« L’alphabet des oiseaux » déplie ses ailes en lettres universelles !

« L'alphabet des oiseaux » déplie ses ailes en lettres universelles !

Delphine Montalant éditrice sort un alphabet avec des lettres en forme de becs et pattes de zoziaux bien sympathiques, serties d’illustration léchées par Nathalie Azémar et portées par les mots azurés d’un Eric Holder métamorphosé poète. A la portée de tous les publics, ce livre vous est destiné. Si vous avez gardé un cœur d’enfant ou si vous avez des enfants, ce livre donne vraiment envie de lire à travers les lettres. Elles se dessinent en envolées lyriques à ouvrir toutes les cages, en hommage à Jacques Prévert qui se serait retrouvé fervent complice de cet ouvrage.

Des abécédaires j’en ai courus en Afrique avant de débarquer passagère clandestine en France, via un vol de nuit et tomber sous la coupe du Bartos. La nuit quand le village était endormi, je descendais de ma plus vieille branche et venais visiter l’école. A chaque fois j’étais absorbée par les lettres qui ornaient cet univers où des bambins de tous les âges avaient marné leur esprit. Différentes enluminures aux formes variées donnaient le change avec la perception qu’on voulait leur attribuer. J’en ai vite eu ras la casquette du K comme képi qui en faisait des kilos en dépit du bon sens des autres lettres qui scintillaient dans ma tête. Même si c’est vrai, que le O comme oiseau m’enchantait déjà des vols planés à décamper au moindre toucan pour ne jamais être prise au piège des humains.

C’est ainsi que j’ai appris à lire en secret mais aussi dans les cahiers oubliés par les cancres, mes frangin(e)s où je découvrais un univers à mon niveau. Mes premières lectures furent pour le Prévert que je considérais comme mon pater pas du tout austère, à la fois proche par sa grande liberté qui qualifie ses écrits et son esprit rebelle, tant aussi dans ses collages, scénarios et dialogues.
Alors vous pensez bien quand j’ai caressé pour la première fois de mon regard animal «  L’alphabet des oiseaux  » j’ai ouvert mon bec à cheminer à tire d’aile. Quelle fabuleuse invitation au voyage conviée à portée de mes pognes. Il me suffisait juste de tourner les pages.

La première dédicace peu banale m’emballe d’abord « A Nahuel et Lucio », ça rimait déjà pour moi avec deux bambins d’à peine quatre mois, deux frères jumeaux à qui l’on dédiait ce livre. Belle entrée en matière dans la vie des mots et quel cadeau ! Bienvenue à vous deux petits d’hommes. Il est des livres qui vous suivent tout au long de l’existence. Celui-là est de ceux-là. Et quand, dimanche 8 juillet j’ai découvert l’un des deux bambins entre les mains de leur père, j’ai été soufflée. Je dis bien soufflée ! Je n’avais encore jamais conçu dans mon esprit retord qu’il puisse exister des mains masculines si douces et attentionnées à donner la becquée à un bébé. J’ai questionné le Bartos aussi présent qui signait son « Dagmar » sous le platane. Tu parles, le cave absorbé, il planait, parfaitement incapable de mettre un blaze sur un visage. Il mérite des tatanes ! En tout cas je félicite Lola la maman qui a choisi le plus gentil des papas pour leurs deux garçons.

Dès la lettre A j’ai été confuse voire abusée. Araçari, vous m’étonnez…. Moi qui sortais d’un article consacré à un film intitulé « Arakiri  », ça m’a sabrée aussi sec. Les prochaines lettres étaient plus conformes avec l’image que me distillait ma petite tête. Je n’abuserai pas de la buse, chouette alors ! Je ne serai pas le dindon de la farce monté sur des échasses. Le F comme faisandeau n’était pas encore faisandé et encore moins monté tout en haut de la grue. « Qui plie mille grues en papier dit un proverbe japonais, « voit son vœu exaucé  ». Mais où va-t-il chercher tout ça, l’auteur textuel de cet ouvrage ? Je veux parler d’Eric Holder qui ne m’avait pas encore habitué à ces textes courts imagés ! Pourtant des nouvelles il en donne de temps à autre avec le talent truculent qu’on lui connait certes ! Mais le court bouillon de ses nouveaux textes sont encore plus ciselés et confondants, que c’en est un régal. Les illustrations parfaitement maîtrisées sont du ressort de Nathalie Azémar. Je l’ai rencontrée elle aussi lors de cette fameuse soirée à la bouquinerie. Enjouée, elle te dédicaçait le livre, même qu’il fallait faire gaffe à ce qu’il ne s’envole pas, puisqu’elle vous glissait un oiseau tout chaud issu de son trait de génie. Même qu’elle demandait aussi souvent, si les personnes voulaient le paon son préféré je crois. On a aussi discuté de l’arlésienne estuarienne, le fameux pont entre Blaye où elle réside et Lamarque à la place du vieux bac teuf teuf.

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J’ai adoré par goût le J comme jaseur un bon potos et je préfère le K comme kiwi au képi ! « Le kiwi mange-t-il des kiwis ? Aussi d’autres fruits, des insectes, et des vers, puis rentre dans son terrier avant que le jour se lève sur la Nouvelle Zélande ». J’ai l’impression qu’Eric Holder s’est bien amusé à écrire ce livre, Autant que les grigris, lui aussi, qu’il a glissé dans l’ouvrage lors encore de cette sacrée soirée en guise de dédicaces intentionnées aux premières lectrices et lecteurs. Je passe la mouette par trop commune sous nos latitudes. J’aime bien aussi l’urubu pour ses consonances étranges qui peaufine sa mise en valeur : « L’urubu accoutumé d’être laid a posé pour quelqu’un qui l’aimait, qui l’a peint et peigné  ». Le X comme xénique m’a fait la nique à l’inéquation cardinale de l’acquis fatal à mon métabolisme : «  Si je comprends bien, puisque x2 = X, si X = 1 un superxénique n’est jamais qu’un xénique, mais tout est superxénique ! C’est mathématique ». Vraiment très en forme l’Eric à la réplique. On va devoir l’appeler l’homme aux équations qui parle sous l’aile des oiseaux.

De son côté j’allais oublier, Nathalie Azémar dédicace elle aussi ce fabuleux ouvrage à ses fils Jérôme, Raphaël et Frédéric, les bien heureux. Elle a glissé sa plume à nous conter selon ses traits fins ses oiseaux à elle, avec pour chaque lettre un fond coloré bien à lui qui reflète parfaitement le texte qui se marie avec l’illustration.

C’est aussi la première fois qu’Eric Holder travaille avec Delphine Montalant éditrice de talent. Ce pas de deux par ces amoureux des mots et des images est encore un sacré gage de très grande qualité. Car, je ne le dirai jamais assez, Delphine est extrêmement exigeante et ne publie que selon les battements de son cœur sensible. Je sais aussi que Delphine a été présenter son alphabet dans des classes du Médoc avec un accueil fervent des enfants et des enseignants. Ce livre s’adresse à tous les enfants de quatre mois à l’infini, car on garde toute sa vie ce regard neuf et curieux sur le monde. Alors surtout laissez-vous tenter et ouvrez de grands yeux étonnés et conversez avec ces oiseaux, ouvrez leur cage pour qu’ils s’envolent comme pour « Pour faire le portrait d’un oiseau  » du père Prévert. C’est du même tonneau, de la même liberté, de cet envol mirifique prolixe à notre travail du chapeau, si nécessaire à notre développent sensoriel.

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Vraiment un bel ouvrage qui ne s’enferme dans aucune cage. Un bel ouvrage ouvert sur les ciels de toute la planète terre qui jacte français pour les petits et grands pipious qui sommeillent en vous ou autour de vous. Il y a forcément un enfant parmi vous qui sera heureux de s’envoler en lisant ce livre, faites suivre….. Avis aussi à toutes les écoles de la francophonie pour abolir les frontières, ce livre vous ouvre de nouveaux horizons et tout le monde s’y retrouve. C’est un livre universel !

Sacrés oiseaux en toute lettre portés par le pinceau de Nathalie Azémar toute à son art des volatiles expressifs et Eric Holder le poète en verve.

L’alphabet des oiseaux, illustrations Nathalie Azémar, textes Eric Holder, éditions Delphine Montalant, format 20 X 25, juin 2012, 21 euros

Visuels : copyright éditions Delphine Montalant