Olivier Moyano présente un concours de nouvelles 2012 « En hommage à Philip K. Dick »

Olivier Moyano présente un concours de nouvelles 2012 « En hommage à Philip K. Dick »

Dick en allemand ça veut dire épais, comme la personnalité de ce fameux écrivain américain prolixe et si souvent adapté au cinéma. C’est tout naturellement que les éditions Assyelle ont confié à Olivier Moyano fin psychologue et spécialiste de la littérature fantastique via les arcanes de Philip K. Dick, le soin de vous proposer de concourir littérairement en donnant de vos nouvelles. Ne boudez pas votre plaisir et bonne écriture d’anticipation, le futur est déjà derrière vous !

Le Mague : Etrange phénomène que ce personnage écrivain si tourmenté ! Penses-tu que s’il n’avait pas perdu sa sœur Jumelle Charlotte presque un mois après sa naissance, qui le hantera toute sa vie, au point de faire surgir cette thématique dans le « Dr Bloodmoney », du petit frère interne mort-né avec lequel il correspond une fois adulte par télépathie, Philip K. Dick n’aurait jamais écrit ?

Olivier Moyano : Peut-être pas, en tous les cas un écrivain écrit sans doute toujours plus ou moins à partir de son histoire et des points autour desquels sa souffrance s’est cristallisée. Ce qui signifie que certains thèmes récurrents chez Philip K. Dick, comme la question du double, de la personnalité multiple, de l’inconstance du temps que l’on pourrait prendre à rebours, ou ce que tu cites dans le « Dr Bloodmoney » vient évidemment des failles de sa propre existence. Il aurait sans doute été écrivain de toutes les façons, vu sa productivité, mais on peut être sûr que certains thèmes sont issus directement de sa trajectoire personnelle. Son génie est de mettre cette problématique au service de la création littéraire.

Le Mague : Philip K. Dick a été taxé de schizophrénique, c’est toujours pratique de mettre un auteur que l’on ne comprend pas dans une case pour l’enfermer. Toi, qui est fin psychologue et t’intéresses de très près aux phénomènes d’homologie, quelle est ta position sur cette question ?

Olivier Moyano : Comme tu le dis, c’est pratique de cataloguer les gens. Personnellement, je réserve la question diagnostique uniquement à ma pratique professionnelle. Tout d’abord, je pense qu’il est dangereux de réduire l’art à la folie, même si parfois, comme dans l’art brut (Dubuffet), il en est directement issu. En lisant Philip K. Dick, je ne me suis jamais posé la question, tout simplement, et tu sais que j’ai lu tout ce qu’on pouvait publier de lui en langue française…son œuvre est cohérente, structurée, progressive, avec un tournant en 1974, certes, à partir d’une expérience que l’on dit hallucinatoire…mais l’hallucination ne fait pas la schizophrénie, ce serait réducteur. On ne trouve pas dans ses écrits le côté déstructuré ou hermétique de la folie, mais plutôt une littérature construite, pensée, rationalisée, même si les thèmes sont pour la plupart fantastiques.

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Le Mague : Quelles ont été les influences des substances hallucinogènes dans son œuvre ?

Olivier Moyano : On dit que Dick détestait être considéré comme « l’écrivain de Science-fiction drogué ». A-t-il pris des substances hallucinogènes ? Sans doute du LSD comme tout artiste de cette époque. Il a été écrit dans des biographies qu’il était plus ou moins dépendant des amphétamines à une époque, et qu’il pouvait écrire trois jours durant, quasiment debout, grâce à l’effet de ces psychostimulants. Je ne vois pas Dick comme le chantre de l’écriture sous effet hallucinogène, et lui ne voulait surtout pas de cette étiquette, il y a sans doute une raison.

Le Mague : Si tu devais résumer en quelques mots clés l’œuvre de Philip K. Dick, quels seraient-ils ?

Olivier Moyano : une géniale anticipation souvent angoissée.

Le Mague : Quel était le moteur à explosion créatif de Philip K. Dick à son époque ?

Olivier Moyano : Le désir, jamais assouvi, d’être reconnu comme un auteur de littérature et non comme un auteur d’un art mineur, regardé avec condescendance, la SF.

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Le Mague : Que penses-tu de l’adaptation des œuvres de Philip K. Dick au cinéma ?

Olivier Moyano : J’en ai aimé certaines, en particulier Minority Report qui est une très belle extrapolation de ce qui n’est qu’une nouvelle dickienne. Si Blade Runner a marqué les esprits, ce n’est pas tant l’adaptation d’un roman qui est, à mon avis, beaucoup plus intéressant que le film, mais parce que c’était un événement cinématographique en soi. En parlant d’adaptation, je te signale une adaptation intégrale du texte « Do androids dream of electric sheep » (Blade Runner) par un auteur de BD (une autre de mes passions), qui paraît aux éditions Emmanuel Proust. Découvrir le texte intégral en bandes dessinées est pour moi un régal absolu. Mais c’est un travail de titan, il ne paraît qu’un ou deux tomes par an, je tire la langue !!!

Le Mague : Pour quelles raisons avec les éditions Assyelle, proposez-vous ce concours de nouvelles 2012, autour justement de cet auteur et pas d’un autre ?

Olivier Moyano : Il s’agit d’une initiative toute personnelle, j’avais déjà commencé à écrire une ou deux nouvelles, ainsi qu’une lettre à Philip K. Dick qui figure comme argumentaire du concours http://editions-assyelle.com/Page_lettre_ouverte_concours_PKDick.htm et qui sera sans doute la préface du livre collectif. Un jour, ou plutôt une nuit, en plein insomnie littéraire, comme cela m’arrive de plus en plus souvent, je me suis dit qu’il vaudrait mieux créer un ouvrage collectif, je ne me sentais pas digne, ou plus simplement pas assez légitime pour écrire seul un hommage à cet auteur. J’en ai parlé à mon éditeur, P. Lauret, le responsable des éditions Assyelle, qui a répondu dans la semaine avec enthousiasme, en me proposant d’intégrer la « Lettre » dans les préliminaires au concours. Ce dernier était lancé !

Le Mague : Peux-tu nous donner l’état d’esprit de ce concours ?

Olivier Moyano : Il s’agit d’imaginer ce que Philip K. Dick aurait pu écrire, anticiper, s’il avait vécu en 2012.

Le Mague : Ce qui m’étonne, contrairement à bien d’autres concours organisés par des maisons d’éditions, une participation de 10 euros est demandée. Pour quelles raisons et ne penses-tu pas que cette somme risque de considérablement freiner l’ardeur des personnes intéressées ?

Olivier Moyano : La participation aux frais dans les cas de concours est monnaie courante, si j’ose dire…j’ai déjà participé à d’autres concours payants, 10 euros ne me semble pas constituer un obstacle insurmontable. Pour compensation, les auteurs dont les nouvelles n’auront pas été retenues auront la possibilité d’acquérir l’ouvrage rassemblant les nouvelles lauréates à moitié prix, ce que ne font pas les autres éditeurs…ceci compense cela. Les auteurs lauréats, quant à eux, auront le plaisir de signer un contrat d’édition (à compte d’éditeur bien évidemment) et recevront gratuitement cinq exemplaires…ce qui est très généreux dans ce type de concours (http://editions-assyelle.com/Reglement_Concours_Nouvelles_PKDick.pdf).

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Le Mague : Autre question étonnante pour un concours littéraire, aucun format n’est proposé et, comme souvent est ténue la différence entre une nouvelle et un roman, qu’est-ce qui va départager le genre de l’autre ?

Olivier Moyano : j’avais moi-même posé la question à l’éditeur, étonné qu’il ne calibre pas les textes. Il m’a répondu qu’étant allergique aux choses "obligatoires", aux contraintes, alors il ne souhaitait pas les imposer aux autres. Il a ajouté que les meilleures nouvelles d’Asimov sont souvent parmi les plus longues... Et que s’il y avait douze excellentes nouvelles
sélectionnées, je le cite : « de 50 pages chacune, eh bien tant mieux ! Nous aurons un excellent "tribute to Philip K.D." ! »…

Le Mague : Sur quels critères majeurs le Comité de Lecture des éditions Assyelle tranchera son choix quant aux 12 lauréat(e)s ?

Olivier Moyano : Je n’en sais absolument rien, ne faisant pas partie du Comité de Lecture, je reste en dehors de tout cela, puisque je vais moi-même concourir avec une, peut-être deux nouvelles, je ne sais pas encore ; il faudrait poser la question à la maison d’édition.

Le Mague : Quels conseils donnerais-tu aux participant(e)s à ce concours ?

Olivier Moyano : écrire avec passion ! Être imaginatif, lâcher la bride, et tenter de faire fonctionner l’empathie avec le style Dickien !

Le Mague : Si tu as quelque chose à rajouter, au plaisir de te l’entendre dire.

Olivier Moyano : Je suis très fier d’être à l’origine de ce projet. Philip K. Dick figure parmi mes auteurs favoris, parce que j’ai retrouvé chez lui des obsessions qui existent chez moi : le thème du double, je partage avec lui le syndrome de la « sœur perdue » que tu évoquais dans ta première question, je suis intéressé par la question des réalités alternatives, celle d’une vision anticipée du futur avec malgré tout un ancrage dans la réalité, qui fait dire au lecteur : et si jamais ? Je suis également très heureux de collaborer avec mon éditeur. Les relations auteur/éditeur sont souvent complexes, pour ma part assez impulsives parfois (je le regrette après-coup), mais P. Lauret n’a jamais répondu à ma susceptibilité en miroir…l’éditeur sait souvent qu’il doit traiter avec l’auteur et son ego… Pour cela, j’adresse un grand merci aux Éditions Assyelle et à leur responsable !