Publication de photos sur Internet : piège à cons !

Depuis l’avènement du numérique, il est devenu extrêmement banal de publier et de partager des photos sur Internet. Mais, du fait de la facilité avec laquelle une image peut être affichée, copiée, enregistrée, imprimée par n’importe qui, on court le risque de perdre totalement le contrôle de l’utilisation de cette image. Sans pouvoir faire quoi que ce soit pour l’éviter ou obtenir réparation.

Tout le monde a entendu parler des conditions d’utilisation de Facebook qui stipulent que l’utilisateur leur donne spécifiquement la permission suivante : « conformément à vos paramètres de confidentialité et des applications : vous nous accordez une licence non-exclusive, transférable, sous-licenciable, sans redevance et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation avec Facebook » : en clair, ils disposent de vos photos et de vos vidéos comme bon leur semble.

Instagram a également fait couler beaucoup d’encre (réelle ou virtuelle) avec de nouvelles conditions d’utilisation similaires, avant de faire machine arrière.

L’internaute lambda se dira alors : « bon, dans ce cas, par précaution, je ne mets aucune photo sur ces sites. Je les mets n’importe où ailleurs en mettant un petit © Mon-prénom Mon-nom pour me protéger des margoulins. Et je porterai l’affaire en justice en cas de problème. »

Malheureusement, même dans ce cas, c’est raté !, Il n’y a strictement aucune protection dans plus de 95% des cas. En France du moins.

Pourquoi ? D’abord le copyright est une notion de droit anglo-saxon, qui n’est appliqué dans l’Union Européenne que par Chypre, l’Irlande, Malte et le Royaume-Uni. Il est vrai que dans les media, la publicité et les entreprises, on a tellement pris l’habitude d’abreuver les gens avec un sabir franglais à deux balles et prétentieux qu’on finit par croire que tous les concepts anglo-américains sont valables chez nous.

En France, c’est le droit d’auteur défini par le Code de la Propriété Intellectuelle, incluant a priori les photographies qui est « la loi ».

Mais ce que beaucoup de gens ignorent, c’est que le Code de la Propriété Intellectuelle français attache une autre notion - diabolique - au droit d’auteur : « l’originalité ». Mais c’est quoi, l’originalité ? Non seulement l’extrême subjectivité de cette notion saute aux yeux de tout le monde, mais rien ne la définit dans les textes français. Du côté du droit européen, la directive 93/98/CEE relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur, précise (enfin… si on veut !) qu’une photographie sera originale « si elle est une création intellectuelle de l’auteur qui reflète sa personnalité ». Ben mon colon, on est bien avancés avec des définitions pareilles.

Les juges sont donc obligés de se démerder avec ça. Et malheureusement il est extrêmement difficile de faire reconnaître le caractère « original » d’une photo par la justice, aussi bien de première instance qu’en appel. Et en faisant quelques recherches sur la Toile, vous découvrirez rapidement que la plupart des plaignants se font retoquer en justice pour « absence d’originalité ». Vous pouvez réussir une magnifique photo animalière, ce ne sera pas « original » (vous avez photographié un renard, eh ben, des renards il y en a partout, qu’on vous dira... ou alors, sur ce que vous croyez être une belle composition, les juges n’y verront qu’une liste d’objets).

Même des photographes professionnels se sont cassé les dents sur cet obstacle !

Ce n’est pas vraiment la faute des juges, mais plutôt du législateur français qui a laissé un vide juridique béant pour les photos non reconnues comme « originales ». En Allemagne, si la notion « d’originalité » est également utilisée, il y a en revanche des dispositions législatives pour les photos « ordinaires ».

Il y a donc, en France, un champ totalement libre pour les margoulins de tout poil qui peuvent donc sans vergogne s’approprier vos photos, avec une très large probabilité d’impunité. Par conséquent, si vous tenez à vos photos et que vous n’avez surtout pas envie de vous les faire piller, superméfiance !