Marie-Christine Moreau aux anges à Pauillac !

Marie-Christine Moreau aux anges à Pauillac !

Editrice de La Part des anges, j’ai rencontré Marie-Christine Moreau pour une interview lors de la semaine de l’art à Pauillac qui se déroule du 20 au 25 février 2012. Femme enthousiaste, joyeuse et communicative, elle expose ses livres, œuvres d’art à part entière où les textes ensemencent les images plastiques à la démesure, que j’en ai été éblouie. Quinze années d’édition en solo, quel travail ! Avec ce retour dans le Médoc, le 25 février à 14 h 30, elle participera à la rencontre animée par Franck dit Bart avec Los Tradinaires ses auteurs occitans. Un rendez-vous à ne pas manquer ! J’y serai, pour sûr !

Le Mague : Depuis combien de temps es-tu éditrice ?

Marie-Christine Moreau : J’ai débuté très exactement le 2 janvier 1998. Ça fait que j’entame la quinzième année. Les premières sont longues mais après ça passe très vite.

Le Mague : Quel a été le déclic qui t’a propulsée éditrice ?

Marie-Christine Moreau : C’est compliqué à expliquer, mais en fait c’est une histoire de rencontres. Un matin, je me suis réveillée, c’était un dimanche en me disant pourquoi je n’éditerai pas moi-même des livres que je ne découvre pas en librairie. Eureka ! Si je réfléchis, c’est un cheminement logique parce que j’ai toujours vécu auprès des livres. Mon père lisait beaucoup, c’est lui qui m’a donné le goût pour la lecture. Après j’ai fait des rencontres dans la vie. J’ai travaillé pour un autre éditeur, mais je ne pensais pas du tout à ce métier quand j’ai vendu certains livres. Ensuite, j’ai travaillé pour un magazine où j’ai approché la chaîne de la photogravure, l’imprimerie et également tout ce qui était en amont, c’est-à-dire la rédaction d’articles, la photographie.

Le Mague : En quels termes qualifierais-tu ta maison d’éditions ?

Marie-Christine Moreau : C’est une maison d’éditions qui est citoyenne, engagée dans le respect de la chaîne du livre justement, de l’auteur au lecteur. Toutes les personnes qui participent à sa vie et à sa création sont toutes importantes. Je les respecte toutes.

Le Mague : Tu édites des livres d’arts et de textes mêlés ?

Marie-Christine Moreau : Au départ, j’ai choisi d’associer le texte à l’image. J’ai fait la rencontre d’une photographe. Lors d’un passage aux Beaux-Arts, on nous apprenait que la photo était un art mineur. Quand j’ai rencontré des photographes dans le cadre du magazine pour lequel je travaillais, je me suis rendue compte qu’ils avaient une exigence et que c’était loin d’être un art mineur et du coup, c’est aussi une façon de me faire pardonner cette pensée tronquée que j’ai pu avoir. Même si après l’image n’a pas été que photographique. Puisque dans mes livres ont peut trouver des peintures, des illustrations, des encres, des pastels… C’est l’image en général et il y a beaucoup de photos. Associer le texte et l’image, il me semble que les deux vont ensemble. On crée son propre cinéma quand on lit un livre et l’image aussi génère du texte. Il y a une interaction qui me semble intéressante entre les deux.

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Le Mague : D’où vient le nom de la Part des anges ?

Marie-Christine Moreau : Cela provient de mon premier livre que j’ai imprimé à Cognac. Cette expression qui est liée aux spiritueux m’est venue dans la tête et je me suis dit : j’ai trouvé le nom de ma maison d’éditions.

Le Mague : Puisque nous nous situons à Pauillac aux Tourelles, raison de plus pour te demander quels sont tes liens avec le Médoc ?

Marie-Christine Moreau : Il se trouve quand j’ai créé la maison d’éditions, j’habitais Arsac dans le Médoc où j’ai vécu quand même une vingtaine d’années. Je ne suis pas originaire du Médoc mais de Dordogne. Naturellement, je suis revenue sur ces terres pour chercher matière à livres et mon premier ouvrage était consacré au château Sociando-Mallet dans le Médoc. Et depuis j’ai édité quelques livres autour de cette contrée que j’affectionne.

Le Mague : Y a-t-il une autre vie possible après l’édition, quand, comme toi, on est une vaillante artiste du livre qui travaille en solo, pour ainsi dire 24 h sur 24 et presque 7 jours sur 7 ?

Marie-Christine Moreau : C’est vrai que c’est un métier très prenant, très enrichissant. Je n’aurai jamais fait toutes les rencontres sans l’exercice de cette profession et ça correspond à ce que j’avais envisagé enfant. Quand on est toute seule, il existe une multitude de métiers dans ce métier. Il faut être à la fois dans la création, c’est le côté le plus agréable mais derrière il existe toute une gestion où il y a le commercial, la promotion, tout ce qui est fabrication, le relationnel avec les bibliothèques, les librairies. Y compris juridique parfois lors de démêlées, il faut être sur tous les plans. Et en plus il se passe des salons lors des week-ends, où des rencontres comme à la semaine de l’art. C’est assez difficile d’avoir une vie à soi.

Le Mague : selon toi, avec la hausse de la TVA entre autre, dans quelle situation se trouve l’édition actuellement ?

Marie-Christine Moreau : Le livre est déshérence aujourd’hui et il y a beaucoup de facteurs pour l’expliquer. Les gens ont délaissé la lecture pour s’adonner à d’autres activités plus faciles et moins riches. Il y a aussi les regroupements et les monopoles qui signifient que l’édition et la librairie indépendante sont menacées. La hausse de la TVA n’arrangera pas les choses, c’est certain.

Le Mague Quelles seraient tes doléances justement à ce propos ?

Marie-Christine Moreau : Il y a une chose qu’il faut dire, c’est un métier où on est très solitaire. C’est un métier où l’ego est très développé, chacun porte son bébé et n’a pas toujours envie de partager. Et même en compagnie des collègues avec lesquels j’ai lié des liens d’amitié, on éprouve des difficultés à travailler ensemble. Seul dans son coin, on n’est pas grand-chose. Ce qu’il faudrait c’est qu’il y ait plus de solidarité et que les pouvoirs publics nous aident davantage et autrement. Plus dans ce qui est la visibilité des éditeurs chez les libraires et sur le net. Dans la presse nationale on ne parle plus de nous et dans la presse locale, on a des difficultés pour avoir un article.

Le Mague : Quels conseils donnerais-tu à une jeune éditrice ou un jeune éditeur qui voudrait se lancer à corps et à cri dans l’édition ?

Marie-Christine Moreau : Je ne dissuade pas mais n’encourage pas ! C’est un très beau métier, une très belle aventure. D’abord il ne faudrait pas être seul(e) et plutôt être à plusieurs et qu’il y ait un partage des tâches. Il faut avoir des moyens financiers au départ et peut-être aussi des réseaux. Tout demande du temps. Si on veut tenir, il faut être présent. Il faut être visible pour vendre. Il faut du temps et on est dans un monde où il faut aller vite. C’est antinomique et je le regrette. C’est dommage. Il y a des auteur(e)s magnifiques à faire découvrir… J’avoue que je me pose des questions !

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Le Mague : Dans le cadre chaleureux des Tourelles lors de la semaine de l’art, peux-tu nous parler des deux ouvrages qui seront présentés samedi 25 février à Pauillac ?

Marie-Christine Moreau : Ce sont des ouvrages qui m’ont été proposés par un groupe d’occitanistes médocains : Los Tradinaires de Vendays Montalivet. Ils se sont regroupés pour réapprendre la langue et ont écrit des textes. Sous la houlette d’un chargé de mission de l’université de Bordeaux III, Alain Viaut qui s’occupe d’occitan et qui leur a dit un jour : pourquoi vous ne publieriez pas vos textes ? Avec le concours du pays Médoc, elles se sont mises en quête d’un éditeur. Elles m’ont proposé d’éditer le premier livre qui s’intitule « Cabirolar los mots / La cabriole des mots » (désolé je n’ai pas trouvé l’accent grave sur le o de mots en occitan !) Il a eu du succès. Sur le plan local il a touché pas mal de personnes. Ce sont des souvenirs, des poésies, des portraits, des tranches de vie, et il y en plus un CD avec lectures, chansons et improvisations musicales de Christian Vieussens quand même ! C’était un musicien qui accompagnait Bernard Manciet. Ce dernier lui avait dit qu’à son enterrement, il n’y aurait qu’une personne pour jouer de la musique et c’était lui. Elles m’ont proposé ensuite « Espècias … de Médoc ! / Espèces… de Médoc ! », un très beau travail de trois ans de collectes sur la flore médocaine. C’est également un ouvrage bilingue occitan / français, avec toujours des textes, des proverbes, des recettes de cuisine… Elles ont recensé plus de 300 espèces ! Delphine Trentacosta photographe médocaine a participé aux deux ouvrages.

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Le Mague : Quels sont tes prochains projets ?

Marie-Christine Moreau : Toujours dans la thématique de l’eau et la terre, on va partir vers la péninsule de Dingel en Irlande, avec de la poésie et des textes, entièrement bilingues, cette fois en anglais. Egalement trois tomes sur Kyoto, des photographies avec un texte d’un auteur que j’ai déjà publié qui est fasciné par le Japon.

Le Mague : Quels sont le ou les ouvrages dont tu es la plus fière et pour quelles raisons ?

Marie-Christine Moreau : Je les aime tous évidemment. Y’en a un quand même que je préfère parce qu’il est pratiquement conçu à la main, c’est « Pastel alchimie du bleu ». Toutes les couvertures ont été peintes à la main, donc on peut choisir son livre. La tranche bleue a été passée à l’éponge. A l’intérieur il y a des photographies imprimées et en plus c’est l’histoire du pastel racontée par Bernard Manciet. Une très belle épopée, traduction occitan toulousain comme il a souhaité. C’est un très très beau livre sans doute le plus emblématique de ce que j’avais envie de publier.

Le Mague : Un dernier mot peut-être provisoire sur ton actualité présente et ta participation à la semaine de l’art à Pauillac ?

Marie-Christine Moreau : Je reviens sur les terres médocaines et j’y retrouve la convivialité, le partage, la sympathie et puis les paysages que j’aime énormément : l’estuaire, la lumière ! C’est l’hiver mais il y a une lumière particulière. Ce matin quand je rentrais de Saint-Estèphe, ça m’a donné un bol d’air avec les carrelets qui scintillaient et les arbres à nu dépouillés. Ils sont encore plus beaux je trouve qu’avec le feuillage. Et vraiment j’aime ces paysages. Je me sens en accord avec l’eau et la terre.

Samedi 25 février à 14 h 30 aux Tourelles à Pauillac, rencontre animée par Franck dit Bart entre Marie-Christine Moreau éditrice et Los Tradinaires auteur(e)s avec des lectures en occitan et français.
Marie-Christine Moreau est présente tous les après-midi et en soirée du 20 au 25 février et elle présente les ouvrages de La Part des anges aux Tourelles à Pauillac
Mon article consacré à l’ouvrage Espècias … de Médoc ! / Espèces… de Médoc !
http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article7619

La semaine de l’art à Pauillac : http://semainedelart.free.fr/