirer. »

On est amené à penser qu’un artistes c’est indolent, voir fainéant sur les bords, alors que toi au moment de l’écriture tu t’étais fixé des horaires d’enseignement jésuitique ?

Pierre Bondu : « Des mecs qui jouent dans des bars sur Paris t’en a des milliers après tu as la volonté ou non de t’engager vraiment par rapport à ça. Ce n’est pas de la prétention mais j’essaye de faire ma musique le plus sérieusement possible. J’aime la musique dans le vrai sens du terme. Je pense être profondément faignant comme type donc de ce fait je m’oblige à aller au charbon. Mais quand j’y suis j’adore. J’adore vivre avec mon disque. Sa construction. Le temps se savoure. »

Avais-tu peur à un moment que ce second album connaisse le sort de ‘Ramdam’ ton précédent opus ?

Pierre Bondu : « Si ! Hyper peur... Mais là je suis rassuré. Pias fait un travail énorme, on travaille la main dans la main. Sans se mentir. Mon disque est disponible partout et rien que ça c’est hyper important pour moi. De savoir que les gens peuvent trouver mon album. »

Ta passion pour tous ces compositeurs de films, particulièrement Moriccone, t’a t’elle poussé à relever le défi du film de Catherine Corsini ?

Pierre Bondu : « Ca m’a surtout permis d’avancer. J’ai redécouvert Moriccone par l’intermédiaire d’une compile qui s’appelle ‘Mondo Moriccone’ que je conseille à tout le monde et cela m’a vachement influencé sur l’utilisation du clavecin et de l’orchestre. »

Tu as accompagné Dominique A, tu as collaboré avec Katerine ou Miossec, que t’on t’ils appris ?

Pierre Bondu : « Rien du tout ! si ! à boire et à me droguer ! voilà ce qui me reste. » (rire)

Que leur as-tu appris toi de ton coté ?

Pierre Bondu : « A moins boire et à moins se droguer ! (rire). En fait ce qui est bizarre, c’est que je n’ai aucun souvenir musical avec ces mecs. Tous mes souvenirs, par exemple de Miossec, par rapport à ce que j’avais pu faire avec lui, sont des souvenirs extra musicaux. Quand je pense aux autres collaborations c’est pareil. Je n’ai pas de souvenir de travail mais plus de rencontre à papoter, à faire les cons dans la piscine comme des gamins. »