Les jeunes années Picasso en art et en amour à Paname !

Les jeunes années Picasso en art et en amour à Paname !

Le jeune Pablo Picasso et son ami espagnol Carlès Casagemas, tous deux peintres en goguette à Paname aux grandes heures des portes ouvertes de l’Exposition Universelle. Destins croisés, destins délités de rencontres en coups d’éclats de Carlès le flingos en main qui se fait sauter la calebasse de jalousie pour une femme qui ne l’aime pas et la rencontre de Pablo avec Fernande Olivier qui deviendra son modèle de ses plus fameux tableaux de sa période du Bateau-Lavoir. Le regard éperdu d’amour du sacré Max Jacob pour Pablo et les deux hommes qui se poussent à créer dans leurs retranchements et leurs arts qui s’expriment au firmament. Au scénario, Julie Birmant nous régale toute à son art de la finesse des dialogues et de la chronologie, tandis que Clément Oubrerie nous restitue avec grande justesse les corps de leurs héros à Paris en 1900. A suivre avec beaucoup de plaisirs, les trois prochains tomes.

Bon, je le dis tout net, cette thématique m’enflamme pour le moins ! Cette période de liesses et révoltes dans les arts en ébullition à Paname des années 1900 juste à la mort de Nietzche, qui a son pendant en Allemagne avec les aminches artistes des deux côtés du Rhin qui se ficheront bientôt sur la gueule pour la der des ders de quelle connerie la guerre.
Bien sûr des photos en noir et blanc ont survécu à cette période. J’ai épanché mes larmes aux yeux après la lecture du « Nu couché  » de Dan Franck. Jamais encore la littérature n’avait donné le change et le corps à cette formidable communauté d’artistes aux mœurs très libres et aux palettes si modernes et innovantes pour ne pas s’abreuver au conformiste ambiant avec les baffes dans la tronche que sous-entendait leur regard neuf sur le monde qu’ils revendiquaient.
A l’évocation de Juan Gris, Chagall, Soutine Modigliani, Max Jacob, Béatrice Hastings, Man Ray ou Apollinaire, à travers le héros Lev Korine, le russe de retour à la vie en 1915…., on vibre dans la peau de ces personnages hors pair.

Je ne pensais vraiment pas qu’il fut possible de rendre plausible ce corps à corps avec les artistes lors de l’Exposition universelle à Paris, antichambre de la Belle Epoque en bande dessinée. J’ai été bluffée par ce premier tome Pablo qui a dépassé toutes mes espérances.
Je salue l’énorme travail de reconstitution et du trait juste tant dans les propos des héros que dans les paysages urbains. C’est criant de réalité et ça nous en bouche un coin.
Julie Birmant s’est collée aux dialogues, Prévert dans son registre lui aurait envoyé une salve fraternelle tant elle excelle et que le scénario tient les palettes. Clément Oubrerie aux manettes de ses pinceaux répond aux sollicitations artistiques de sa comparse avec le talent qui lui sied et on voyage au temps passé. On se laisse emporter. Du bel ouvrage !

L’histoire : deux artistes espagnols, un bourge Carlès Casagemas et un sans le sous Pablo Picasso se posent à Paname pour y vivre leur vie d’artiste. Carlès d’un tempérament très emporté n’est pas heureux en amour avec Germaine, au point de tenter de la dessouder par jalousie et se fiche une balle dans le buffet sans se rater.
On suit les destins parallèles entre Picasso mais aussi Amélie Lang alias madame Paul Percheron et Fernande Olivier, « La belle Fernande » peinte plus de 100 fois par Picasso. On suit les soubresauts de la jeune femme soumise à sa famille qui s’affirme et s’émancipe pour devenir modèle plutôt que de se crever la dalle pour un patron. De l’éveil de sa sexualité à son épanouissement de celle qui fut le modèle du Bateau-Lavoir « dans cette crasse, dans ce bidonville, où une bande d’immigrés loqueteux inventait l’art moderne ». (page 5)

Les soubresauts créatifs plus ou moins bien admis d’un Picasso qui fait un tabac quand il recopie une réclame pour le chocolat devant un public ébahi et qui lorsqu’il distille les couleurs se fait jeter par son agent dans le caniveau. On comprend parfaitement le rôle de gagneur que pouvait représenter ces artistes au même titre qu’une pute pour son souteneur. C’est du pareil au même. Picasso en perd ses couleurs et sombre dans le spleen baudelairien. A la rescousse, un drôle d’oiseau, un petit bonhomme bien mis de sa personne tombe en amour pour son portrait lors d’une expo dans le regard tendre du tableau. Excusez du peu et la sensibilité à fleur de peau d’un certain Max Jacob magasinier à ses heures de labeur. Le grand Max qui déclame du Verlaine comme il respire et Picasso, qui n’entrevoit que dalle à la langue qu’il baragouine lui-même à peine pour s’exprimer, est sensible aux sonorités. C’est extraordinaire où l’on apprend que Picasso a transfiguré la langue française à travers les poèmes de Verlaine déclamés par Max  ! Et c’est Pablo en retour d’amitié sincère qui poussera Max à s’accomplir en tant que poète bohème.

Ces deux destins mélangés de la mouise vécue comme une échappée belle va à nouveau les réunir au Bateau-Lavoir, avec l’entrée en scène sensuelle de Fernande dont va s’éprendre farouchement et avec amour Picasso.

Clément Oubrerie croque à merveille Picasso et sa bande. On s’y croirait ! On entend Fernande et Picasso et tous les autres personnages avec Max dans la voix des bulles de Julie Birmant.
Trois autres épisodes suivront ce récit autobiographique à l’éloquence et le phrasé romanesque autour du couple Picasso et Fernande Olivier entre 1900 et 1912. C’est assez osé et suffisamment original pour encourager et soutenir ce projet du talent conjugué de deux artistes remarquables. Et puis aborder Picasso sous cette facette, quel culot et encore bravo, j’applaudis des deux mains.

Même que je ne cache pas déjà mon impatience de lire bientôt la suite. Oui vive la suite en compagnie charnelle de Picasso et Fernande bien avant que le père Brassens ne s’empare de ce prénom féminin en rapine et le décline en envies friandes.

Pablo Tome 1- Max Jacob de Julie Birmant et Clément Oubrerie, éditions Dagaud, janvier 2012, 86 pages quadrichromie, couverture cartonnée, prix 16,95 euros