France Inter : la déférence au pouvoir et à l’humour hygiénique !

France Inter : la déférence au pouvoir et à l'humour hygiénique !

Augustin Scalbert jeune journaliste s’est penché sur le berceau de « La voix de son maître » à propos de l’histoire de France Inter et ses relations avec les pouvoirs en politique de 1963 à nos jours. Edifiante situation d’un président de la République en fonction qui nomme actuellement ses sbires à ses bottes aux plus hautes fonctions des radios du service publique ! Général nous voilà ! Et quand l’humour à l’antenne déplait dans les sphères du pouvoir on éradique les trublions. Seulement, ce livre est alimenté par des propos anonymes des gens de la radio qui discréditent en partie ses propos. Dommage ! D’autant plus dommage que de vouloir chercher l’audimat à tout prix, France Inter y perd l’impertinence et la finesse de ses aînés en liberté dans la verve d’un sacré et unique Claude Villers !

A Claude Villers des années France Inter

Télérama la revue des bobos cultivés de gôche à la croix vermoulue du Christ qui pète en touchant du bois a encore frappé fort. En couverture dans le numéro 3239 du 11 au 17 février 2012, elle racole : « France Inter Radio libre  », sans point d’interrogation ni encore moins d’exclamation, ni points de suspension, ce qui a tout l’air d’une affirmation avec la tronche de premier de la classe, du Philou Val cordial. Vous l’aurez compris Télérama roule pour France Inter des jours tranquilles de partenariat, et d’ailleurs, dans l’entretien complaisant consacré à Val dans le rôle du nouveau « Candide » de Voltaire son héros favori, s’en suit un article marketing titré « Et si Inter marchait  » sur la tête et les parts de marché entourés par des pages de pubs pour un Club très connu, une marque de poubelle française et une télévision cryptée. De qui se moque-t-on ? Le brûlot d’Augustin Scalbert journaliste à Rue 89 (récemment acheté par le Nouvel Observateur), bonjour les dégâts) est mis en exergue dans le sens inné du dialogue et l’objectivité dont cette revue a le secret bien gardé. Ce livre est édité par Nova éditions, succursale radiophonique fondée par Jean-François Bizot gourou d’Actuel et Kouchner alias grain de riz.

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Pour bien comprendre le sous-titre « France Inter et le pouvoir politique 1963 – 2012 » il faut se remémorer le coup d’éclat du Général de Gaule pour asseoir son pouvoir autoritaire et sa prise de fonction sur les médias de service public. Jamais après lui aucun chef d’état n’aurait osé nommer à la tête des radios du service public ses sbires à la botte de son képi rabougri. Sarko sans complexe ne s’est pas gêné, il l’a fait ! « Sarkozy a d’abord proposé au patron de Charlie Hebdo rien moins que la présidence du groupe des radios publiques. Il a refusé, suggérant son ami Hees ». (page 128) La suite vous la connaissez avec le retour d’ascenseur pour l’échauffourée burlesque des deux zigues princes sans rire au-dessus de tout soupçon.

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L’humour en trompe l’œil, cheval de bataille de France Inter par un pilier du temps jadis où les ondes n’étaient pas encore bridées, Pierre Desproges nous en donne sa définition : « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui ». (page 75). « En rétablissant la nomination directe, Nicolas Sarkozy a aussi réduit la liberté de ton humoristique de la radio, puisque ses responsables ne vont pas risquer à froisser la susceptibilité de celui à qui ils doivent leur poste. On le constatera avec le renvoi de Guillon et Porte en juin 2010  ». (page 74)
Le succulent et truculent Claude Villers installé désormais près de chez moi comme voisin dans le Médoc, à l’esprit alerte briffa Luis Rego sur la conduite à tenir dans ses propos lors de son interprétation de l’avocat « le plus bas d’Inter  » (allusion humoristique au garde des Sceaux de l’époque) lors des séances du Tribunal des flagrants délires. « Desproges et moi, on lui a donc donné quelques notions. On ne peut se moquer de « La Marseillaises ». On peut se moquer du président de la République en tant que personne mais pas de sa fonction. On ne peut pas appeler à la désertion  ». (page 81) Sage oraison oratoire, quand on sait que durant deux saisons ces fameux trublions enflammèrent de leur finesse d’esprit et contre la connerie crasse les ondes de France Inter  !

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Philou Val en parfait censeur entrainé à la tâche en tant que patron de presse à Charlie Hebdo avait déjà viré ce bon vieux feu Michel Boujut et Tardi de la rubrique cinoche avant de s’en prendre à Siné ! Lui qui se réclame actuellement d’un certain humour bien dégagé autour des oreilles et propret avait déjà dérapé sur scène dans sa vie antérieure de chansonnier. « Soyons clair : en humour comme ailleurs, l’excellence vaut mieux que la médiocrité  ». D’autant plus étonnant de sa part sensible à la mémoire courte : « Pendant leurs vingt-cinq années de duo, les chansonniers Patrick Font et Philippe Val en ont pourtant écrits des textes politiques à vocation humoristiques  » (page 90) pas piqués des hannetons du style humour bête et méchant selon le titre prédestiné : «  On s’en branle  » !
« Quand on m’a dit : Vous ne passerez plus à la radio
J’ai répondu au réalisateur : Coco
On s’en branle, on s’en branle
Les interviews bidons et les succès disco
On s’en branle…

Je rajoute aussi leur présence militante sur tous les concerts de soutien aux mouvements sociaux des années 80, dont ils étaient toujours fervents dans leur engagement.


’On s’en branle’ par Patrick Font et Philippe Val par LeNouvelObservateur

je passe rapidement sur les deux trublions du PAF dans le Pif du pouvoir, les Stéphane Guillon et Didier Porte sont évoqués de long en large dans le livre. En revanche j’apprécie beaucoup l’autre côté de la lorgnette que cet auteur projette, quant à ces deux sacrés philanthropes dans le boudoir de leur compte en banque. La belle affaire d’avoir été viré de France Inter, c’est tout bénef et l’affaire est juteuse ! Guilleret, Guillon empochera aux prudhommes la coquette somme de 222 011, 55 euros de dédommagement pour licenciement abusif et « Chroniqueur à France Inter entre 2003 et 2010, Guillon voit ses CDD requalifiés en CDI, et reçoit 41 981, 70 euros d’indemnités de licenciements  ». (page 268). Bien venu pour pointer aux impôts des plus grosses fortunes de France, ça va lui en boucher un coin ! Je passe sur ses produits dérivés et autres avantages….
Didier Porte tient encore la poignée de son sort qui sera scellé en 2013. « Fort de ses vingt-cinq ans d’ancienneté, il compte réclamer non pas 500 000 euros comme annoncé dans la presse, mais 850 000 m’a-t-il déclaré  ». (page 269)
Décidément, ces deux gus pourtant de talent ressemblent aux caméléons des médias qui tournent leur veste d’un média public pour s’adapter sans aucune frasque existentielle à un média privé. Mais quelle différence vous faites entre les deux ? Dommage que Scalbert omette cette question pourtant primordiale, surtout pour France Inter qui vit sur la dîme citoyenne de la redevance audiovisuelle, alors qu’elle parsème ses programmes de publicités ! Il faudra qu’on m’explique ! D’autant plus que cette question cruciale avait été abordée au premier degré sans humour par Val à son apogée sur le trône : « La radio coûte cher à l’actionnaire, qui est pourtant pas très bien traité  ».Les citoyennes et les citoyens apprécieront ! Ce qui augure encore en bien pire le funeste future de France Inter, à l’humour déjà entièrement décati puisque en laisse du pouvoir constipé avec ses errements entre ses émissions d’économie et de promotion à la con sur le coup de midi.

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Bon vent, Guillon flirte bon avec Canal Plus et Porte sévit désormais sur RTL, la radio des « Grosses têtes » pétries d’intelligence beauf dans le sillage de Stéphane en Bern. Plus dure sera la chute de l’absurde de situation dont ils se complaisent à l’aise, le sourire en coin et l’oreille sourde à leurs anciennes excellentes chroniques qui avaient le bagout de dire des vérités sur un style corrosif et explosif. L’argent achète tout et désamorce la bombe ! RIDEAU

Augustin Scalbert consacre un chapitre à ce qu’il appelle « France Inter, la voix de la gauche  ». Certes, à gauche toute avec Daniel Mermet jusqu’à sa retraite prochaine, hélas Il doit se sentir bien seul !

L’argumentaire tout au long du livre consiste à citer des personnes du sillage de la radio qui ont refusé que leur nom apparaisse sous couvert de l’anonymat. Ce procédé sibyllin pour un journaliste d’investigation me trouble et me pose des questions quant à sa déontologie. Déjà du fait, que si la plupart des premiers intéressés, journalistes ou producteurs de France Inter qui connaissent pourtant les mœurs de la grande maison de l’intérieur, identifient leur comportement à des procédés dignes de l’omerta, cela présage de la tyrannie qu’il peut y régner si on veut garder sa place. Je ne savais pas encore que la grande muette était en prise directe sur les ondes de France Inter  !
Augustin Scalbert fonde certaines de ses argumentations sur des bruits de couloir où la poussière peut parfois se confondre avec ses propos. C’est très dommage d’autant que son ouvrage est touffu et se veut issu de la véracité. On sent qu’il a marné de longs mois de travail pour en arriver là.
Au niveau de l’info, c’est pas la joie non plus sur France Inter. C’est moi qui rajoute car ce n’est pas dans le livre. Une radio du service public qui se déride le fil sur le modèle de ses concurrentes privées et se pare du sensationnel, du fait d’hiver et de la compétition à tout va du sport pour alpaguer le chaland à se gaver du message subliminal de ses annonceurs, insupporte la réflexion et l’objectivité sur le propos. De plus, la radio trottoir ou radio café envahit de plus en plus les journaux radiophoniques de France Inter. On nivelle par le bas pour aller toujours à la chasse aux auditrices et auditeurs et pouvoir se gausser que le 7-9 de Patrick Cohen (ex RTL et Europe 1) est la matinale la plus écoutée de France. France Inter a mis le curseur sur l’audimat à tout prix et non sur la qualité qui se situe dans l’antichambre décatie de son slogan : France Inter la différence  !

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Didier Varrod si j’en crois l’article consacré par Télérama dans son dossier, est la parfaite illustration du pur produit marketing à multiples facettes. « Le quinquagénaire lui a consacré (son amour de la chanson française) toute sa carrière de ses premières piges pour le magazine Numéro 1 à la création l’année dernière de la revue Serge, en passant par la production (chez Polydor puis Sony), des années au micro de Pollen et depuis septembre, l’animation de « Quand la musique donne (le vendredi à 16 h)  ».
Ne vous étonnez pas que les ziziques de Varrod à l’antenne ne correspondent pour ainsi dire jamais avec celles que nous soutenons à la marge sur le Mague ! Quand on bosse pour une major difficile de s’ouvrir les esgourdes à d’autres sons non-commerciaux, n’est-ce pas Didier Varrod  ?
Je ne parle même pas des journalistes de la presse qui viennent piger à la radio.
France Inter est rentrée dans le microcosme d’un système complètement vérolé tel que nous la décrit avec force et humour le documentaire « Les nouveaux chiens de garde ». Certains journalistes pointent d’ailleurs dans le sérail des nantis qui se réunissent régulièrement à Paname huppé pour décider de ce que sera l’info.
Pour comprendre et selon toutes mes réserves émises, le fonctionnement et l’histoire de cette radio, Augustin Scalbert a effectué un boulot vivifiant, seulement, c’est un journaliste et non un historien. Jamais un historien qui se respecte n’aurait accepté de coucher dans son livre des propos d’anonymes, car on peut leur faire dire tout et n’importe quoi.
Comme pour le documentaire « Les nouveaux chiens de garde  », on reste sur sa faim ! Soit on n’arrête de lire la presse et écouter France Inter et dans ce cas, pour trouver une info digne de ce nom, analysée, exprimée avec talent et originalité et se régaler de programmes instructifs sans être chiants où l’humour sous tous les bords aurait sa place, il ne reste plus grand choix dans le paysage actuel médiatique. D’autant plus, en virant en premier les programmes qui se sucrent de pub et qui ne sont donc plus libres de leur propos.
J’émettrai quelques solutions. D’abord pour comprendre l’information, rien de tel qu’une éducation aux médias et à la citoyenneté qui pourrait commencer dès l’école primaire et se poursuivrait au collège et au lycée. Des radios libres donc sans publicités existent encore en France dont des très anciennes à teneur militante pour la plupart mais qui tiennent encore la route.

Et si vous êtes trop vioc pour aller à l’école, il existe un site remarquable qui dissèque les médias et nous les rend accessible dans le fond et la forme. Acrimed : observatoire des médias : Actions-Critiques-Média. http://www.acrimed.org/

Et rien ne vous empêche à plusieurs de créer votre radio associative, comme il en existe plusieurs un peu partout en France. Au boulot et vive nos esprits et nos oreilles libres pour faire entendre nos différences à l’indifférence des radios sur le modèle commercial.

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Augustin Scalbert La voix de son maître France Inter et le pouvoir politique 1963-2012, éditions Nova, janvier 2012, 281 pages, 18,25 euros