Dialogue avec la Dame France

Dialogue avec la Dame France

En ces
temps de course électorale, je suis en pleine crise de foie… je ne supporte
plus ces pseudo débats et ces régurgitations de mots avalés, déformés, remâchés
et vomis sur la place publique.

Sécurité,
laïcité, école, santé, immigration, dette, inflation, euros, chômage, formation…

Les
mêmes mots qui ressortent en temps de vote et en temps de crise. Des mots
repris par différents apôtres, et conjugués à plusieurs temps. Mais ces mots,
ces problèmes sont oubliés, tus et censurés quand la récolte des votes a été
faite. Ne les utiliser qu’en cas de crise comme un traitement allopathique. Un
peu d’homéopathie nous ferait du bien.

La France va mal. Beaucoup de médecins
se penchent à son chevet, prennent son pouls, émettent des diagnostics, des
analyses, des radiographies et prescrivent des traitements de cheval. Mais rien
n’y fait. Elle est souffrante et alitée, elle attend ? Mais qu’attend
elle, qui attend elle ?

Mon
foie va mal, ma cité va craquer. Tel est mon avis de citoyenne appelée aux urnes.
Mais ma voix, ma voie va-t-elle changer quelque chose au sort de la vieille
dame, appelée France. Je consulte mes amis, ils sont indécis, inquiets. Et ils
se posent la même question que moi ? Peut être le régime adapté n’est pas
le bon. Il faudrait peut être revoir sa constitution. Encore ? Une autre
constitution. Encore faudrait il qu’elle ne soit pas comme les précédentes…

Je
décide de me rendre à ses côtés, de lui parler et de l’écouter cette dame
souvent négligée, manipulée, à qui on fait dire tout et n’importe quoi.

La France a peur, elle se replie dans un
geste lent, elle appelle au secours. De quoi a-t-elle peur ? De qui ?
Pourquoi ?

Certains
prétendent que la haine est la seule réponse possible pour cette belle
courtisane, cette vieille dame affublée d’oripeaux rappelant sa splendeur
passée mais mettant en lumière aussi son léger déclin.

Elle a
peur, aidons là, répètent certains ? Encore faudrait il savoir de quoi
elle a peur.

Je me
penche vers elle, elle me demande de s’approcher d’elle, me tend les bras. Je
m’assieds et elle me dit de l’écouter. Elle semble sur le point de se livrer
comme une esclave, elle veut se débarrasser de son lourd fardeau.

« Sois
ma confidente… » me demande-t-elle.

Je serai
sa confidente, je transcrirai ses mots en la respectant, sans la trahir, Elle
susurre, il n’y a pas Une Vérité, mais Des Vérités.

Mais
je n’en veux pas de ce rôle de prophète, je ne suis pas celle qu’elle croit. Je
ne veux pas qu’on me brûle sur une place publique, telle une hérétique.

Elle me
rassure, en me disant, qu’elle s’exprime souvent mais que peu de gens prennent le temps de l’écouter,
qu’elle transmet souvent son désarroi. Mais qu’au lieu de l’aider à trouver des
solutions, on déforme ses propos, son mal.

Parle
moi France, parle leur, parle nous. Dis leur ce que tu me disais, quand enfant,
je doutais de toi, d’eux, de nous. La
France est la plus belle des réponses à la haine, regarde
l’histoire, les bons cotés, les mauvais. J’assume tout, me dit elle. Je
regrette certains de mes actes, mais comprends moi. Avais je le
choix ? Remets les choses dans leur contexte mon enfant. Comprends moi.
Soutiens moi. Porte moi à bout de bras. Soulève moi. Aide moi à me redresser.

Parle
avec elle, me dis je en mon for intérieur. Dis lui que tu lui en veux, mais que
tu es sa fille. Tu es née en son sol, la langue de Voltaire est ta langue, la
république ton credo. Mais mon identité, chère France, est aussi le fruit de
mes racines, des racines d’ailleurs. Mais le greffon a pris, je me suis adaptée
à cette terre, ce sol, à mes compagnons de vie, de route. J’ai pris la France comme mère de sol,
mais ma mère de sang, je l’aime autant. Ma richesse vient de ma diversité, de
cette adaptation entre deux univers qu’on dit opposés alors qu’ils sont si
proches. Mon humanité vient de là. Mon trésor est dans ma double culture. Ma
couleur, je la porte comme une étoile. Ma religion est mon joyau secret. Je te
respecte France. Mais tu les entends hurler contre l’étranger, toi qui as su
accueillir les exclus, les réfugiés. Toi qui as su donner à beaucoup une raison
d’exister et de se battre ici et de repartir de zéro.

Tu ne dis rien, pourquoi cette larme ? Pardonne moi si je t’ai offensée,
ma chère France… je ne peux blesser ma mère. Que dis tu ? Tu ne comprends
pas toi aussi. Nous non plus. On se perd encore plus quand on nous montre du
doigt.

" O
France, que dois je faire ? Prendre les armes, ou lever l’ancre, battre en
retraite et rentrer à celui qu’ils disent être mon pays. La France tu l’aimes ou tu la
quittes, disent ils. Mais dans l’amour, il y a certaines crises, certaines
batailles, certains doutes. Et souvent, on s’éloigne pour mieux revenir.
L’amour n’est pas uniforme, et n’est pas un fleuve tranquille.

Certains
t’ont quitté, justement car ils t’aimaient trop. Et le désamour, n’est pas aussi
simple. Et puis aimer, c’est pas dire oui à tout. Tu me comprends, je t’aime
France, mais eux je ne les aime pas car ils ne m’aiment pas.

Ma
différence fait tache, un monde uniforme voilà ce qu’ils veulent. Mais tu as
voulu des différences, des discussions, des échanges. Tu ne voulais pas te
fermer. Et voilà qu’ils veulent créer une identité nationale ? Que dois je
comprendre ? Quels seront leurs critères, la définition ? Quelle est donc cette France de demain dont ils parlent tant.."

A suivre...