La véritable histoire de Maria Callas : Sophie Carrier et Lola Dewaere en voiX vers un beau succès Théâtral

La véritable histoire de Maria Callas : Sophie Carrier et Lola Dewaere en voiX vers un beau succès Théâtral

"La véritable histoire de Maria Callas" montée par Raymond Acquaviva réussit plusieurs prodiges tout à fait remarquables - et rares de nos jours - sur une scène parisienne. Le premier est de ne pas ennuyer une seconde le spectateur pendant près de deux heures dans une mécanique plaisante, drôle, dramatique, originale au casting parfait et à la scénographie exceptionnelle. Le second est l’esthétique sublime, le savoir-faire et le bon goût qui entourent tout le projet car la mise en scène est impeccable, la mise en scène grandiose, les décors et les costumes de très très hauts niveaux. Le troisième est sans doute d’amener de l’émotion, de la comédie, de la danse et du grand jeu de comédiens, de la musicalité et de la beauté à une pièce qui aurait pu être biographique et ennuyeuse, surannée et élitiste.
Disons-le tout de go, la pièce de Jean-Yves Rogale est d’une intelligence fine et enlevée, moderne et brillante. Le travail de Raymond Acquaviva mérite des éloges. Ajoutez à cela des comédiens expérimentés et grands professionnels cultes comme Andrea Ferréol et Pierre Santini, de jeunes espoirs épatants comme Sophie Carrier et Lola Dewaere et une danseuse surdouée, belle et enchanteresse comme Julia Froget, et vous avez un petit chef d’oeuvre Théâtral qu’on se doit de défendre de manière TRES laudative.

Dans "La véritable histoire de Maria Callas", de bout en bout, on en a pour son argent. Le luxe épuré des décors offre un joli écrin à une mise en scène jubilatoire, inventive, enlevée et rythmée. Ce décor permet aux comédiens de donner le meilleur d’eux-mêmes et sublime des femmes et des hommes qu’il faut féliciter un à un.

Andréa Ferréol qui joue la mère de la Callas est impressionnante. Cette grande dame du cinéma et du théâtre est belle et élégante, vraie et magistrale. Sa voix résonne juste, son jeu aux petits oignons de mère abusive puis frustrée est tout simplement parfait. Elle est à un niveau de maîtrise de son métier qui force l’admiration. C’est tout à fait émouvant et enrichissant d’assister à cela. Dans chacune de ses répliques, elle donne une leçon de théâtre. On prend sa présence comme un cadeau magnifique. Andréa, on ne le dit pas assez est une des meilleures de sa génération. Il faut la fêter comme il se doit.

Pierre Santini qui campe le célèbre armateur et financier grec Aristote Onassis (qui préfère qu’on l’appelle Ari, car Tote c’est trop triste) est lui carrément bluffant. Il joue un milliardaire "baiseur", manipulateur, sans scrupules sans éducation ni raffinement(s) qui tombe amoureux des femmes célèbres pour se sentir exister et tenter de mettre son nom dans l’Histoire. Un plouc grossier et immature qui fait gaffe sur gaffe avec Maria Callas et Jackie Kennedy. Un arriviste ridicule, presque un personnage de Molière.
La ressemblance physique avec le personnage du réel est troublante, la voix de Pierre Santini est un instrument de musique de haute tenue au service du rôle. Santini excelle, Santini épate, Santini est au sommet de son Art.

Raymond Acquaviva, le metteur en scène est quant lui Battista Meneghini (dit Tita), le mari de Maria Callas. Là aussi on est dans du TRES grand Jeu. Acquaviva est incroyablement crédible en vieux mari au physique insignifiant et aux manières enfantines qui se meure d’amour intéressé et infécond pour Callas sur fond d’égoïsme, de volonté de faire de l’argent et d’exister au monde grâce au talent de la cantatrice. Il devient son agent et un époux stérile car il préfère mettre toute son énergie à compter des valises de billets. Il deviendra un cocu célèbre dont on se moque. Un cocu riche et un homme bafoué.
Acquaviva montre qu’il est aussi bon directeur de comédiens que comédien lui-même. Acquaviva joue avec une incroyable énergie cet homme fade mais malin en affaire sans qui le mythe Callas n’aurait sans doute jamais été celui qu’il fut.

Julia Froget n’est pas présente sur l’affiche de la pièce mais c’est tout à faire regrettable. La présence de la jeune et belle danseuse dans cette pièce donne beaucoup de sens, permet des virgules musicales et de danses absolument enchanteresses. Rarement on aura vu une telle grâce su scène, celle qui danse et change les décors une bonne douzaine de fois est incroyablement belle à regarder, à suivre du regard, les mouvements de son corps sont délicieux et ses apparitions ponctuent la pièce avec une légèreté inouïe. Un ange au corps et jambes de rêve, ultra féminin et galbé drapé dans un voile blanc offre des jeux de jambes absolument irrésistibles. Une belle idée qui provoque une émotion esthétique troublante. Julia Froget a une bien belle présence scénique. Quelle magnifique artiste !

Cécile Pallas, convaincante en Jackie Kennedy, froide et calculatrice consciente de sa pouvoir séduction, de son aura et de son prestige international, obsédée par l’argent et le pouvoir, narcissique jusqu’au ridicule. Une bonne diction, une belle plastique, une silhouette.

Sophie Carrier est la Callas version "adulte" d’Acquaviva, celle qui a maigri de 53 kilos. Un choix judicieux. Un choix qui donne du sens. Sophie Carrier a une voix parlée d’une grande puissance, son corps mince, voire maigre ou anorexique a beaucoup d’allure, d’élégance, elle est une Callas de premier choix, une Callas de Cinéma, une Callas de théâtre tragique. Une Callas du drame sans pathos ni fausse sensiblerie. Quand elle joue, on l’écoute religieusement. Elle force le respect.
On ne peut que remarquer Sophie Carrier, ce rôle va la propulser vers encore plus de notoriété et de reconnaissance dans ce métier. Elle est une très grande Callas, c’est clair, net et sans bavures. Son talent et son charisme sont indéniables. Elle mérite des récompenses pour sa performance.

Lola Dewaere qui est Maria Callas, jeune, ronde, malhabile, sensible, naïve et pas finie, un véritable souffre douleur physique et moral de sa mère étouffante et castratrice. Elle est la deuxième Révélation de ce casting exceptionnel. Lola Dewaere prouve qu’elle a eu raison de prendre des risques en s’attaquant à ce monstre sacré de la Musique sur les planches et avec une pareille distribution. Elle incarne une Callas très humaine, son jeu est au service de la pièce. Elle donne de son corps et de sa vérité à chaque tirade, elle est extrêmement émouvante dans un rôle de faire-valeur et s’en sort avec plus que les honneurs.
Ses faces à faces avec Andréa Ferréol n’ont pas à faire rougir la jeune comédienne, elle offre sa fragilité, sa fraîcheur dans une composition juste et dans le ton. Lola Dewaere joue avec son corps rond, beau et incroyablement harmonieux et féminin et sa très grande photogénie. Elle sait être à la fois, pataude et maladroite, et belle, attirante et convaincante. Les rares scènes où elle n’est pas présente, elle manque. Sa présence rassurante, sa belle énergie et sa beauté lumineuse (Lola a un magnifique visage de Théâtre qui prend la lumière comme personne) est la belle et bonne surprise de cette pièce réussie.
Il y a fort à parier qu’après avoir réussi cette composition-là, Lola Dewaere gagnera en métier et sera promise à d’autres grands rôles. Elle est à suivre de très près.

Ce n’est pas qu’un argument vendeur et publicitaire, la CALLAS de Raymond Acquaviva offre véritablement un éclairage nouveau sur la vie de la cantatrice au destin tragique, la mal aimée, celle qui ne sera révélée en tant que femme qu’à 36 ans et qui mourra d’amour. Allez voir ce très beau spectacle de celle qui signifie Scala en verlan. Un signe

Bravo à tous les Artisans avec un grand A de ce petit chef d’oeuvre théâtral qu’il ne faut pas rater et qui plaira aux puristes comme à ceux qui ne savent rien de qui était la Callas. Rien que cela, c’est un prodige vous-je.

http://www.dejazet.com

"La véritable histoire de Maria Callas". Une Pièce de Jean-Yves Rogale
montée par Raymond Acquaviva.
Avec Pierre Santini , Sophie Carrier , Andréa Ferréol , Lola Dewaere , Cécile Pallas , Raymond Acquaviva et Julia Froget.
Théâtre Dejazet.