VOIX SANS ISSUE

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Le ras le bol. L’écœurement. La colère. Voici les motivations qui pousseront bon nombre de citoyennes et citoyens à plébisciter Marine Le Pen aux prochaines élections présidentielles, dans ce qu’il convient de nommer « un vote contestataire ». Peu importe son programme, ses idées, ses valeurs, c’est elle qu’ils ont choisie comme porte drapeau de leur rébellion. Leur Jeanne d’Arc, qui à défaut d’entendre des voix, espère bien les collectionner.

« Pour que les choses bougent », « Parce que ça foutrait le bordel ! » se justifient-ils d’apporter ainsi leur soutien à la candidate d’un Front National, dont la seule réponse aux maux de la société, des problèmes de chômage à la crise économique en passant par le diabète de mon beau-frère, est : l’immigration. Lassés de vaines promesses de changements improbables, ils font le pari d’un vote radical, quitte à mettre en péril le peu d’esprit de tolérance et de solidarité permettant encore de ne pas considérer autrui uniquement comme un danger, un ennemi. Comment ne pas donner raison à ces milliers d’hommes et de femmes qui croient aux vertus de dynamisme et au potentiel enthousiasmant d’une bonne guerre civile ?

Au soir de l’élection, qu’elles seront émouvantes ces images de monsieur « Tout le monde qui en a marre » tombant dans les bras d’un sympathique skinhead pour célébrer ensemble la victoire de leur héroïne commune. Qu’il sera frais le vent de la contestation lorsque que les CRS chargeront, place de la Bastille, les quelques gauchistes rétrogrades incapables de comprendre le sens de l’Histoire. Qu’il sera historique ce succès de la protectrice des acquis sociaux sous couvert de « préférence nationale », faisant fièrement renaitre un courant en vogue dans les années 30 : le National Socialisme.

Bien sûr que peu d’électeurs de Marine Le Pen souhaitent sa victoire ultime à la tête de la République. Bien sûr qu’ils aiment jouer à se faire peur. Connaître le goût du frisson. Le bulletin Front National étant la dernière occasion de se sentir exister dans une société policée. Politiquement correcte. Où l’on ne peut plus rien dire. Où une députée UMP ne peut pas comparer les homosexuels à des animaux sans se faire rappeler à l’ordre. Où Claude Guéant ne peut plus tenir des propos islamophobes sans déclencher un tollé. Où Éric Zemmour n’a pas encore sa statue place du Maréchal Pétain.

« L’Histoire ne repasse pas les plats » affirmait Céline, qui n’était pas le dernier à partager son assiette avec les nazis. Pourtant, l’actualité a comme un goût de réchauffé. Une crise mondiale, la montée des nationalismes en Europe, des responsables politiques incompétents. Cette même trajectoire. Ce même chemin. Cette même impasse.