« Blow out », quand le son devient l’image du thriller paranoïaque !

« Blow out », quand le son devient l'image du thriller paranoïaque !

Le film cri, vous connaissez ? Munch peut bien aller se rhabiller ! Brian de Palma nous offre un de ces bijoux si rares du septième art. Ce thriller paranoïaque et politique des années 70 touche au but. John Travolta et Nancy Allen sont parfaits dans leurs rôles de composition. La bande son prend barre sur l’image et l’on revit en direct l’assassinat du prétendu futur président des USA. Fiction ou réalité, monde abjecte et truqué, cinéma usine à rêves, la vie est un cri sonore qui s’honore de sa propre image.

« Blow out » ’1981) ou la déception d’un réalisateur qui ne laisse rien au hasard. Brian De Palma avait en tête de réaliser «  Prince in the city  » avec John Travolta en rôle-titre, qui aurait raconté la vie d’un flic qui piège ses collègues véreux par des enregistrements et les envoie au trou. Sydney Lumet lui piquera l’idée !

Qu’à cela ne tienne, « Blow out  » (1981) rebondit et dérive du « Blow up  » d’Antonioni (1966) et « Conversation secrète  » de Francis Ford Coppola (1974). Il se fait fort de raconter une autre histoire où le contexte politique éclabousse l’écran. Trois points déterminent sa ligne de mire : l’assassinat de John Kennedy / l’accident de voiture de Ted Kennedy qui en réchappera mais pas sa maîtresse et mettra un point d’orgue à sa carrière politique.

« Blow out  », très étonnant, est un film criant un son manquant, tandis que dans « Conversation secrète », c’est le son qui manque à l’image !
« Blow out », c’est l’histoire de Jack, un ingénieur du son joué avec brio par John Travolta, enfin évadé de ses bluettes du samedi soir et autres navets à courir la cacheton. Avant sans doute aussi ou en parallèle de son lavage de cerveau par la scientologie.

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Pour son boulot de la synchronisation et des bruitages pour des sériez Z, il enregistre des sons d’ambiance, lorsque survient un accident de voiture. Plouf, à son bord le gouverneur McRyan, le sans doute futur président des USA. Mais aussi Sally qui surnage en eaux troubles, sauvée in extrémis par Travolta. Jack n’aura de cesse de prouver qu’il s’agit d’un attentat et de recoller les morceaux de la bande son sur les images de cet évènement tragico-politique. En chef d’orchestre de son propre film, le micro bandé depuis un pont, on assiste à sa capture de tous les sons extravagants. De Palma lui aussi adepte des techniques, nous amplifie l’action. L’œil remplace l’oreille et l’oreille ouvre les quinquets à la réalité qui se déroule sous notre regard glacé d’effroi. Les sons imaginent la scène en images et l’accident déboule de l’attentat. Jack devient à la fois le scénariste et le réalisateur et n’aura de cesse de reconstituer l’assassinat du gouverneur.

Sally, la naïade, ne le laisse pas indifférent. Ce n’est autre que Nancy Allen, madame De Palma en privé, qui a des traits slaves dans les fossettes et le regard bleu acier bien trempé. « Elle joue de la voix pour rendre son personnage puéril. Elle est vulnérable parce qu’elle est naïve ». (Nancy Allen). Sainte ou putain, Sally fille vénale est maquée avec un photographe entremetteur et maître chanteur. « Sally s’imagine qu’elle aide en réalité des femmes en révélant l’infidélité de leurs maris. Elle utilise sa sexualité dans ce sens mais ne se rend pas compte qu’elle est un objet  ». (Nancy Allen)

Philadelphie filmé lors de la fête nationale est un prodige du genre. «  Blow out » sort en juillet 1981. Les studios escomptaient que John Travolta survolté apporterait le succès. Dommage, c’est un film d’automne tragique et noir. De Palma réaliste et dépité clamera à la suite de l’échec en salle : « On devient un véritable metteur en scène quand on a coulé au moins une maison de production  » ! Du grand art Brian, du très grand art !

En tout cas, ce n’est pas un film qui laisse indifférent. « A la sortie du film, les gens ont soit adoré ou détesté. Personne n’avait d’avis mitigé  ». (Nancy Allen)
De même que pour la prestation hors du commun de Travolta, qui espérait se faire un nom hors de ces lamentables prestations précédentes. Ce fut l’euphorie ou le dégoût marqué.

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Franchement, avec ce film, je suis restée scotchée dans mon fauteuil du début à la fin, titillant autant mon côté auditif que visuel. J’en suis sortie baba les esgourdes abasourdies par les images en révélateur d’une réalité cachée.

(Patience à suivre « Pulsions » toujours de Brian de Palma dans sa version non censurée…..)

Blow out de Brian De Palma, version originale sous-titrée, couleurs, 108 minutes, 1981, distribué par Carlotta Films, novembre 2012

Avec en sus comme toujours moult suppléments à vous couper le souffle !