LE LOUP DES MERS : Récit d’un naufrage sans toucher terre

LE LOUP DES MERS : Récit d'un naufrage sans toucher terre

Deux hommes vont s’affronter sur un navire avec ses marins assoifés d’argent, des morts de faim, prêt à s’entre-tuer au moindre regard de travers. L’affrontement sera cérébral autant que physique pour la survie, à moins d’un coup de couteau dans le dos ! Un récit de marin qui transpire depuis les cales d’un bateau. Il n’y a plus de règles à bord !

Un jeune homme, frêle, chétif, embarque sur un paquebot en partance pour l’Amérique. C’est Humprhey Von Weyden. Il est chroniqueur littéraire anglais. Il pense par la logique mathématique, et ne croit pas trop à l’intuition d’un vieux marin qui pourrait sentir une tempête en pleine mer. La mer est déchaînée , le paquebot a du mal à tenir face à la force des vagues. Rien ne résiste, tout coule, plus aucun survivant à bord.

Quelques jours passent depuis la tempête. Un beau matin. Humphrey a un réveil brutal. Il est sain et sauf ! L’anglais se retrouve à bord de la Goélette fantôme. Le bateau navigue vers le Japon , pour la chasse aux phoques, loin des terres américaines.

Humphrey va se confronter à Loup Larsen, le capitaine de la Goélette fantôme. Il a un physique impressionnant, sculpté comme un Apollon , avec les cicatrices de son vécu à travers plus d’une bagarre, plus d’un voyage d’un bout à l’autre du monde. Aucun de ses marins n’osent s’avancer plus pour défier le terrible capitaine !

Un duel philosophique va naître entre l’intellectuel anglais et le dur capitaine , Le chroniqueur littéraire a sous-estimé la culture de Larsen. L’anglais croit aux écrits, à la philosophie et la leçon de vie et de morale qui s’en dégage. Larsen a bien eu connaissance de toutes ces théories et écrits, mais les rejettent en bloc, son vécu à travers les naufrages, la vie dure du marin a été marquée sans un sentiment, sans une morale. Les deux hommes vont se lier d’amitié. Humphrey aura au fil des mois quelques privilèges à bord, au détriment du reste de l’équipage.

La violence reste présente à bord. Larsen n’a aucune pitié pour ses marins, le premier qui tente de quitter le navire se verra être mis dans une chaloupe, en pleine tempête, accroché au navire, sans se soucier ce dernier a survécu à la colère de la mer. Au pire, il peut être exécuté avant même qu’il ne touche terre. Violentes sont aussi les forts maux de têtes de Larsen, son point faible, Mais le capitaine résiste toujours aux attaques. Violence dans la relation charnelle : une naufragée est repêchée à bord. La lady attise l’attention perverse des uns, le romantisme de l’autre.

La tempête fera de ce récit un point de rencontres, de violence, d’une envie bestiale, par manque de nourriture, de chasse, de gibier... le chacun pour soi dans une communauté de marins, qui ne connaissent ni la morale, ni le respect et sont prêt à se jeter sur le moindre espace de vengeance à coups de poings, de couteaux. Les mers sont un lieu où les écrits comme les mots d’un philosophe, d’un poète, sont oubliés, il n’y a que la survie face à soi-même, ici, face à un équipage au regard froid, dur, creusé, assassin.

Riff Reb’s dévoile son âme caché de marin et s’approprie l’œuvre de Jack London. Le scénario nous embarque dans des chapitres courts, avec une force extraordinaire dans le dessin. La rugesse du coup de pinceau, le détail parfois d’un vêtement, des traits d’un visage, un muscle, la mer avec ses creux et ses bosses, fracassée, fendue, en colère. Le trait noir prend toute sa puissance. Ces pages en noir et blanc avec ce vaisseau de chasse en pleine tourmente, la pluie torrentielle, renforcent cette histoire très sombre. Ces dessins ne sont pas loin de l’esprit de technique de gravures.Tout est sombre depuis ces mers au bateau. L’encre noir se dépose pour accentuer cet aspect., tel l’esprit fantôme du nom du bateau. La colorisation monochrome du sépia au bleu très sombre donnent l’ambiance du lever du soleil à l’obscure nuit. Les corps se distinguent par le petit espace de lumière depuis les cales, l’éclairage d’une lanterne ; C’est une grande réussite graphique pour Riff Reb’s, dont le talent dépasse les mers, dépasse l’esprit du carnet du voyage de bord.

C’est un récit fort entre deux hommes, la culture contre la force de la nature, la foie et la morale contre la provocation, les mers bousculent par ses vagues, ses tempêtes, la relation entre Humphrey et Larsen. N’hésitez pas à monter à bord de cette nouvelle littéraire et graphique. Le Loup des Mers mérite sa place dans ce label des éditions Soleil : NoCtambule, où l’objet de la littérature devient une suite de pages dessinées avec talent.

Au Mague, nous ne sommes pas trompés en lui accordant deux prix du Mague de la Culture BD : le meilleur graphisme pour Riff Reb’s, et la meilleure adaptation littéraire.

Prenez le large avec Le Loup des Mers, forgez vos muscles, vos mains seront sûrement caleuses après la lecture.

LE LOUP DES MERS (adapté librement du roman de Jack London ) / Riff Reb’s ( scénario et dessin) / collection NoCtambule / Soleil Production