Vous prendrez bien un peu de « Tiy » de Leïla Olivesi !

Vous prendrez bien un peu de « Tiy » de Leïla Olivesi !

Leïla Olivesi en transit musical par ailleurs en Egypte lance son « Tiy » du cœur. Encore un de ces personnages féminins dont s’est entichée la pianiste de jazz pour notre plus grand plaisir. Energie et volupté sont à la clé avec ses musiciens au diapason de leur compositrice. Un album très relevé, bien construit et ouvert qui ne sait pas laisser indifférent.

Avec ce troisième opus Leïla Olivesi nous entraine cette fois principalement en Egypte sur les pas de femmes de caractère sachant autant séduire que sévir dans l’étendue des pouvoirs qui leur étaient conférés. Trois figures inspirent son clavier et ses partoches et vogue le trio avec des musiciens qui ne nous sont plus du tout inconnus. On est très heureux de retrouver Donald Kontomanou le batteur singulier de (Laurent Coq) entre autre, Yoni Zelnik à la contrebasse jamais à la masse qui adore se produire avec des présences féminines du jazz telles (Sophie Alour) et (Géraldine Laurent). S’y adjoignent sur quelques plages dans l’album et sur scène Manu Codjia complice à la guitare autant que pour (Erik Truffaz) en phase avec (Henri Texier), mais aussi Emile Parisien saxophoniste prodige de Marciac compère de Donald Kontomanou, avec enfin Niko Coyez multi instrumentiste au souffle de sa flûte et de ses mains caressant les rythmes de ses percussions.

Leïla sait s’entourer, pardi, et la fougue de leur jeunesse lui rend parfaitement l’envoutement des arabesques musicales qu’elle distille de connivence sans pour autant se répandre à toutes les avances des notes bleues. Elle a un toucher de clavier que l’on reconnait à la première mesure. Fermez les yeux et bougez-vous les pieds sur la « Danse pour Néfertiti ». Clin d’œil non feint à Wayne Shorter qui fut aussi le célébrateur à ses heures de l’épouse d’Akhenaton le dixième pharaon de la 18ème dynastie. Cette femme osait montrer son étonnante beauté à Karnak et dont le profil exposé à l’Ägyptisches Museum de Berlin hante certaines de mes nuits peuplées d’étoiles marmoréennes. Cette danse ne vous quitte plus. La puissance des notes égrenées rétame notre équilibre instable. Quatre minutes et vingt-six secondes scotchées, on en ressort totalement chamboulés. Fi des voix de son album « Frida » et ses teintes chamarrées. Instrumental au fœtal tel un cheval au galop qui aurait enlevé la Reine de Saba alias « Balkis » en plage huit. Encore un hymne à l’intelligence féminine, Leïla fête la femme qui se libère du carcan des hommes pour s’élever. Vous en apprendrez tout autant en l’écoutant.
Délectez-vous d’une légère fumée du thé qui infuse sous la tignasse de « Queen Tiy  » Maîtresse de Haute et Basse Egypte.
Sur la pochette, Leïla a aussi le port altier de sa robe rouge qui ne décante pas d’un iota avec sa chevelure automnale. Il y a toujours chez elle et dans sa musique une forte évocation sensuelle à gravir la montagne des roches et des scories, pour porter la flamme de ses albums et illuminer nos corps en émoi.

JPEG - 713.5 ko

La fusion avec ses origines sème la rescousse de ses « African songs » morceau très construit et pourtant si fluide. « African spirit », au souffle chaud nous offre la bise à ciel ouvert avec la flute affutée de Niko Coyez. «  Prélude to a kiss  » avec un Duke en joie dans l’ombre de Leïla vraiment très belle ornée de sa musique au piano solo qui lui va comme un fourreau.

On voyage sur d’autres continents, de « Brooklyn » à « Paris Genova »…
Rarement une musique fourmille avec autant d’évocations les notes qui offrent des images aux mots et balancent la sauce à la réjouissance de tous nos sens. « Winter flower  » tient de ce phrasé.

A l’écoute attentive de cet album, des senteurs, des saveurs nous caressent les papilles auditives. « De la musique avant toute chose  », comme aurait évoqué le poète en verve. Cette sacrée bande autour de Leïla Olivesi, cette sarabande, quelle beauté. ! Zéro minute et seulement trente-six secondes plus tard suffisent aussi parfois à entrer dans le décor sonore d’un «  Mood  » ! Quelle splendeur. !

Autre trait de caractère de la magnifique Leïla, cette grande dame est capable du très court (sans doute encore plus difficile à écrire que la nouvelle littéraire), au long roman fleuve qui culmine parfois presque aux dix minutes et nous permet de s’en délecter toute la saveur musicale. D’autant plus laborieux à entendre à notre époque où toutes les musiques pour sourds sont calibrées au format radio et flash de pub incorporé.
Le plaidoyer de Laurent Coq dont je me suis déjà fait l’écho dans une chronique solidaire entre en résonnance avec toutes ces musiciennes et tous ces musiciens de talents qui rament pour survivre.
Le jazz peut-il encore se permettre de telles digressions aux lois du marché ? C’est aussi pourquoi il faut soutenir de telles auteures / compositrices qui jouent la musique avec leurs tripes. Même si je sais combien il est difficile aujourd’hui de vivre de son talent dans un tel système qui ne respecte pas ses artistes.

JPEG - 55.8 ko

Histoire de vous rendre à l’évidence, si vous habitez Paname ou ses environs, sachez que Leïla Olivesi se produira en quintet le 27 janvier au Sunside Jazz Club à 21 heures, 60 rue des Lombards dans le premier arrondissement. Ne ratez pas votre chance… et pour les autres, ne boudez pas votre plaisir avec « Tiy », un album d’une splendeur étonnante et détonante porté par une jeune femme toujours très inspirée par des figures féminines dignes d’elle.

Tiy de Leïla Olivesi, label Attention Fragile, sortie nationale le 2 janvier 2012