Plaidoyer contre le téléphone

Plaidoyer contre le téléphone

C’est à se demander si les accros du téléphone n’ont rien d’autre à foutre, dans la vie, que de nous déranger, souvent avec des futilités du style « T’es où, tu fais quoi ? », à l’aide d’un téléphone portable qui fait aussi rasoir et grille-pain, voire d’un fixe qui sert accessoirement de godemichet, à croire qu’il ne règlent pas la facture, prétextant que c’est un forfait, comme pour nous dire qu’ils peuvent nous emmerder tout le temps qu’ils veulent. Ils paient finalement, toujours le même prix, pour nous harceler de questions à la mords-moi le jonc.

S’ils pouvaient se faire greffer un téléphone miniaturisé dans le cerveau, ils le feraient, pour nous faire chier même pendant leurs rêves. D’ailleurs, à propos de déféquer, ils ou elles attendent souvent que nous soyons sur le pot. Il y a aussi celles et ceux qui patientent jusqu’au moment où nous passons sous la douche, à table, au restaurant, au travail, en réunion, dans le métro, à la piscine ou à la mer, au fond des bois, en pleine masturbation ou avec notre partenaire, pour faire retentir la sonnerie de cette saloperie qu’il nous faudrait traîner partout comme le boulet de l’esclavage moderne, lequel porte atteinte à notre liberté d’être et d’exister.

Contrairement au slogan, le téléphone ne relie pas les Hommes, il les éloigne de la vraie vie en les obligeant à évoluer dans un univers virtuel qui consiste à ne plus se voir, bien loin de la réalité d’une conversation en tête à tête, les yeux dans les yeux et dans laquelle notre cerveau ne se retrouve pas grillé, comme dans un four à micro-ondes, surtout pour être le témoin auditif des conneries du quotidien dont tout le monde se fout éperdument, comme d’une première conquête dont on ne voudrait pas se souvenir, tellement elle était moche.

Pour ma part, je ne suis pas aux ordres ni à la botte de cet instrument barbare qui voudrait me faire mettre au garde-à-vous à chaque fois qu’il sonne. A moins de me trouver à côté et d’avoir un peu de temps, sinon je décide souvent de ne pas répondre et comme dirait Evelyne Thomas : « C’est mon choix »… Et je vous emmerde ! (là c’est moi).

On devrait d’ailleurs vous verbaliser, comme on le fait lorsque vous utilisez votre téléphone en conduisant, à chaque fois que vous nous importunez avec votre jouet de drogué.

Le téléphone ne devrait être réservé qu’aux situations importantes, exceptionnelles ou graves. En dehors de cela, il n’y a pas d’urgence mais que des gens pressés et autoritaires qui veulent qu’on leur réponde immédiatement.

Je suis de la génération sans téléphone portable et je ne m’en porte pas plus mal. Nous bavardions sur le pas de la porte, dans la rue, sur le marché ou au café du coin et la vie nous paraissait belle. Notre femme ne nous appelait pas toutes les cinq secondes, pour nous demander ce qu’elle devait acheter pour souper.

Le téléphone me stresse, alors si vous souhaitez me parler utile vous pouvez m’envoyer un carton d’invitation pour me convier à votre table ou au restaurant, en débouchant un bon Pommard, et là nous parlerons tout le temps que vous voudrez, à condition encore que votre conversation m’intéresse, sinon je laisse tout et je m’en vais.

Celles et ceux qui me connaissent savent bien que je suis un peu marginal, ne respectant pas ou à peine les normes dites sociales, et que je n’obéis plus à rien ni à personne… Et surtout pas à un objet ! Je ne suis qu’un loup libre et solitaire, ne voulant pas vivre en meute. Je suis un décroissant qui n’a besoin de pas grand-chose pour être heureux, ce qui ne m’empêche nullement d’aimer les gens et de partager avec eux, avant que mon âme d’ermite ne m’invite à les quitter, pour mieux les retrouver.