Si tu ne viens pas au Pacha, le Pacha ira à toi !

Si tu ne viens pas au Pacha, le Pacha ira à toi !

Etonnant retour en mémoire et en bande dessinée pour un personnage hors norme qui a défié son temps : le comte de Bonneval, sur un scénario de son descendant Gwen de Bonneval mis en images par Hughes Micol. A partir du souvenir d’un portrait dans l’enfance du scénariste, c’est une série de quatre albums, qui tranchent dans le lard de la tronche de vie mouvementée entre les années 1675 et 1741, du comte devenu Pacha. Ses premières épopées sur fond entre autres de batailles navales et sur terre s’y dessinent. On s’y croirait ! Bande dessinée d’aventure réaliste, on se coule dans le destin croisé à la fois meurtrier et sensuel d’un agitateur politique qui va bientôt virer sa cuti pour son propre compte.

Quand Gwen de Bonneval s’attaque au scénario concernant le parcours de son ancêtre, ce n’est pas dans la projection d’une vieille bedaine sur la fin de ses jours, puisque tout jeune homme né en 1975. Gwen a une approche pas du tout ringarde de la bande dessinée. Je dirai même plus, au contraire ! D’abord en solo puis sur des scénarios de Fabien Vehlmann et même comme scénariste pour des potos de son tonneau, De cases en illustrations textuelles, pas le temps de buller, il fonde en 2002 un magazine de bande dessinée jeunesse « Capsule cosmique  » où il exerce en tant que rédacteur en chef jusqu’en 2007. Et comme si ce n’était pas suffisant il dirige aussi la collection BD chez Sarbacane et demeure fidèle à ses collègues dessinateurs Hugo Piette, Michaël Sterckeman et comme de bien entendu, toujours à la colle avec Hugues Micol aux pinceaux du présent album.

Hugues est aussi une grosse pointure de l’illustration. Il a baigné son regard dans l’enfance du côté hétéroclite chez Giraud, Munoz et Hugo Pratt. Comme un appel au large, il et se carapate à tire d’aile dans son style bien lui et a pris de la bouteille dans ses œuvres.

Imaginez les ravages que peuvent causer un tableau dans une chambre d’enfant. Le Bartos c’était de la veine expressionniste allemande, il ne s’en n’est jamais remis ! Pour Gwen, les symptômes, je vous rassure sont moins graves, puisque « le Pacha » squattait le mur de la chambre chez ses grands-parents où il vaquait en vacances. Ce portrait représentait «  Un membre de la famille Bonneval ayant traversé les siècles et dont la présence paraissait naturelle à chacun ». Sauf que, le petit curieux bien naturel se demandait aussi : « Mais comment ce personnages barbu et enrubanné, habillé à la turque, pouvait porter le même nom que nous ? ».
Vous pensez bien, sa bonne fée ayant posé un baiser sur son front, le raconteur d’histoires né allait vite se remettre au travail pour nous conter un sacré bonhomme haut en image. « En me penchant sur ce personnage célèbre à son époque, j’ai découvert un caractère tonitruant, pétri de contradictions, provocateur et séducteur, à la trajectoire chaotique, épique et tragique  ».

Un héros qui se consacre à la lecture au moins quatre heures par jour comparé à notre époque, avec les heures de cerveau disponible devant le petit écran qui décervelle, on croit rêver ! C’est l’un des traits de caractère du comte de Bonneval. Tout à la fois libertin, agitateur politique, agent double…. Né en 1675, jour d’orage mémorable, Il embarque à 11 balais en tant que garde de la marine à Rochefort. A 13 ans, promu enseigne de vaisseau, il se lance dans l’aventure. On le retrouve en 1741 à 66 ans qui s’épanche sur son existence bien remplie devant un jeune chevalier à la Kong qui boit ses paroles.
Les batailles navales dessinées par Hugues Micol nous laissent sur le derche !

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Cette approche de la bande dessinée à dessein historique, comme un retour aux sources dans l’histoire du protagoniste, Gwenn de Bonneval s’en empare à cheval au galop en train de raconter l’histoire de son ancêtre pas toujours sympathique dans ses campagnes guerrières, à ne laisser aucun quartier de viande humaine debout derrière lui. C’est documenté et tiré au cordeau dans la gestuelle narrative. Les effets langagiers de cette caste cultivée brillent aux dépens des manants.
L’imaginaire n’a pas place dans cette œuvre et le présent premier tome des aventures du Pacha, puisque si j’en crois par la liste des documents bibliographiques fournis par Gwen à propos de son ancêtre, il y a en effet matière à conter.

C’est palpitant, c’est passionnant, Sainte-Beuve ne s’y était pas trompé : « Parmi les personnages anecdotiques du dix-huitième siècle, il n’en est pas qui ait plus excité la curiosité en mon temps que le comte de Bonneval  ».
C’est aussi pourquoi je vous conseille de vous laisser entrainer sur les pas du chapitre 1 : L’Insoumis. Patience pour les prochaines aventures : Le Renégat / Le Condamné et Le Turc, prenez soin de digérer présentement l’album que vous avez entre les mains. A suivre donc…..

Série Bonneval Pacha, tome 1 : L’Insoumis, scénario Gwen Bonneval / dessin Hughes Micol, 56 pages, éditions Dagaud, quadriphonie, couverture cartonnée, mars 2012, 13,99 euros