Le bel hommage d’Eric Laugérias à Jérome Savary

Le bel hommage d'Eric Laugérias à Jérome Savary

Il aura été l’un des premiers à lui rendre hommage à chaud sur les réseaux sociaux mais quel hommage !! Nous nous permettons de publier les mots d’Adieu d’Eric Laugérias à son ami Jérome SAVARY... Tout est dit. Du moins l’essentiel.

Chouchou Chef !! C’est quoi cette connerie ?? Encore une de tes blagues pas drôles !? (tu avais un sacré joli mauvais goût parfois !) Le crabe a eu le dernier mot ! Crabe de merde !! Un des rares combats que tu aies perdu !! Je pense à tes filles (les trois grâces), à tous les saltimbanques qui formèrent ta famille, notre famille dont tu étais le Tonton grossier, truculent, râleur, fidèle et pourri de talents !!
Tout me revient : toi et les animaux magiques du Professeur Brillantini sur les marches du Théâtre d’Angoulême en 1979, dans une autre vie... La parade, toi à la trompette et cette folle envie -déjà- de quitter les rangs des spectateurs, de sortir de la masse pour vous rejoindre ! C’est sûrement ce jour-là que j’ai décidé de faire ce métier.

Mon audition à Chaillot, ma trouille, ton rire, et puis "Il complètement dingue celui-là !", c’était ta façon d’adouber ! Tu avais la gueulante facile et compliment rare... Complice, pas complimenteur...
Et puis, toutes nos aventures, ces rencontres, ces talents rares, atypiques, dont tu savais t’entourer !! Ce tourbillon, cette urgence sans laquelle tu ne savais pas travailler, quitte à rendre fous tout ceux qui t’entouraient. Et puis, une gueulante pour arranger le tout, une crise de mauvaise foi aiguë et ça repart !!

Je t’ai si souvent vu à l’oeuvre ! Tu m’as fait de si beaux cadeaux, Pierre Dac, Ménélas, Figg. Tu balançais ta confiance et la liberté qui va avec et "démerdes-toi" !! Mais tu étais toujours là pour remettre dans les rails et peaufiner un détail.

On avait encore fait des projets à Noël... "J’ai encore deux ou trois conneries à faire !!". Pas pleurnichard. Debout. Libre, malgré tout.
Elle faisait peur à certains cette liberté... Anar, anar jusqu’au bout de tes cigares.

Tu avais le sens du populaire et l’amour fou des planches et de ce métier que tu as servi comme peu de pisse-froid et de courtisans de la rue de Valois l’ont servi ! Il y a ceux qui servent et ceux qui se servent !
Putain, tu n’étais pas un comptable, toi !!! Tu n’as jamais rien compté d’ailleurs. Toujours généreux et toujours à deux doigts de la faillite !!
Il y avait les soirs de triomphe, Chaillot et l’Opéra Comique pleins à craquer (oui, oui, ils le furent à une époque) et les soirs sans, à deux derrière des verres de whisky ou de rhum... A refaire le monde et le théâtre, à maudire les femmes et à les pleurer...

Tu vas nous manquer Chouchou Chef, terriblement. Tu vas manquer à ce métier qui manque de plus en plus de folie... Ce métier de plus en plus peuplé de financiers, de financeurs, de tristes sires et de peignes-culs qui font la pluie et le beau temps sans avoir la moitié du tiers de ton talent ! Ce métier qu’ils voudraient sans risque et sans hasard ! Les bouffons !

Je te pleure Chouchou Chef et je ris parce que je t’entends te foutre de ma gueule ! On va faire une fête, il faut faire une fête, pour que nous nous tenions chaud au cour tous les chouchous !!

Il va falloir disperser tes cendres, mêlées à celles de tes Cohibas... Où ? Sur le parvis de Chaillot ? Dans tes montagnes catalanes ? A Cuba ? A Buenos Aires ? Et tu ne vas même pas être là pour mettre ça en scène.

Sale blague, sale temps, sale journée. Salaud !
On t’aime.