Les Arcanes du Mague ou le bal masqué des paparadiziaques

Les Arcanes du Mague ou le bal masqué des paparadiziaques

J’ai vu naître le Mague. Ce fut d’abord une branchette de feu le site E-terviews, un pauvre petit squelette parti au premier jour des quelques bafouilles journalistico-satirico-mégalomaniaco-vignalesques qui se trouvaient déjà sur ce site mère, alors disséminées parmi la foison d’eterviews qui en justifiaient l’entité, une sorte de sous-rubrique où le peu qui sortait du cadre de ces fameux entretiens électroniques était archivé.

Frédéric Vignale m’avait montré cela un matin : « whais ça va être génial j’ai bossé toute la nuit sur ce truc c beau non ». Un alignement de dix articles signés Vignale. Il était tout pimpant, un vrai gamin : « je vais faire une revue où tout le monde pourra enfin balancer tout ce qu’il voudra on va rigoler ! »

Et puis, environ un an trois quarts après : « je te donne un espace d’expression faut changer la préhome du mague fais-moi un dessin coloré et délirant stp ».

La première lame

Une carte, même si elle relève d’un symbole ou d’une allégorie propre, ne parle pas seule. Celles qui l’accompagnent ou l’entourent déterminent sa signification en fonction de toutes ses extensions possibles. Il n’en reste pas moins que chacun des arcanes (ou lames) présente un archétype ancestral portant une clé à l’interprétation des aléas de la vie humaine, entière contenue donc, en 22 dessins du tarot de Marseille original, les fameux arcanes majeurs.

Le bateleur (ou mage ou magicien) a les quatre éléments posés devant lui sur une table branlante dont seuls trois pieds sont visibles. L’eau (coupe ou coeur), la terre (bâton ou trèfle), le feu (épée ou pique) et l’air (denier ou carreau). Cet arcane enseigne que tout n’est jamais que combinaisons des éléments. Qui le découvre peut se dire qu’il détient entre ses mains ce qu’il faut pour mener ses projets à bien, énergies, volonté, et que tout est en place pour sa réussite s’il sait toutefois combiner les choses avec intelligence et engagement, car le bateleur est aussi le soi, la part de soi qu’il faut mettre. Il peut anticiper d’un coup à jouer, d’une contribution personnelle qu’il sera bon d’apporter, mais surtout qu’il n’y a rien désormais à attendre de l’extérieur puisque tout existe déjà dedans. En négatif, il prévient d’un personnage dont il faut se méfier, qui pratiquerait calcul et manipulation.

Le Mague est devenu, en l’espace de près de deux ans, une sorte d’hybride tenant aussi bien du torchon torché que du chalumeau à cibles bien-pensantes, un magazine virtuel tonitruant de vivacité, de complexes en tous genres, et dont l’humour au quarantième degré fait tant grincer les émaux qu’on ne s’y entend plus aboyer. Voilà ce qui arrive lorsqu’on ouvre le crachoir à tous les vents, contraires ou non, de l’opinion. Avouons que l’expérience n’est pas dénuée d’un certain intérêt sociologique. Laissons libres les langues et voyons un peu ce qu’il va se passer. Lâchons sans retenue toutes les conneries qui nous passent par la tête puis laissons, à son tour, se lâcher dessus cet échantillon disparate de public internautique ; l’affaire vaut ce qu’elle vaut et comme elle est gratuite, pourquoi s’en priver car, comme dirait l’autre*, quand on voit ce qu’on voit, qu’on entend ce qu’on entend, et qu’on lit ce qu’on lit, on a bien raison de penser ce qu’on pense !

Fait remarquable. Plus les visiteurs affirment être écoeurés et plus ils sont là pour le dire. La question serait-elle donc tranchée comme l’Epée de justice, qui fait valoir l’attirance qu’éprouvent certains pour ce qui les repousse ? On ne peut pas être d’accord partout, on peut ne pas apprécier les mauvaises flèches pointées sur tel ou telle faux people au sujet de sa vie privée (c’est-à-dire vie sexuelle bien entendu) comme si Frédéric Vignale ou son consort Olivier Chapuis d’Orgeval étaient des intimes en propre du ou de la pauvre visé(e), et que l’un ou l’autre parlait - ciel ! - en parfaite connaissance de cause. Indéniablement, qu’on l’aime ou que l’on ne l’aime pas, que les sujets traités soient de prédilection ou non, voire, qu’ils en soient très loin, le Mague exerce une sorte de magnétisme sur qui s’y connecte, vous semblez y venir, non pour vous informer mais pour vous amuser, ou mu par la curiosité (malsaine, cela va de soi) qui pourrait faire se dire « quelle dernière mauvaise trouvaille se sont-ils encore permis d’oser ? » mais vous y venez, vous y revenez et, en quelques tours de forums, si vous n’y prenez garde, vous pouvez vous y retrouver… fidélisé.

L’Internet est le média de la Révolution en cela qu’il est le premier outil de main d’homme qui, depuis le début de sa grande Histoire, a su pulvériser les frontières, temporelles comme géographiques, avec tout ce que cela suppose et notamment, être aussi, le plus fidèle miroir de l’Humanité, bon et mauvais confondus sous la houlette de toutes les moralités possibles, conjointes ou contradictoires. On dit que l’on reconnaît la qualité d’un individu à ses fruits. Dire que le Mague n’est pas un miroir vignalien serait mentir mais dire que le reflet est dénué de sa conscience le serait bien davantage.

Alors que le monde continue, plus que jamais, de s’ensanglanter allègrement aux rythmes des tambours du pouvoir et de ses déraisons, quand partout on tue et on meurt au nom prétendu de la vérité, de la sainteté et autres élucubrations prétextuelles, Frédéric Vignale dans son microcosme virtuel crache ses glaires là où tout le monde les ravale, empruntant les voies balisées des sources d’informations en place pour les détourner sur leurs facettes faibles, transformant ainsi le visage médiatique en ce qu’il est peut-être réellement sous la croûte, à la fois farce grotesque et face risible, grande bouche ouverte aux bâillements gras de la population qu’elle absorbe, abrutisseur rose bonbon sans sucre à l’heure de la pause-télé, le clope sous la hotte pour ne pas déranger bébé.

Arcane signifie aussi mystère ou secret. L’insondable a, de tous temps, fasciné mais c’est bien au rire que revient le droit et la palme de se sauver de soi-même lorsque cela est plausible ou simplement lorsque l’air qu’on respire est tant vicié que la seule solution réside en se viciant intrinsèquement plus encore. Riez, riez, tant qu’il en est encore temps et, pour agrémenter un jour ou un soir qu’on assassine, faites donc ensemble, une petite partie de cartes… L’un des personnages a bougé sur son morceau de support alors... à qui la prochaine donne ?

* Michel Colucci dit Coluche (1944-1986)

INVITATION POUR LE VERNISSAGE DU 11 SEPTEMBRE 2004

Lire aussi "Pourquoi vous ne viendrez pas à notre vernissage du 11 septembre"

* Michel Colucci dit Coluche (1944-1986)

INVITATION POUR LE VERNISSAGE DU 11 SEPTEMBRE 2004

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